Pau. Chef-lieu du département des Pyrénées Atlantiques dans le sud-ouest de la France. C’est cette ville qui a abrité le 5e régiment d’hélicoptères de combat dont sept éléments ont péri dans la collision de deux aéronefs au Mali.
C’est dans cette ville que le président français, Emmanuel Macron, a choisi de rencontrer le lundi 13 janvier 2020 les chefs d’État des cinq pays membres du G5 Sahel dans le cadre d’un sommet censé être celui de la clarification sur la présence des troupes françaises dans la zone.
Quoi de plus normal que, dans la Déclaration conjointe de Pau, les cinq chefs d’État africains aient exprimé « le souhait de la poursuite de l’engagement de la France au Sahel » et plaidé pour un « renforcement de la présence internationale à leurs côtés » ?
De son côté, la France s’est engagée à envoyer plus de deux cents hommes supplémentaires pour renforcer les effectifs de Barkhane sur place.
Au demeurant, Emmanuel Macron n’avait pas besoin de cette injonction un peu humiliante pour nos dirigeants, qui ont toujours rappelé, à l’occasion, l’importance de l’intervention du Coq gaulois sur leur sol. Il ne faut d’ailleurs pas que la France se trompe de combat.
Dans tous les cas, la véritable réponse au French bashing, c’est sur le terrain que Barkhane doit la chercher. De ce point de vue, il faut espérer qu’au-delà du bien futile exercice de clarification politico-diplomatique, le conseil de guerre qui s’est tenu à Pau apportera des solutions vigoureuses qui permettront aux populations des zones concernées de sentir un véritable recul du péril terroriste. C’est le seul combat qui vaille aujourd’hui.
Au sommet de Pau, les chefs d’État du Sahel, leur hôte français et les autres invités de l’ONU, de l’Union européenne et de l’Union africaine n’ont pas tourné autour du pot. Mais ils ont brisé plutôt, dans une sincérité réciproque, celui pourri des incompréhensions, des malentendus et des sous-entendus qui pèsent sur leur alliance dans la lutte contre le terrorisme.
D’un sommet de clarification on semble être passé à une réunion d’état-major de guerre pour évaluer les objectifs de l’engagement français dans la région. Tant mieux pour la vieille amitié franco-africaine si à Pau Macron et ses cinq homologues se sont donné la peine de se dire les vérités indispensables pour gagner cette guerre contre le terrorisme.
L’heure n’était plus aux règlements de comptes ni aux accusations entre partenaires
L’heure, peut-on dire, n’était donc plus aux règlements de comptes ni aux accusations entre partenaires, mais plutôt à une réorganisation concertée pour examiner les voies et moyens de faire le plus efficacement possible face à un ennemi qui ne cesse de monter en puissance. D’autant que face à la polémique, les dirigeants africains concernés s’étaient déjà clairement prononcés en faveur d’un renforcement de la présence militaire française dans la zone, malgré les appels répétés de souverainistes africains et autres militants anti-impérialistes ou prétendus tels, qui réclament à cor et à cri le retrait pur et simple des forces étrangères de leurs pays respectifs. Une attitude jugée à la limite de l’ingratitude, au point d’agacer fortement Paris. C’est dire si avant même la tenue du sommet de ce 13 janvier, la clarification demandée aux chefs d’État du Sahel par le président Emmanuel Macron, avait plus ou moins été déjà faite.
En tout cas, c’est ce que tend à confirmer l’attitude de l’entourage du président français, qui se félicitait d’un « rééquilibrage du discours public » et de ces « contre-feux assez robustes allumés par les autorités sahéliennes pour faire face au narratif anti-Français ». Maintenant que les points ont été mis sur les i, qu’est-ce que cela va changer dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ? Les lignes vont-elles enfin bouger dans le sens d’un plus grand engagement des partenaires et d’une meilleure coordination des actions pour repousser la bête immonde jusque dans ses derniers retranchements ? En tout cas, les populations meurtries du Sahel, qui ne savent plus véritablement à quelle armée se vouer, n’en n’attendent pas moins. Et bien plus que les discours et autres rencontres de mises au point, ce qui importe, c’est la stabilisation de la situation sécuritaire et le retour de la paix à même de résorber le sentiment anti-français rampant qui agace tant sur les bords de la Seine.
Au lendemain du sommet de Pau, le sentiment anti-français ne va pas disparaître de lui-même, comme par enchantement
Le sommet de Pau qui apparaît aussi, à bien des égards, comme celui des opinions nationales, aussi bien en France qu’en Afrique, s’imposait. Car, en plus de légitimer davantage l’action de la force française au Sahel, elle se présente comme un grand tournant porteur d’une nouvelle dynamique dans la lutte contre le terrorisme dans cette partie de la planète. Pour autant, cela va-t-il changer quelque chose dans le ressenti de certaines populations contre la France ?
On attend de voir. Mais tout porte à croire qu’au lendemain du sommet de Pau, le sentiment anti-français ne va pas disparaître de lui-même, comme par enchantement. Mais que c’est plutôt dans les résultats sur le terrain, que la France pourra se réconcilier avec tous ces Sahéliens qui n’avaient pas hésité à voler dans ses plumes, accusée à tort ou à raison de passivité voire de complicité avec l’ennemi. Car, quoi qu’on dise, beaucoup d’Africains qui ont encore en mémoire l’intervention énergique de la France de François Hollande au Mali en 2012, pour freiner l’avancée des islamistes sur Bamako, ne comprennent pas pourquoi Paris n’est pas capable du même exploit dans le même Sahel. C’est dire si, quelque part, bien plus que les dirigeants africains, la France elle-même n’est pas exempte de tout reproche dans le dur jugement de certains Africains à son encontre.