Comme recommandé par le dialogue national inclusif et acté par la dernière session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA), le redéploiement de l’armée nationale reconstituée, prévu pour fin janvier, se fait toujours attendre. On s’était pourtant préparé activement, tant du côté de la MINUSMA que du côté des plus hautes autorités et de la hiérarchie militaire pour que le premier bataillon de quelques 450 hommes fasse son entrée à Kidal, devenue une enclave interdite à l’Etat malien et ses symboles depuis avril 2014 suite aux événements occasionnés par la visite du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara dans la ville.
Même si des questions se posent sur certains problèmes, comment va-t-on désormais faire la différence entre FAMA et armée nationale reconstituée ou encore pour ce qui concerne le sort de tous les arsenaux de guerre exhibés par les différentes composantes de la CMA lors de leurs différents congrès tenus dans la ville de Kidal courant décembre 2019.
Pourtant, il y a déjà un peu plus d’une semaine, le Quartier général de la MINUSMA à Bamako abritait la 13ème session extraordinaire de la Commission technique de sécurité (CTS) sous la présidence du Général de corps d’armée Dennis Gyllensporre, Commandant la Force de la Mission des Nations-Unies au Mali et Président de la CTS, avec un seul point inscrit à son ordre du jour : le plan de déploiement du bataillon des Forces de défense et de sécurité reconstituées à Kidal, perçu comme une étape déterminante dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
La rencontre, rapporte-on au niveau de la MINUSMA, aura ainsi permis de faire le point sur la logistique ainsi que les aspects techniques du déploiement du bataillon par l’Etat-major des Forces armées maliennes (FAMa). Occasion saisie d’ailleurs par le Président de la CTS pour demander la poursuite de la mise en place des équipements du bataillon, tout en soulignant que cela ne devrait pas être un obstacle au déploiement prévu le 1er février 2020.
Un autre point dont on ne parle pas assez, c’est la composition de l’armée nationale reconstituée. En effet, si l’on s’en tient au contenu de l’accord, la nouvelle armée reconstituée à déployer au nord devra être composée à 80% de ressortissants de l’Azawad ainsi qu’au niveau des postes de commandement. Si on doit poursuivre avec cette logique, au cas où l’on se retrouverait au finish avec 3000 éléments de la nouvelle armée reconstituée dans les régions du nord, on n’y comptera que 600 éléments qui ne seraient pas ressortissants de ces régions, contre 2400 éléments essentiellement composés de touareg et d’arabes.
Ce qui constitue une réelle source d’appréhension pour nombre de nos compatriotes, vu les expériences précédentes dans ce domaine au nord, et ce, depuis la rébellion des années 1990. A-t-on tiré tous les enseignements de ces expériences qui auront été particulièrement meurtrières pour nombre de soldats maliens, occasionnant en sus la perte de plusieurs équipements militaires au détriment du Mali ?
Et selon certains observateurs, au-delà de l’épineuse question de l’armée nationale reconstituée, le gouvernement malien se trouverait aussi piégé en maints autres points contenus dans l’accord ou dans l’Avenant qui y est joint. Sur ce registre, on peut citer, entre autres, le fait qu’il revient à la CMA de définir elle-même la liste de ses combattants et de déterminer leur grade dans le cadre de leur intégration dans l’armée reconstituée ; la création d’une Assemblée Régionale regroupant les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudénit dont les prérogatives relèvent des domaines spécifiques de l’Azawad…
Il y a aussi l’acceptation par le gouvernement malien de prévoir et de déterminer le quota qui sera affecté à l’Azawad pour les départements de souveraineté, les grands services de l’État, les représentations diplomatiques et les organisations internationales ; l’affectation d’un fonds spécial pour l’Azawad sur le budget de l’État à hauteur de 40% sur une période de 20 ans en vue de résorber un retard de plus de 50 ans ; l’exploitation des ressources minières et énergétique de l’Azawad soumise à l’autorisation préalable de l’Assemblée inter-régionale avec un quota de 20% de la production à affecter à l’Azawad ; ou encore le fait pour l’Etat de s’être engagé à surseoir à l’organisation de toute élection jusqu’au retour des réfugiés et jusqu’à la mise en œuvre du nouveau découpage territorial…
La question de fond aujourd’hui est : qu’est-ce qui bloque donc le processus du redéploiement des soldats tant attendu à Kidal ? La CMA y serait-elle encore opposée ? Que le ministre des Affaires Etrangères et son collègue de la Défense expliquent aux maliens ce qui se passe !