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Le ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde de Sceaux, Malick Coulibaly sur l’ORTM : “Nous avons décidé avec courage et détermination de rouvrir les dossiers de l’avion présidentiel et d’équipements militaires”
Publié le dimanche 2 fevrier 2020  |  Aujourd`hui
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© aBamako.com par FS
Visite d`une délégation de la CNDH à Fana
Une délégation de la CNDH avec à sa tête, le président Malick Coulibaly a rendu visite à Fana le 30 Mai 2018, afin de s`enquérir de la situation des Droits de l`Homme dans la localité.
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“La lutte implacable conte la corruption n’est dirigée contre personne ni au profit de personne”

Invité de la semaine de l’ORTM, le week-end dernier, le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Me Malick Coulibaly, a répondu, sans détours, aux questions de notre confrère Yaya Konaté. Plusieurs sujets ont été abordés, notamment la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, les mutations des magistrats, le procès d’Amadou Haya Sanogo… Extraits.

Si ce n’est un secret, quelles sont les consignes que vous avez reçues en prenant les clés de ce département ?

… En prenant les clés de la chancellerie, je crois que le peuple malien dans son ensemble a été témoin que le président de la République lors du premier conseil de ministres du gouvernement Boubou Cissé a eu à dire “Monsieur le garde des Sceaux, je ne veux plus que le Maliens en se rendant à leur justice aient la peur au ventre”.

Avez-vous reçu des consignes particulières par rapport à la lutte contre la corruption par exemple ?

Tout y est ! Quand les Maliens ne doivent pas avoir de peur de leur justice, cela veut dire que la justice est accessible et impartiale. Que la justice est rendue dans des conditions acceptables.

La justice sous Malick Coulibaly travaille-t-elle sans ingérence politique ?

Nous n’avons à ce jour enregistré aucune ingérence politique indue dans le fonctionnement de l’appareil judicaire venant du sommeil de l’Etat.

La Loi d’orientation et de programmation est-elle une recette miracle pour que les choses avancent ?

Il faut d’abord avoir l’honnêteté intellectuelle de dire que cela procède de la vision du chef de l’Etat qui, à l’occasion de la rentrée judiciaire de 2018, a eu à instruire au gouvernement à adopter une Loi d’orientation et de programmation. Ce n’est pas un phénomène de mode, la loi d’orientation, nous l’espérons, à terme, c’est-à-dire à l’horizon 2024, nous permettra d’atteindre des résultats significatifs et d’avoir une justice à hauteur de mission.

Une question de moyens ou de suite dans les idées ?

Je dirais tous les deux. Il y a, aussi, du fait que la Loi de programmation met l’accent sur la recevabilité de la justice. Il est bon, utile, indispensable d’améliorer les conditions de vie et de travail des acteurs de la justice. Au-delà de cette amélioration, les acteurs de la justice se doivent d’être redevables vis-à-vis du peuple malien, peuple au nom duquel la justice est rendue.

Selon vous, l’efficacité de la justice passe par cette loi ?

Bien sûr, la loi nous permettra, avec les recrutements, l’amélioration des traitements, le budget pour fonctionnement de la justice prévu, nous osons penser, avoir une justice à hauteur de souhait.

Quelles sont les motivations qui se trouvent dernière le vaste mouvement concernant les magistrats sur toute l’étendue du territoire ?

La première motivation peut être une prise à main de l’appareil judiciaire. Il faut rappeler que nous avons eu une longue période sans mouvement de magistrats. Ces mouvements s’imposaient pour insuffler une nouvelle dynamique dans le fonctionnement quotidien du service public de la justice. Il fallait rendre opérationnels un certain nombre de tribunaux d’instance (TI) parce que théoriquement les tribunaux de paix à compétences étendues ont été supprimées mais dans la pratique, elles existent parce que nous n’avons pas à ce jour, suffisamment de personnel pour toutes les justices de paix en tribunaux d’instance.

A la faveur de ce vaste mouvement, nous avons pu transformer sept justices de paix en tribunaux d’instance. C’est plus de garantie parce que nous n’avons plus “le monstre à trois têtes” qui, à la fois, poursuit, instruit et juge. Dans un tribunal d’instance désormais nous avons la séparation des fonctions judicaires : le parquet, l’instruction et le siège.

Vous pensez que si les hommes durent à leur poste, le travail ne se fait plus correctement ?

Oui par exemple, vous pouvez être un bon médecin et vous entendre pendant 20 ou 30 ans avec vos patients ou un enseignant et vous pouvez vous entendre avec vos élèves mais le juge, au-delà d’un certain nombre d’années cesse d’être un juge, car le social à tendance à primer sur le professionnel.

Pourquoi ce regain pour la lutte contre la corruption et la délinquance financière et jusqu’où vous comptez aller ?

D’abord, il faut donner l’assurance que ce n’est pas un feu de paille, ce n’est pas du spectacle. Quand nous avons commencé véritablement à dérouler notre stratégie de lutte contre la corruption, certains de mes amis m’ont approché pour me dire “Monsieur le ministre, nous voulons un gros poisson toutes les semaines”. Je leur ai dit qu’une compagnie théâtrale peut donner toutes les semaines un gros spectacle mais la justice ne peut pas vous promettre un gros poisson toutes les semaines.

Nous travaillons dans la durée. Nous travaillons avec objectivité et rigueur qui sont les instructions du président de la République, qui nous a dit allez-y jusqu’au bout mais pas d’acharnement.

Quel sont les objectifs de cette lutte contre la corruption ?

Au regard de l’état de déliquescence de notre Etat, au regard du mauvais rôle joué par la délinquance financière dans cet état de déliquescence, ne pas combattre énergiquement la délinquance financière n’est pas de l’irresponsabilité, c’est de l’ignominie. En tant que gouvernement responsable, il faut engager de façon énergique et déterminée cette lutte implacable contre la corruption qui n’est dirigée contre personne ni au profit de personne mais pour faire en sorte que, dans notre pays, nous puissions avoir un autre regard, une autre conduite envers la chose publique.

Que répondez-vous à ceux qui disent que les gros poissons sont protégés par la justice en termes de lutte contre la corruption ?

Je le partage dans ce sens qu’un certain nombre de privilèges de juridiction nous empêchent de frapper vite et avec toute la rigueur qu’il faut. Dans le cadre des privilèges de juridiction par exemple ce qui est reconnu aux maires, aux officiers de police judicaire, la relecture du code de la procédure pénale va dans le sens de la suppression de cet obstacle. Mais c’est dû au fait aussi que certaines personnalités de la République sont justiciables de la Haute cour de justice quelques soient les infractions en cause quand elles sont commises dans l’exercice de leurs fonctions. Il faudrait dans le cadre de la prochaine révision qu’on fasse en sorte que le Pôle économique et financier puisse agir les mains libres chaque fois qu’il s’agit d’infractions en matière économique.

Concernant l’affaire dite des avions cloués au sol, la raison d’Etat a pris ou prendra le dessus sur la justice ?

Dans ce dossier, non seulement des instructions ont été données pour qu’il ait des suites judiciaires dans un délai raisonnable et très prochainement, l’opinion sera informée de l’évolution de ce dossier-là. Nous avons remis un autre dossier d’acquisition d’avion, notamment l’avion présidentiel et le dossier d’équipements militaires. Nous avons décidé avec courage et détermination de rouvrir ce dossier parce qu’il y avait un classement sans suite.

Certains se demandent pourquoi la justice va fouiller dans les affaires de 2010, 2012… au lieu d’être plutôt dans les plus récentes ?

Nous sommes sur tous les fronts. Tant qu’il n’y a pas prescription de l’action publique, nous agissons. Nous sommes aussi bien dans les affaires anciennes que récentes. Mais vous savez le temps de la justice n’est celui du justiciable. La justice a besoin de sérénité. Elle a besoin d’avouer avec toutes les garanties qu’il faut. Mais je peux vous assurer que la brigade du Pôle économique de Bamako, Mopti et de Kayes est à pied d’œuvre au quotidien pour traiter ce passif que nous avons trouvé sur place mais aussi faire en sorte que la justice répressive puisse donner la réponse appropriée.

Que pensez-vous de la loi de déclaration des biens et le conflit entre l’Oclei et le Syntade ?

C’est une revendication qui est en cours de traitement mais mon opinion est qu’il faut élargir la déclaration de biens à tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, peuvent être amenés dans l’exercice de leur fonction à être exposés à des pratiques de corruption et autres.

Qu’en est-il du procès du général Amadou Aya Sanogo ?

Ce procès à une histoire. Après trois ans d’instruction, l’affaire a été enrôlée à Sikasso dans le cadre d’une session complémentaire de la Cour d’assises. Après quelques jours de débats, la Cour d’assises a renvoyé l’affaire à la prochaine session de 2017 au motif qu’il fallait reprendre l’expertise.

Le motif du renvoi a été satisfait depuis janvier 2018 et il était de bon ton qu’on puisse programmer cette affaire-là. Nous l’avons alors programmé, parce que d’un côté, les proches des victimes voulaient savoir ce qui leur est arrivé et qu’ils veulent prétendre à une indemnisation.

Nous avons des accusés qui ont cette soif de justice et de plus certains sont en détention provisoire depuis 6 ans.

Après la contrainte judiciaire levée, nous nous sommes malheureusement retrouvé avec une contrainte politique, c’est que l’un des membres du gouvernement actuel se trouve être accusé mais soldat valeureux. Dès qu’il a reçu la citation à comparaitre, le ministre Dahirou Dembélé a présenté sa démission. Tout avait été entrepris. Nous-mêmes avions sollicité à obtenir les fonds pour la tenue du procès mais à l’approche et l’analyse, nous nous sommes rendu compte que nous courons un gros risque en allant à ce procès parce que nul ne peut contester aujourd’hui le rôle que le ministre Dembélé a joué dans la mise sur pied de notre armée. Donc vouloir aller coûte que coûte à ce procès, c’est d’abord le démettre du gouvernement même s’il avait présenté sa démission mais comme on le dit “périsse un principe plutôt que périsse l’Etat”.

Il faut qu’on se dise une chose : il n’y a pas le Mali d’un côté et la justice de l’autre. La justice au Mali joue au Mali. Elle n’est pas désincarnée la justice. C’est pour cela qu’en toute responsabilité, nous avons sollicité du parquet général le report de ce procès. Et là-dessus, j’aimerais déplorer le malentendu tiré du fait que certains syndicats ont fait grief au gouvernement d’avoir annoncé le report. Il n’en est rien. C’est le procureur qui a lancé le report et le ministre Yaya Sangaré sur son tweet personnel voulant informer son propre réseau d’amis, a repris les mots du communiqué du PG. Sinon le gouvernement n’a jamais communiqué sur ce report-là. Le ministre Sangaré a communiqué en son nom propre et non à celui du gouvernement.

Toujours concernant ce procès, des accusés qui sont en détention depuis 6 ans et des familles des victimes qui demandent justice, quelle sera la conduite que voulez tenir dans ce dossier ?

Je suis le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme donc soucieux des droits de l’Homme et, en la matière, les droits de l’Homme sont en cause du côté des victimes. Nous nous sommes acquittés de ce droit-là en allant dans un processus d’indemnisation. Pour ce qui des accusés en détention, c’était leur droit de demander la mise en liberté en attendant le procès…

Parlant de circulation routière, vous avez remis des quittanciers à la police nationale pour verbaliser les citoyens en cas d’infraction de la route. On se demande à la limite de quoi se mêle le ministre Coulibaly en allant sur ce terrain qui n’est pas forcément le tiens… !

La circulation routière est un terrain de la justice et de droit de l’Homme. L’objectif premier de ces quittanciers est de lutter contre l’insécurité routière et non pour recouvrer des fonds. Il y a de l’impunité en circulation routière aujourd’hui et cette impunité est due à ce que chacun compte pouvoir corrompre le policier avec un petit billet de 1000 FCFA. C’est là que nous nous sommes dit qu’il faut rendre effective la sanction pénale et c’est là que ça concerne la justice et les droits de l’Homme parce qu’il s’agit de persévérer des vies humaines. Il s’agit de préserver notre jeunesse.

Quels impacts aujourd’hui ?

En trois mois, nous avons enregistré une rentrée d’amendes de 70 millions de FCFA. Je crois que dans ce domaine de contravention en circulation routière, on n’a pas fait plus en 59 ans. Il y a de l’argent mais l’objectif est d’amener les gens à respecter davantage le code de la route. Par exemple avec ça si un policier vous attrape vous allez dire que vous ne pouvez pas le corrompre avec un 1000 F CFA, il faut payer jusqu’au 5 à 6000 F CFA. Cela va vous pousser à respecter le code de la route pour le bien-être de tous.

Jusqu’où la justice malienne compte aller son votre conduite ?

Jusqu’au bout du bout, dans la mesure du possible mais soyez sûr que notre détermination et notre engagement sont sans faille, sous l’impulsion clairvoyante du président de la République et du Premier ministre nous comptons aller jusqu’au bout parce que nous n’avons pas le choix.

Transcrit par El Hadj A.B. HAIDARA et Youssouf Koné
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