Les déculottées qu’IBK continue d’essuyer ne surprend guère les analystes froids qui savent bien que son succès à la présidentielle de 2013 n’avait en réalité été qu’une sanction des militaires contre Soumi qui n’avait pas eu le tact de quitter la course avant que celle-ci ne le quitte. Mais dans les lieux de cultes et les cercles des marabouts, l’explication est toute autre : c’est le dossier du général Amadou Haya Sanogo qui pourrait bien avoir donné la poisse à tous ceux qui, de près ou de loin, ont tout fait pour s’en prendre à Sanogo qui a ménagé ceux qui sont aux affaires aujourd’hui au Mali.
Décidemment, l’ombre menaçante du Gal Sanogo, qui avait pris le pouvoir au Mali par un coup d’État en 2012, fait craindre au président malien IBK des révélations fracassantes.
À trois ans de son dernier mandat à la tête du Mali, le président Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK, qui gère difficilement le pays, a tout à craindre d’une volonté de revanche du Gal. Sanogo, l’ancien chef de la junte militaire qui avait renversé le président malien Amadou Toumani Touré (ATT) le 22 mars 2012. Emprisonné, il y a 7 ans, il est poursuivi pour l’implication dans l’assassinat, en 2013, d’une vingtaine de « bérets rouges », une unité de l’armée restée fidèle à l’ancien président ATT et donc opposée aux « bérets verts » de Sanogo
L’amnistie contre le silence du capitaine Sanogo
Le président malien n’a pas la moindre envie que les révélations du putschiste divisent son armée et révèlent le jeu trouble qui fut le sien avant l’intervention française de janvier 2013. C’est l’époque où il soutenait justement le militaire félon, avant de le placer en prison quatre étoiles une fois arrivé au pouvoir grâce à l’aide des Français. Première précaution, le pouvoir malien a tout fait, ces derniers mois, pour retarder la date du procès de Sanogo. Mais IBK vient de prendre une précaution supplémentaire à l’adresse des “bérets verts” et de leur chef. Un report du procès à une date ultérieur a eu lieu. Et une loi d’amnistie devrait être adoptée, annonce-t-on, qui permettra à Sanogo et à ses hommes de ne pas répondre de leurs crimes de sang.
Sera-ce suffisant pour les faire taire? Rien n’est moins sûr. Un des chefs des bérets verts, l’ex Gal. Moussa Sinko Coulibaly, évoque son opposition au régime IBK.
Chantage à tout va
« Je suis pressé de parler », avait menacé, le capitaine Sanogo, en recevant un journaliste dans sa prison de Sélingué, à environ 140 km, au nord-ouest de Bamako. L’ancien chef de la junte a expliqué qu’il transformerait son procès en tribune. Des révélations pourraient être faites sur la classe politique malienne et notamment sur tous ceux qui venaient le voir nuitamment, lorsqu’il avait les commandes de l’État.
Un coup de bluff? Pas sûr. À Bamako, ces menaces ont été prises très au sérieux. Le président malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK) et son gouvernement ont toutes les raisons de gagner du temps. Première raison, il s’agit de ne pas déstabiliser l’armée malienne, déjà affaiblie par sa guerre contre les djihadistes. En effet, « l’affaire Sanogo » implique l’ancien ministre de la Défense le général Yamoussa Camara, l’ancien chef d’état-major de l’armée malienne et l’actuel ministre de la Défense, Ibrahim Dahirou Dembélé ainsi que le général Moussa Sinko Coulibaly, directeur de cabinet de Sanogo, à l’époque des faits incriminés.
Or la justice malienne cherchera à établir la responsabilité de chacun d’entre eux dans la disparition d’une vingtaine de soldats. Sauf loi d’amnistie.
L’ombre de l’Imam Dicko
Mais il est d’autres secrets que le président malien IBK ne souhaiterait sans doute pas dévoiler. Lorsque les Français déclenchent en janvier 2013 l’opération Serval pour lutter contre la présence djihadiste au Nord Mali, d’étranges alliances s’étaient nouées à Bamako pour sortir le Mali du bourbier. À l’époque, l’homme fort à Bamako est l’imam Dicko, chef du Haut Conseil Islamique (HCI) malien.
Durant les dix huit mois d’occupation du Nord Mali, ce religieux charismatique, qui se réclame du wahabisme, était en de très bons termes avec les bérets verts de Sanogo et au mieux avec le chef de la rébellion du Nord Mali, Iyad Ag Ghali, avec lequel il n’a jamais cessé de négocier. Le 9 janvier 2013, avant veille de l’arrivée des militaires français, des manifestations massives, bénies par l’Imam Dicko, ont lieu dans la capitale malienne en faveur des militaires putschistes de Sanogo. À ce stade, l’actuel président, dont les liens ont été entachés avec l’Imam Dicko toutes ces dernières années, est fatalement au courant de ce scénario, que l’intervention française va rendre caduc (1).
On peut imaginer qu’IBK ne serait pas ravi de voir étalées les tractations qui ont lieu durant cette période trouble et dont il fut au minimum tenu au courant.
Voilà donc IBK qui réalise bien à ses dépens qu’un procès de Sanogo sera tributaire de beaucoup de paramètres. Est-ce un hasard si en sept ans, jour pour jour, la superbe d’IBK semble avoir pâli ? Nous sommes des Africains, et nos ancêtres nous ont appris que les causes profondes de nos déboires d’aujourd’hui pourraient provenir de nos propres turpitudes.