Le candidat du Rassemblement pour le Mali, Ibrahim Boubacar Kéita a largement bénéficié du vote populaire parce qu'il est proche des populations, a affirmé mercredi le professeur Issa N'Diayelors d'une interview exclusive accordée à Xinhua.
M. N'Diaye est un ancien ministre de l'Education nationale du président Amadou Toumani Touré pendant la transition de 1992, ministre de la Culture du premier gouvernement du président Alpha Oumar Konaré et professeur de philosophie à l'université.
Le ministre malien de l'Administration, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, en annonçant mardi les résultats provisoires partiels à partir du tiers des dépouillements, a affirmé : "Si les tendances se confirmaient, le candidat du RPM, Ibrahim Boubacar Kéita dit IBK, pourrait passer dès le premier de l'élection présidentielle du 28 juillet."
Se prononçant sur le sujet, Issa N'Diaye déclare : "En premier lieu, la déclaration du ministre Coulibaly m'avait étonné, parce que traditionnellement dans ce pays, les élections se font à deux tours. Mais la forte participation pourrait faire en sorte qu'IBK l'emporte dès le premier tour".
Selon M. N'Diaye, la forte mobilisation des Maliens à cette élection présidentielle "est l'expression d'un certain ras-le-bol des populations par rapport à ceux qui ont eu à diriger le pays pendant 20 ans".
Cependant, d'après certains observateurs de la scène politique malienne, "IBK a été lui aussi associé à la gestion du pouvoir au cours des 20 dernières années, pour avoir été Premier ministre pendant 6 ans et président de l'Assemblée nationale en 5 ans (..)".
Par ailleurs, dans ses explications relatives à ce succès d'IBK, Issa N'Diaye soutient : "Cela est dû au fait qu'IBK est proche des populations, il comprend mieux les préoccupations sociales, les difficultés de tous les jours" et "pense qu'IBK a fait un travail de proximité qui a montré sa sensibilité par rapport aux difficultés des populations à l'heure actuelle".
A la question de savoir si IBK devient le président de la République, quelles seront ses politiques intérieure et extérieures? le professeur N'Diaye évoque en premier lieu la situation sécuritaire au nord du Mali.
"La question du nord est une question très sensible au niveau des Maliens. Les Maliens ont mal vécu la rébellion et les accords de paix, et le positionnement politique de IBK sur ce point a été très nationaliste. Ce qui a eu un écho favorable au niveau des populations (..)", selon Issa N'Diaye.
Celui-ci a ajouté : "La question du nord du Mali sera traitée avec beaucoup plus de fermeté sur les grands principes par rapport aux rebelles du nord. Mais, le piège qu'il (IBK) devrait éviter, c'est de ne pas négocier et décider à la place des maliens en ce qui concerne la rébellion. Je pense que si celui-ci s'engage dans ce chemin, il risque gros".
"La seule porte de sortie, c'est d'associer toutes les communautés comme parties prenantes dans les négociations sur les questions du nord. Il y a donc une décentralisation intelligente qu'il faut opérer pour donner plus de pouvoir aux populations locales, mais dans un cadre global", a dit Issa N'Diaye, ajoutant : "Pour l' instant, c'est cette position qui semble être celle d'IBK. Mais saura-t-il résister aux pressions de l'extérieur ?", a soutenu M. N'Diaye.
Répondant à la question de savoir ce à quoi le Mali doit faire face pour son redressement, le professeur N'Diaye a son point de vue là-dessus.
Selon lui, le Mali est un pays qui "est complètement par terre. Il y a des raisons externes qui sont dues à l'intervention extérieure, aux enjeux géostratégiques dans la zone nord du Mali, en raison de la présence dans le sous-sol malien de l'uranium, du pétrole, de l'or et de beaucoup dans cette partie du Mali (..)".
"Le défi essentiel au-delà de la sécurité au niveau de la région du nord du pays", explique Issa N'Diaye, "c'est la reconstruction de l'Etat malien. Cela signifie qu'il faut un audit, voir dans ce pays est-ce qui n'a pas marché, situer les responsabilités, reconstruire le pays et bâtir un système politique qui soit plus proche des populations".
D'après le professeur Issa N'Diaye, "C'est cela le défi essentiel auquel IBK sera confronté. Est-ce qu'il pourra le relever conformément à l'attente des Maliens ? Est là tout l'enjeu de la question".