Dans une feuille de match de la compétition électorale, le journal Le Reporter voyait IBK en finale, mais pas sur le podium. Erreur d’appréciation. Car, voici qu’au finish, IBK est le seul à être sur le podium. Nomination ou élection ? Peu importe ! Le résultat, c’est du pareil au même. Ibrahim Boubacar Keïta est élu par le peuple malien.Candidat du pouvoir militaire de Kita, chouchou et homme béni par les frères musulmans du Mali, ayant rallié à sa cause des barons financiers et des stratèges politiques de tous genres, avec une communication qui le positionnait parmi les candidats comme le seul digne à être le président de la République du Mali, la victoire d’IBK qui se dessine, s’accorde à analyser de peu à cette expression policière : le crime était presque parfait. Ce qu’ignorait le Journal Le Reporter. Chronique d’une victoire électorale annoncée.
Mars 2012. Le Mali se réveilla avec le nom d’un certain capitaine Amadou Haya Sanogo. L’homme qui dirigea une mutinerie, transformée en un coup d’Etat pour déloger le président ATT. Rupture de la démocratie au Mali ? Non, suspension, disent-ils, tout simplement. En cette période de précampagne, l’élection avait été prévue pour avril 2012, mais l’arrivée du capitaine Sanogo et sa troupe allait basculer le Mali dans une violence, aggravée par les activistes du Nord. Un des traits de cette violence engendrée par la junte d’alors, est l’arrestation de tous les candidats déclarés. Sauf un seul. Ibrahim Boubacar Keïta qui réagira plus tard en affirmant qu’il n’y avait pas de raison à ce qu’il soit arrêté par la junte. On ne peut que le croire. IBK donc est bien dans la grâce de la junte. Une grâce qui lui ouvre le chemin de Koulouba.
La junte est alors favorable à la venue au pouvoir du président du Rpm. Tout Bamako admet qu’IBK est l’homme de Kati, au bonheur de ce dernier qui, une fois encore, affirmera qu’il n’a pas à demander un rendez-vous pour être reçu par le capitaine Sanogo. Ce dernier, comme s’il est en mission, entame l’opération d’humiliation des futurs adversaires de son président IBK. Modibo Sidibé, Soumaïla Cissé et plus tard, Cheick Modibo Diarra, alors désigné par les militaires pour conduire la transition, ont été les cibles de cette opération. Mais le chemin de Koulouba comme tracé par la junte pour IBK, n’est pas parallèle. Loin s’en faut.
D’abord, les lendemains de sa prise de pouvoir font monter la tête du capitaine Sanogo, aidés en cela par les courtisans de tous bords. Amadou Haya Sanogo se trouve une destinée nationale. Sanogo De Gaulle est né. Sauf que la communauté internationale ne voit pas d’un bon œil la venue au pouvoir d’un capitaine qui suspend la démocratie. La suite est connue. Le capitaine renonce à son ambition et joue alors la carte IBK, la première depuis le 22 mars 2012. La transition installée a pour missions essentielles l’organisation des élections et la récupération des régions Nord -Mali. La première est considérée comme un test pour les autorités de la transition. Une date est fixée et les acteurs entrent dans la danse.
Parmi eux, Ibrahim Boubacar Keïta. Le favori des militaires qui détiennent la réalité du pouvoir, n’en déplaise aux légalistes de tous bords. Le reste n’est qu’une question de jour et de patience. Car, la bande à Sanogo n’est pas le seul soutien d’IBK. Il est, nous dit-t-on depuis 2002, le candidat des frères musulmans du Mali. L’ère de l’ascension à la Magistrature suprême du pays du président du Rpm est annoncée. Une victoire est programmée. La stratégie s’occupera du reste.
Une stratégie qui englobe la participation des médias. Eux qui élisent IBK sans les élections, pendant que les frères musulmans du Mali occupent les mosquées pour une campagne de proximité. La stratégie IBK portera aussi sur l’arrogance en occupation d’espace et de visibilité du candidat. IBK convaincu et assuré de sa victoire, avertit les autres candidats en ces termes : «Je ne suis pas un fou du pouvoir, mais un fou du Mali et personne ne s’interposera entre le Mali et moi». Il est chez lui dans le Mandé. Les siens affirment alors qu’il viendra libérer le Mali, comme l’a fait Soundiata Keïta, son ancêtre. La parabole est provocatrice.
La stratégie IBK, c’est aussi cette batterie de communication au coût de milliards. Une communication qui positionne IBK comme le seul Malien parmi les candidats à être digne d’être le président du Mali d’après-crise. La carte IBK est la bonne. L’environnement est ainsi conditionné à sa victoire. La résonnance de cette communication sera portée par des stratèges politiques qui ont rallié la cause IBK et soutenue par des barons financiers.
Et nous voici au soir du 28 juillet, d-days, comme disent les Anglais. Dans une émission radiophonique dénommée soirée électorale, l’animateur de Radio Klédu a de l’humour. Vu les résultats compilés des différents bureaux de vote à travers Bamako et dans certains régions, par ses envoyés et correspondants, l’animateur déclare qu’IBK ne fait que terrasser ses adversaires. Bien sûr, qu’IBK est à la tête partout. Une tendance qui se confirmera dans les jours à venir.
À peine à 22 heures de cette soirée électorale, le domicile d’IBK fait l’objet d’une protection policière et des forces de sécurité. Pour simplement protéger et assurer la sécurité du président fraîchement élu. L’avertissement vaut pour les autres candidats qui oseront lever le petit doigt pour protester contre la victoire du président IBK. Ici et là, on parle déjà de fraude. Une fraude qui aurait soutenu cette victoire. Pourtant, le Journal Le Reporter avait prévenu. Il écrivait alors que toute compétition électorale correspondait à un match de série A. Comme tel, elle intègre tous les ingrédients de cette compétition, y compris la fraude. À condition qu’elle ne soit déclarée et être de nature à entacher la sincérité des votes.
Sans doute, demain, les observateurs indiqueront que la présidentielle du 28 juillet au Mali s’est déroulée dans les conditions idoines et que le système mis en place a permis à tout citoyen d’exercer son devoir citoyen. Le gagnant est donc légitime, car choisi par le peuple. Ainsi, au sortir des élections du 28 juillet 2013, IBK aura été élu président de la République par le peuple malien. Nomination ou élection ? Peu importe ! Le résultat, c’est du pareil au même. IBK était déjà élu depuis 2012. Le coup d’Etat du 22 mars vient ainsi d’être terminé par l’atteinte de son but politique.
Sachez-le alors et faites gaffe ! Ibrahim Boubacar Keïta affectionne qu’on l’appelle IBK. Aussi, aime-t-il mieux l’appellation Ladji Bourama. Mais alors, ne le met pas hors de lui en l’appelant Djo Brin. Il déteste cette appellation. Devenu président, il est certain qu’un décret présidentiel interdira cette appellation. Lequel sera suivi par une fatwa de ses partisans, les frères musulmans du Mali.
Félicitations mon «président» !
Békaye DEMBELE