Pour son plus grand bien, il faut espérer que le président Macron soit doté d'une bonne réserve de sentiments d'indignation pour continuer à en distribuer à tous ceux qui ne sont pas d'accord avec lui ou avec les décisions qu'il prend au nom de la France. Et il se trouve que les pays et peuples fâchés contre une certaine politique française commencent à être légion!
Les derniers en date sont les gouverneurs des Banques centrales des pays d'Afrique de l'Ouest non membres du CFA, qui viennent de dénoncer avec véhémence la décision annoncée par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron sur l'avènement de l'ECO-CFA au cours d'une conférence de presse qui avait les allures d'un théâtre d'ombre.
La BCEAO, puis le Conseil des ministres de l'UEMOA ont tenté, avec les mots appropriés, de recadrer subtilement mais avec netteté, le libéralo-confusionnisme version ADO-Macron. Mais cette opération de déminage n'a pas apaisé le courroux des banquiers centraux qui sont surtout ulcérés par l'usurpation du nom "ECO" pour habiller la dernière entourloupe monétaire de la Françafrique dans l'espace UEMOA. C'est la énième preuve que la conférence de presse Macron-Ouattara a raté tous ses objectifs. Elle voulait faire la preuve que les Africains pouvaient enfin recouvrer une partie de leur souveraineté monétaire, mais jamais nous n'avons eu autant le sentiment que la France userait de tous les artifices pour rester maître du CFA. Du même coup, toutes les arguties consistant à soutenir que le CFA ne rapporte rien ou peu à la partie garante deviennent risibles. En conséquence, la jeunesse africaine au nom de qui les réformes trompe-l'oeil ont été annoncées n'est plus dans la suspicion, elle a désormais la totale certitude de l'asservissement de nos Etats et de leurs dirigeants via la coopération monétaire avec la France, qui est en fait une sujétion.
On attend de connaître dans les jours et semaines à venir, la saillie que l'outrecuidance des gouverneurs de banque va inspirer au jeune président Macron qui démontre dans sa relation à ses concitoyens et à l'Afrique une allergie cutanée à la critique et à la controverse. Les Maliens ont essuyé à Pau des remarques inutilement blessantes et injurieuses qui ont plutôt altéré la dignité de la fonction présidentielle sous l'actuel occupant l'Elysée. Mais pouvait-il en être autrement quand le président du Mali se met lui-même à accabler une partie de ses compatriotes qui tiennent un discours qu'il n'aurait pas renié il y a sept ans. Pour son malheur ou son bon plaisir, Macron va devoir puiser dans son imagination pour continuer à rabaisser ses contraducteurs. La raison? Manque de Pau, pardon de pot pour lui, il preside aux destinées d'un pays qui entretient des liens complexes avec nos pays fondés sur des intérêts légitimes partagés, des rapports de domination flagrante et même sur des agenda cachés. La jeunesse africaine de 2020 pense qu'aucun de ces sujets ne peut revêtir un caractère tabou: donc Macron va se coltiner encore des années les critiques, les interrogations de l'Afrique francophone tant que les cachotteries, les dossiers clair-obscur domineront l'actualité de notre partenariat. La défiance des Français à l'égard de leur président n'arrangera rien à son affaire. Il ne peut pas se faire houspiller par ses compatriotes mécontents, y compris dans des salles de théâtre, et demander aux Maliens de la fermer en gardant le petit doigt sur la couture du pantalon. Après ses propos insultants contre certains Maliens et Africains, Macron paiera encore longtemps le Pau cassé!
Sambou Diarra