« Les despotes eux-mêmes ne nient pas que la liberté ne soit une chose excellente, mais ils ne la veulent que pour eux-mêmes. » Raymond Aron.
De la Baule à Pau, voici qu’on me traitre de l’éternel élève de l’histoire n’étant pas capable d’élaborer et de concevoir une forme de gouvernance propre aux réalités de sa société, et un indigne Nègre qui doit se taire face aux exactions commises par son Maître, et qui l’oblige surtout à légitimer ses crimes à travers une justification contraignante et honteuse d’une présence militaire sur son sol !
Pourquoi et comment alors ai-je mérité ce sort ? Quand est-ce qu’on respectera mes dimensions d’être humain ? Est-il donc si difficile de me respecter en tant qu’un citoyen ayant, lui aussi, droit aux formes constitutionnelles de la démocratie : le droit à la liberté d’expression, à la parole, à manifester ses sentiments, à donner son opinion sur les questions qui engagent et concernent son avenir et son devenir, à la vie de sa nation et celle de ses progénitures ?
Ainsi donc la liberté d’expression, de manifestation est-elle indigne de moi ?
Après m’avoir dit que je ne suis pas assez entré dans l’histoire, que mon défi serait civilisationnel, me voici encore et toujours être qualifié et traité d’indigne, pour avoir l’outrecuidance de m’exprimer, de demander humblement qu’on me convainc et m’explique comment et pourquoi est-il possible que 4500 soldats de l’opération << Barkhane >> et 13 000 Casques bleus légitiment leur présence sur mon sol au nom d’une soi-disant lutte contre le terrorisme, mais que je dois continuer dans le même temps à enterrer chaque jour les siens qui tombent sous les balles du terrorisme.
Pourquoi et comment sont-ils capables de repérer et de bombarder, à l’aide des drones, une colonne des rebelles qui voulaient marcher sur Ndjamena, mais qu’ils seraient incapables dans le même à localiser et à bombarder à l’aide de ces mêmes drones quelques centaines de Djihadistes qui conduisent à la mort chaque jour mes frères et sœurs ?
Mon cri de cœur n’est-il pas légitime, face à cette situation ? Ai-je besoin d’être manipulé par une force étrangère pour demander qu’on m’apporte une argumentation pouvant me convaincre de la nécessité de votre présence militaire sur mon sol?
Les gilets jaunes sont-ils eux aussi manipulés par une force étrangère ?
Ou alors ai-je toujours sous protectorat français, suis-je une sous-préfecture de la France ? Quand est-ce qu’on me respectera et cessera de m’insulter? N’est-il pas assez en me disant que je ne suis pas assez entré dans l’histoire (Nikola Sarkozy), que vous serez intraitables quant à la tenue de mes propres élections (François Hollande), que mon défi serait civilisationnel (Emanuel Macron) ?
Encore et toujours avec arrogance et condescendance, dans un esprit de colonialiste et d’esclavagiste, voilà que Macron a bafoué mon histoire, démoli et saccagé mon honneur à la présence de son élève, larbin et laquais: Ibrahim Boubacar Keita.
Ahhh BAMALIBA ! Dis-moi donc, es-tu tombé si bas ? ALLAHOU AKBAR !!
Laissez-moi donc arpenter mes mots et chercher dans l’histoire une catégorie humaine qui correspond à mon être, à mon existence, à l’homme de l’histoire dont les traditions, aussi héroïques et braves soient-elles, forgeaient et forçaient le respect de la part des autres.
La liberté d’expression n’est pas digne de moi, puisque l’on me disait à Dakar que je ne la méritais pas, parce que je ne serai pas assez entré dans l’histoire. C’est indigne que moi je m’exprime alors. Je dois me taire et enterrer mes frères quand ils tombent sur le champ de bataille. Mais sous la mitraille Allemande, quand nous tombâmes et comptâmes les morts, quand on m’embarquait à Dakar pour aller sauver Louis XIV contre les nazis, quand mes grands-parents ont endeuillé l’Afrique pour l’avenir de la France, pour que le drapeau tricolore continue de flotter sur le ciel français, pour que le peuple français soit libre et aspire au bonheur, ce jour-là, je n’étais pas indigne.
L’indignité, c’est lorsqu’un pays qui avait prétendument proclamé et déclaré les droits de l’homme en 1789, mais qui paradoxalement s’était lancé, en 1884, dans une aventure de la domination, de la colonisation, qui avait été qualifiée par Emmanuel Macron lui-même de << crime contre l’humanité. >>
L’indignité, c’est lorsqu’un président d’une République des << valeurs >> emprunte une posture méprisante et charognard pour s’adresser à un peuple souverain qui ne demande qu’à la libération de son pays assigné et assiégé par une force d’occupation, en l’occurrence la force militaire française.
Alors, si les herbes folles mangent les châteaux, faut-il que la mémoire des hommes fonde avec les neiges ? Mais la boussole de l’histoire s’est déréglée, Modibo Keita n’est plus ! Je dois m’habituer à attendre tout, à vivre tout, à subir tout et à s’apitoyer seul sur mon sort.
En attendant que les circonstances de l’histoire élisent un jour un homme qui reprendra le flambeau de Modibo Keita, qui instaurera mon honneur et respectera ma dignité, moi je retourne dans ma caserne et présente mes excuses à Monsieur Macron, parce qu’oubliant ou faisant semblant d’oublier que je suis et restera encore un petit Nègre avec des chaînes aux coudes et qui vit toujours sous le poids de la colonisation : << Le colonialisme n’est pas mort. Ce n’est plus le colonialisme des Etats, c’est le colonialisme des affaires et des circuits parallèles >>, disait François Mitterrand. Les circuits parallèles, ne sont-ils pas la présence militaire française dans nos pays et celle des multinationales qui sucent nos sangs sous les regards complices de nos béni-oui-oui ?
En fin, à la différence de Monsieur Macron, comme chaque Malien, ayant été initié à la prise de la parole par une juridiction de celle-ci, une juridiction incarnée par nos mœurs sociétales, et les mœurs elles-mêmes fondées sur le respect de l’âge et le respect d’autrui, j’ose espérer que je suis resté courtois dans mes propos, et n’ai pas émus des mots pouvant porter atteinte à l’intégrité physique ou morale du bas peuple français.
Belgrade le 18-01-2020
Sekhou Sidi Daiwara dit SERPENT, doctorant à la faculté des Sciences Politiques de Belgrade (Serbie)