Il fallait qu’elle se tienne, et elle eut finalement lieu. Malgré les insuffisances constatées par-ci par-là, la présidentielle malienne s’est déroulée, malgré les couacs qui l’ont émaillée : Réfugiés qui n’ont pu voter, pagaille dans l’organisation du scrutin des Maliens de l’étranger, dose homéopathique d’électeurs dans la région de Kidal (sur 60 000 votants potentiels, environ 10% se sont présentés aux urnes), maladresse du ministre de l’Administration territoriale, le colonel Moussa Sinko, qui avait fait dans la précipitation, endossant une tunique qui n’est pas la sienne, celle du président de la Commission nationale électorale indépendante, en statuant sur la victoire du candidat Ibrahim Boubacar Kéita dès le dépouillement du 1/3 des bulletins ; apportant de l’eau au moulin de ceux qui estiment qu’IBK est le candidat de la junte.
De Soumaïla Cissé ou d’Ibrahim Boubacar Kéita, qui sera le prochain président du Mali ? En attendant les résultats officiels, il est des candidats qui font feu de tout bois. C’est le cas de Soumaïla Cissé, qui avait prévu un bourrage des urnes bien avant l’élection. Son directeur de campagne, dans la même lignée, reste convaincu, avant même la délibération officielle que "malgré ce bourrage, selon (leurs) chiffres, un second tour est inévitable pour départager (leur) candidat, Soumaïla Cissé, et Ibrahim Boubacar Keïta». Le présidentiable Soumaïla Cissé, réputé pondéré, a même décidé de sonner le cor au cas où un 2e tour ne serait pas envisagé.
Certes, cette élection est loin d’être classée dans le livre Guinness des Records en matière de bonne organisation, mais disons qu’aujourd’hui, il s’agirait d’une ultime sagesse de ne pas trop tirer sur la corde. Il sied de rappeler que le scrutin qui vient de se dérouler devait se tenir du temps du règne d’Amadou Touré. Mais en trois mois, soit de janvier à avril 2012, il y eut l’occupation des trois régions du Nord par le MNLA, le coup d’Etat du capitaine Amadou Aya Sanogo et l’invasion du Nord par les groupes islamistes. C’est dire que le pays revient de très loin, lui qui a failli se transformer en un sanctuaire terroriste du nord au sud et d’est en ouest. En janvier dernier, n’eût été l’intervention de l’armée française, une colonne islamiste, qui avait déjà occupé la ville de Konna, aurait conquis sans coup férir Bamako. Et ç'aurait été adieu la présidentielle, les mouvements postélectoraux et les grandes incantations.
Au moment où nous bouclions cette édition, il est ressorti que les résultats du premier tour de la présidentielle, attendu hier jeudi à 14 heures, seraient finalement proclamés aujourd’hui. Mais qu’importe le gagnant. Qu’importe qu’il y ait un second tour ou pas. Que le gagnant soit un Kéita, un Cissé, un Dembelé, un Diallo ou un descendant de Soundjata Kéita n’est pas le vrai enjeu. L’essentiel est que les différents candidats à cette présidentielle mettent beaucoup d’eau dans leur vin, pardon, dans leur soda, afin que la patrie de Modibo Kéita puisse tourner cette affreuse page de son Histoire. Le Mali, au tissu industriel peu développé, dont l’économie est essentiellement dominée par l’agriculture et l’élevage, aux performances souvent anéanties par des cycles de sécheresse, a besoin de tous ses fils et d’un président qui aura les coudées franches pour impulser le développement. L’urgence est là, d’autant qu’avec la longue crise, presque tous les indicateurs sont au rouge.