Depuis plusieurs semaines, les habitants de la capitale malienne vivent une anxieuse crise de pénurie de gaz domestique. Les distributeurs ne sont pas en grève, mais il s’agit d’une «crise financière», due au non-paiement des subventions par le gouvernement, estimées à 7 milliards de FCFA, précisent-ils. Selon le Groupement des professionnels du gaz domestique, les distributeurs sont confrontés à : « un problème d’argent, dû au manque de paiement des montants appelés différentiel de prix par l’Etat ». A en croire les fournisseurs de gaz, ce « différentiel de prix » impayé, constitue la subvention faite par l’Etat sur le gaz butane, et le montant s’élèvent à 7 milliards de FCFA. Ce qui fait que les fournisseurs n’arrivent plus à importer le gaz. Au grand dam des consommateurs, au regret des fournisseurs, et à surcharge d’équation à résoudre de plus pour l’Etat.
Selon les distributeurs de gaz domestique, cette situation de non-paiement perdure, il y a plus d’un an : « depuis octobre 2018, le trésor ne nous a pas payé. Nous sommes aujourd’hui vidés financièrement de nos ressources. On a des problèmes de trésorerie. Tout notre argent se trouve du côté de l’Etat », confesse Oudiari Diawara, président du Groupement des professionnels du gaz domestique. En effet, depuis 1983, les pays du Comité inter Etats de lutte contre la sécheresse au sahel (CILSS) ont initié une subvention du gaz butane, afin de préserver la faune et la flore. Une politique protectrice de l’environnement qui vise à diminuer l’impact des hommes sur l’environnement sahélien très fortement menacé.
Cette politique, qui consistait à subventionner le gaz, pour l’offrir à 3 500 FCFA aux consommateurs, a eu une incidence financière pour le gouvernement, qui a cumulé des impayés sur la subvention du gaz pendant des années. Et de nos jours, les conséquences durement senties par les populations, notamment les restaurateurs, qui gagnaient en temps et en économie avec le gaz butane : « avec le gaz domestique, la cuisine était rapide, les repas étaient prêts à temps. Depuis 12h-12h30, mes premiers clients que je devais livrer, avaient leurs commandes. Mais depuis le début de cette crise, les clients attendent leurs commandes, mon téléphone ne cesse de sonner et ceux qui viennent se restaurer sur place, se bousculent sur les tables », témoigne Hadjaratou Traoré, promotrice de restaurant « la saveur » qui constate une nette réduction de sa recette journalière, vue sa productivité limitée.
Dans la même veine, les économies souffrent de cette pénurie. Selon des informations recueillies auprès des distributeurs, la plupart d’entre eux s’approvisionnent sur les marchés internationaux notamment en Côte d’ivoire, au Sénégal, en Mauritanie, ou encore au Ghana. Il s’en dit donc que le Mali importe et la pénurie de gaz, constitue donc une perte de recettes pour le service des douanes. Mais tel n’est pas le cas notamment chez les petits revendeurs de charbon de bois qui se frottent la main, voyant leurs entrées multiplier : « maintenant, je peux vendre 50 000 FCFA par jour. Car, en plus de la vente en détail, je peux vendre 5 à 7 sacs de charbon de bois par jour », se requinque Moussa Doumbia, vendeur de charbon au marché de Banankabougou.
Toutefois, si les vendeurs de charbon se réjouissent de la crise du gaz, force est de constater que c’est la forêt qui va en pâtir. « Ce sont plusieurs arbres qui subiront les coupes. Car, si l’économie du charbon de bois rapporte en période de froid, elle l’est autant plus face à cette pénurie de gaz. Puisque tous les recours sont tournés vers le charbon de bois à défaut de se procureur une bombonne de gaz de à 16 000 FCFA », s’indigne Mahamadpu I Yernankoye, militant écologiste, pour qui, ce sont des tonnes de bois qui subiront cette hausse de recettes des revendeurs de charbon de bois.
« Pour 100 sacs de charbon de bois, il faut couper un périmètre d’au moins 30 à 50 m² d’arbres », s’inquiète le militant écologiste qui alarme : « en plus des impacts socioéconomiques négatifs, la crise de gaz domestique aura un impact environnemental qu’on remarque peu certes, mais certainement couteux ».