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La France au Mali : les syndromes d’un autre Vietnam
Publié le mercredi 5 fevrier 2020  |  Le Quotidien
Serval
© AFP par Byline
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Lors de la guerre du Vietnam, pendant longtemps, les Etats-Unis ont cru qu’ils pouvaient gagner la guerre en envoyant le maximum de troupes. Les Américains finiront par y envoyer plus d’un demi-million de soldats et vont lancer «rolling thunder» (tonnerre roulant), c’est-à-dire un tapis de bombes sur le pays. La France, avec ses 5 100 soldats de Barkhane, est encore très loin du degré d’engagement américain au Vietnam, mais les symptômes sont les mêmes. On augmente toujours plus les troupes alors que la situation, au lieu de se stabiliser, se détériore. La réponse c’est Henry Kissinger, historien et diplomate, qui nous la donne : «Dans une guerre conventionnelle, on cherche à contrôler un territoire. Dans une guérilla, c’est la sécurité de la population qui est en jeu. N’étant attaché à la défense d’aucun territoire en particulier, la guérilla se trouve en mesure de déterminer dans une large mesure le champ de bataille et définir les pertes dans les 2 camps. Si les forces de défense ne peuvent assurer la sécurité dans la zone qu’elles jugent essentielle, la guérilla triomphera tôt ou tard.» Toutes les faiblesses intrinsèques de Barkhane sont résumées par Kissinger. Le chef d’état-major de l’Armée française, dans une interview au Monde, a reconnu lui-même qu’une victoire militaire est impossible dans ce genre de conflit et qu’il faut une solution politique.
Quand les Etats-Unis ont compris qu’ils ne pouvaient gagner la guerre du Vietnam, ils ont cherché une solution politique que Nixon a d’abord appelée «désamericanisation» du conflit, avant que son secrétaire à la défense, Melvin Laird, ne le transforme sémantiquement en «vietnamisation» lors du Conseil national de sécurité du 25 janvier 1965. C’est la deuxième faiblesse intrinsèque de Barkhane : le temps. Combien de temps l’Armée du Mali mettra-t-elle pour se relever dans le cadre d’une «malianisation» du conflit. C’est la clé de voute du conflit, car Barkhane et la Minusma ne resteront pas éternellement. Et dans cette guerre du temps, de l’usure, les groupes rebelles ont une longueur d’avance pour la simple raison qu’ils sont chez eux comme les Vietnamiens, mais aussi comme l’immense majorité des Maliens qui sont restés fidèles à l’Etat central.
C’est la grande différence entre la guerre du Vietnam et celle du Mali. Au Vietnam, le Viêt-Cong avait le soutien de la population face à un gouvernement fantoche du Vietnam du Sud. Au Mali, le gouvernement est légitime parce que choisi démocratiquement par les Maliens. Cette bataille pour le soutien des populations est aussi vitale que celle de la zone des frontières. Les jihadistes qui l’ont compris s’y sont lancés aussi, car au-delà de la terreur, ils cherchent à se faire accepter en palliant l’absence de l’Etat. Barkhane doit cibler l’Internationale islamiste et jihadiste comme l’Etat islamique, la détruire ou l’affaiblir avant de «malianiser» le conflit, c’est-à-dire le ramener à son origine : frustrations identitaires et économiques de la périphérie contre le pouvoir central. Mais toute solution passe inévitablement par la nécessité de donner les moyens au Mali de se défendre. Il a fallu une coalition internationale pour détruire Daesh en Irak et en Syrie, avant que les conflits dans ces pays ne redeviennent des conflits politiques nationaux. Il faut faire la même chose au Sahel en insistant pour que les Etats du Sahel prennent leurs responsabilités pour trouver une solution politique à des conflits qui étaient politiques avant que les jihadistes, ces «entrepreneurs identitaires» internationaux, ne fassent de l’entrisme pour «islamiser» les conflits et les orienter vers leur propre agenda : trouver un sanctuaire dans le sahel après avoir été refoulés d’Algérie, chassés du Moyen Orient et de Libye. C’est pourquoi j’avais qualifié Serval d’impérialisme vertueux, parce qu’il est sûr qu’en 2012, aucun de nos Etats n’était prêt à faire face à la menace. Pis encore, on n’envisageait même pas cette menace qui tient tête à une coalition internationale. Impérialisme vertueux pour le Sénégal, parce que ce sursis que nous donnent Serval et Barkhane doit nous servir pour nous préparer et être prêts à faire face aux jihadistes qui ont transcendé le Congrès de Berlin et la question des frontières, contrairement aux Etats et à certains intellos qui discutent du sexe de anges comme un autre Congrès de Berlin.
Source Le Quotidien
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