Par une alchimie fantasmagorique, Kidal revient dans ‘’le giron malien’’, à marche forcée, mais d’une singulière manière qui bride tout enthousiasme débordant.
La visite du Premier ministre à Kidal, accompagnée des symboles de l’État et des services publics et sociaux de base, dans le cadre de l’Accord d’Alger, d’ici à fin février 2020 ; le redéploiement à Kidal, avec le soutien de la MINUSMA, des premiers éléments des Forces de défense et de sécurité reconstituées, correctement équipés et encadrés, d’ici à fin février 2020. Ce retournement renversant d’une situation nécrosée où manifestement l’Accord ne donnait pas de résultats satisfaisants, nous le devons au Sommet de Pau et aux engagements communs des chefs d’État du G5 Sahel et de leur homologue français.
De la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, en mai-juin 2015, à maintenant, que de sessions du Comité de suivi de l’Accord (CSA), que de manœuvres dilatoires, que d’éréthismes, que de désappointement ! L’Accord, qui a été applaudi des deux mains par la Communauté internationale comme étant ‘’le meilleur compromis possible’’ et dont se délectaient les autorités nationales, n’était pas, à la pratique, la poudre de perlimpinpin ; au contraire, à bien des égards, il est apparu comme la potion amère à avaler. De part et d’autre des parties, ça chafouine, ça déblatère et l’Accord s’applique à vitesse d’escargot. Plus de quatre ans pour que les unités des Forces armées et de sécurité puissent fouler le sol de Kidal, encore qu’il faut prendre son mal en patience quelques jours supplémentaires, officiellement le temps que la hiérarchie donne l’ordre de départ.
Il est vrai que ce ne sont pas des Forces armées classiques qui se rendront à Kidal, mais des forces reconstituées, selon les conditions fixées par l’Accord pour la paix et la réconciliation (la progressivité, la tutelle du MOC et de la MINISMA, l’inclusion d’un nombre significatif de personnes originaires des régions du nord, y compris dans le commandement).
Mais, ce redéploiement est désormais acté et même imminent, quoique symbolique. Parce que, de sources bien informées, ‘’un nombre significatif de personnes originaires des régions du nord’’, se traduit par leur supériorité numériquement écrasante, le commandement entre leurs mains, et l’exclusion des militaires d’obédience Ag GAMOU. En fait, c’est le service minimum sur ce plan.
Pourtant, il est intrigant que le Sommet de Pau d’une demi-journée réussisse là où l’Accord pour la paix et la réconciliation, fruit de plus de 8 mois de pourparlers intermalien, dans une atmosphère parfois très électrique, a eu moins de fortune, en plus de quatre ans. Point besoin de s’étriller à situer les causes et les responsabilités de cette finasserie. Elles sont toutes désignées de facto. On dit en bamabara, ‘’bolo min ye chi don mo la, o bolo kelen de be se k’a bo’’. Autrement dit : ‘’c’est à la forge qu’on coupe le fer’’. Ce ne sont pas les CSA qui enverraient les Forces armées et de sécurité reconstituées à Kidal.
Au regard de tous les enjeux, le redéploiement de l’Armée reconstituée et la visite prochaine du Premier ministre peuvent être perçus comme des manifestations timides de la mainlevée sur Kidal de qui on sait.