Docteur en Etudes Africaines obtenu à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar (Sénégal), Afou Dembelé est maitre-assistante des universités du Cames et enseignante-chercheure au département des Lettres à l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako où elle enseigne la littérature féminine, la poésie africaine et la littérature orale. Elle est également auteure de deux ouvrages, à savoir les recueils de poèmes “Brin d’espoir” et “Poésie orale bamanan du Bèlèdougou et éducation traditionnelle”. Nous l’avons rencontrée pour échanger autour du premier ouvrage, ses projets d’écriture, l’apport de la littérature pour une sortie de crise au Mali, ainsi que sa vision de l’état d’évolution de la poésie malienne.
Aujourd’hui-Mali : Bonsoir, pourquoi le choix du titre “Brin d’espoir” ?
Afou Dembélé : Vous savez, je suis optimiste dans la vie et dans tout ce que je fais. Je pense que, naturellement, vivre c’est espérer jusqu’au bout et surtout que ce recueil a été publié au moment où mon pays traversait l’un des moments les plus difficiles de son existence. Il fallait garder espoir. Je pense que, parfois, il faut beaucoup souffrir pour apprendre apprécier ce que nous avons. Au moment où j’écrivais ces poèmes, j’étais encore étudiante à Dakar et mon pays le Mali traversait une crise multiforme. Je me demandais ce que je pouvais faire pour contribuer à apaiser les souffrances de mon peuple en ces moments-là. Je m’étais dit qu’écrire des textes d’espoir serait une excellente idée.
Dans votre recueil, la longueur des strophes et la liberté des vers ont-elles une connotation, si oui laquelle ?
Pour répondre, je dirais non. Mais comme vous le savez, écrire c’est l’art de ficeler. Pour moi, l’écriture est une combinaison. Une combinaison de ressources, style, vocabulaire. Un exercice dans lequel il faut trouver le mot juste à la place qu’il faut. C’est peut-être ce qui a donné ces formes à mes poèmes.
En tant qu’écrivaine, quel peut être selon vous l’apport de la littérature pour une sortie de crise au Mali ?
Honnêtement, l’apport de la littérature pour une sortie de crise au Mali est très faible, mais ce ne sont pas les ouvrages qui manquent. Je dirais que cette même crise est une matière pour écrire, mais pour quel public ? Ces livres écrits pour sensibiliser sur une sortie de crise sont-ils réellement lus ? Les livres contiennent beaucoup de choses qui peuvent nous aider à sortir de cette crise, mais malheureusement les Maliens ne lisent pas. Ils préfèrent écouter les griots et les politiques. Je ne dis pas que ceux-là ne doivent pas être écoutés, mais je crois que les messages des écrivains méritent d’être lus et mis en pratique dans notre société. C’est à ce prix que la littérature pourrait contribuer à la sortie de cette crise.
Par ailleurs, votre parcours est marqué par votre volonté manifeste de contribuer à l’enseignement de qualité de la langue française. Alors, cette volonté est-elle réalisée ?
Je pense qu’elle ne s’est pas encore réalisée parce qu’il y a beaucoup de paramètres qui rentrent dans la réussite d’un enseignement de qualité. D’abord, il y a un effectif pléthorique dans les classes des facultés. Imaginez, depuis des années maintenant nous avons des effectifs de la première année lettres qui font jusqu’à mille (1000) étudiants par classe. Il faut le dire, on ne peut pas enseigner dans de telles situations pour avoir un enseignement de qualité.
Les infrastructures manquent, notamment à la Faculté des lettres et il est difficile de transmettre la connaissance dans de telles conditions. C’est le moment pour moi de lancer un appel aux autorités car les conditions ne sont pas réunies, même à Kabala, qui était censé résoudre le problème d’effectifs pléthoriques.
Quel est votre regard sur l’état d’évolution de la poésie malienne ?
En tant qu’enseignante de la poésie malienne et écrivaine, je pense que l’avenir de la poésie malienne est vraiment prometteur parce qu’il y a une forte émergence de jeunes poètes avec de nouveaux thèmes, comme Fatoumata Keita, Mamadou Dia, Boubacar Maïga, entre autres. Ils sont jeunes, mais ils écrivent d’excellents textes sur les réalités du pays.
Je les trouve intéressants. D’ailleurs, chaque année, j’invite certains de ces jeunes poètes dans mes classes à la Faculté des lettres afin qu’ils puissent échanger avec les étudiants autour de leurs ouvrages, vu que la littérature malienne est enseignée au niveau de la licence lettres.
Avez-vous des projets d’écriture ?
Oui ! J’ai un manuscrit de recueil de poèmes que je suis en train de peaufiner, mais je suis plus consacrée à ma carrière universitaire en tant qu’enseignante et chercheure. Et je vous apprends que je suis déjà auteure d’une dizaine d’articles de recherche dans différents domaines. C’est pour dire que je suis plus enseignante et chercheure qu’écrivaine. Je me consacrerai à l’écriture quand j’aurai moins de responsabilités à l’université.