Au lendemain de l'annonce d'une probable victoire d'Ibrahim Boubacar Keïta ("IBK") à l'élection présidentielle malienne, certains de ses concurrents ont dénoncé un processus électoral douteux. Iba Ndiaye, vice-président de la coalition du FDR et secrétaire général de l’Adema, revient sur ces résultats provisoires, qu'il juge "surprenants".
Mardi 30 juillet, 48 heures après le premier tour du scrutin organisé dimanche, le ministre de l'Administration territoriale a annoncé les résultats provisoires de l'élection présidentielle malienne. D'après le colonel Moussa Sinko Coulibaly, l'ex-Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », bénéficie d'« une large avance » sur les 26 autres candidats après le dépouillement d'un tiers des bulletins de vote. IBK est suivi par Soumaïla Cissé et Dramane Dembélé.
L’entourage de Soumaïla Cissé a rapidement contesté ces premières tendances officielles. « Ce que le ministre a dit n'est pas proche de la vérité. (...) Ce qu'il a dit n'est pas juste », a lancé Gagnon Coulibaly, coordinateur de la campagne de l’ancien ministre des Finances, évoquant un taux de dépouillement de « 12% » et non du tiers.
Iba Ndiaye est vice-président du FDR (Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République au Mali), une coalition de différents partis - dont celui de Soumaïla Cissé, l'Union pour la république et la démocratie (URD) - mais aussi secrétaire général de l’Adema, le parti de Dramane Dembélé. Interrogé par Jeune Afrique, il n'écarte pas une "conspiration" lors du premier tour de l'élection présidentielle.
Jeune Afrique : que pensez-vous de la déclaration, faite hier, du ministre de l’Administration du territoire ?
Iba Ndiaye : Je la juge inopportune, surtout qu’elle s’est produite à la veille de la proclamation des résultats définitifs (en fait, la proclamation des résultats complets, prévue pour ce mercredi, a été repoussée à demain jeudi, NDLR). Le ministre a créé la confusion dans la tête des Maliens. On a pu le constater rapidement, avec des gens qui ont manifesté leur joie, et d’autres leur colère. Je le déplore.
S’agit-il d’une provocation ou d’une maladresse ?
Je crois plutôt à une maladresse. Mais c’est au ministre de s’expliquer.
Le camp du candidat Soumaïla Cissé, placé en seconde position par le ministre, a très vivement réagi. Qu'en est-il de l’Adema, dont le candidat est placé en troisième position par le ministre ?
La réaction des partisans de Soumaïla Cissé est compréhensible. À l’Adema, notre position n’a pas varié : nous attendons les résultats définitifs. Nous avons noté beaucoup d’insuffisances durant le scrutin. Les chiffres dévoilés par le ministre nous paraissent surprenants. Mais nous ne sortirons pas de la légalité. Nous n’appellerons pas à descendre dans la rue. Cela ne ne serait pas responsable. Par contre nous utiliserons toutes les voies légales à notre disposition.
Nous utiliserons toutes les voies de recours si nous jugeons les résultats non conformes à la volonté du peuple malien.
Faites-vous confiance à la Cour constitutionnelle, qui doit proclamer les résultats définitifs ?
Confiance ou pas, nous irons avec nos arguments. Et nous utiliserons toutes les voies de recours si nous jugeons les résultats non conformes à la volonté du peuple malien. Mais nous devrons respecter sa décision, quelle qu’elle soit.
Un représentant du FDR a exigé hier, lors de la conférence de presse de l’équipe de campagne du candidat Cissé, la démission du ministre et la mise en place d’une commission indépendante et internationale de dépouillement. Êtes-vous sur la même longueur d’onde ?
Cette exigence ne vient pas du FDR. Nous nous réunirons pour en discuter.
Le ministre est issu de l’ex-junte, qui contrôle par ailleurs un certain nombre de rouages du processus électoral. Craignez-vous une conspiration ?
Je ne l’écarte pas. La junte ne s’en cache pas, elle soutient un candidat, et quand on voit à quel point certains militaires sont actifs sur le terrain…
Propos recueillis par Rémi Carayol, envoyé spécial