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Faut-il sacrifier les législatives pour sauver l’école malienne ?
Publié le mercredi 5 fevrier 2020  |  Info Matin
Présidentielle:
© aBamako.com par Momo et A S
Présidentielle: La population malienne et les candidats ont fait leur devoir citoyen
Bamako, le 29 Juillet 2018. La population malienne et les candidats se sont rendue ce matin dans les bureaux de vote pour élire leur président
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Convoquées par le gouvernement pour les 29 mars (1er tour) et 19 avril (2e tour), les élections législatives se trouvent au centre de toutes les attentions, mais aussi de toutes les controverses. Beaucoup d’acteurs et d’observateurs de la situation politique de notre pays, sans souffler dans la même trompette que les ex-séparatistes de la CMA, émettent comme la CMA de fortes réserves et suggèrent comme elle un décalage du calendrier électoral. Si certains reprochent au Gouvernement de n’avoir pas levé toutes les hypothèques qui ont prévalu au dernier report du même scrutin, d’autres mettent clairement en doute la capacité de l’équipe à relever le défi des législatives dans un contexte sécuritaire et financier qui lui échappe totalement.




Loin des arguties des éternels retardataires, il est indéniable que le décor du Mali de ce début janvier incite peu à l’optimisme quant à la réussite d’une fête électorale. Le pays, comme si tous les démons s’étaient coalisés contre lui, se retrouve dans une situation plus que préoccupante. Nous sommes dans une situation d’urgence, pour ne pas dire une situation d’État urgence au quadruple plan sécuritaire, sociale, économique et politique. En effet, la répétition étant pédagogique, en ce mois de février, et pour les mois à venir, le Mali est bel et bien dans une situation d’état d’urgence non pas seulement sécuritaire décrété depuis novembre 2015, mais aussi d’État d’urgence sociale, économique et politique.

Aussi, beaucoup insistent pour dire qu’il y urgence d’agir pour faire face aux urgences. Cette urgence se définissant comme la nécessité impérieuse d’agir, sans délai, par une action appropriée pour répondre avec efficacité à une situation imprévue reconnue comme potentiellement dangereuse pour la stabilité et la cohésion nationale.

État d’urgence sécuritaire

La pression des groupes djihadistes coalisés dans la zone des trois frontières a contraint nos armées nationales, le Mali puis le Burkina et le Niger, à se retirer de larges zones dans lesquelles il serait extrêmement difficile d’organiser une consultation électorale. En effet, dans les régions du Centre, notamment dans le Gourma, et une bonne partie de la région de Ségou et de Koulikoro, on n’est plus dans la jurisprudence constitutionnelle de « l’insécurité résiduelle », mais de la guerre totale. Désormais les fous de Dieu et les bandits de grand chemin y interdissent aujourd’hui l’ouverture de toute école et de toute administration.

En plus du coût humain de la guerre contre le terrorisme, rien qu’en janvier, qui est d’environ 50 morts parmi les FAMa autant parmi les populations civiles, à Bamako, les braquages se font désormais en plein jour.

Depuis le début de l’année, une douzaine de Kiosques Orange Money ont reçu, ici à Bamako même, la visite des motards armés qui ont emporté plus de 100 millions. L’insécurité dans la capitale a franchi tous les seuils du tolérable obligeant la hiérarchie à sonner l’alerte et à engager les hommes à plus d’engagement et de résultats. Dans ces conditions, il faut bien se demander comment l’État va-t-il s’y prendre pour organiser ses élections législatives sur l’ensemble du territoire. A moins de l’organiser seulement dans les zones vertes qui se rétrécissent comme peau de chagrin autour de Bamako.

État d’urgence

social

La grève enclenchée depuis un mois par les syndicats signataires du 15 octobre 2016 a montré les limites des amortisseurs sociaux, en tout cas du dialogue social qui se résume à une joute verbale par réseaux sociaux interposés. Les commissions de bons offices se sont avérées comme des vieux magnétophones enregistreurs et l’équipe gouvernementale autour du Dr Boubou CISSE comme un piteux machin qui joue à « un but à chercher ». Mal conseillé, et donc mal outillé, le Gouvernement s’est embourbé dans ses argumentaires et ses relais sociaux qui se résument à quelques réseaux sociaux qui n’ont pas été jusqu’ici à la hauteur.

Reconduit jusqu’à la fin février, l’impact social et pédagogique du mouvement des enseignants dans le primaire et le secondaire pourrait être incalculable et irréversible. Parce que le bras de fer ne sera pas sans conséquence sur l’ensemble du système scolaire.

Par ailleurs, en décidant de suspendre leur participation dans toutes les opérations électorales sur l’ensemble du territoire, les enseignants grévistes prennent le Gouvernement à la gorge, pardon le processus électoral pour l’asphyxier.

Il faut sauver non pas seulement l’année scolaire, mais l’école malienne comme l’a préconisé Son Éminence Jean Cardinal ZERBO, tout comme il faut penser aux malades sans soins et aux pauvres consommateurs qui payent la facture de ces mouvements sociaux. C’est pourquoi il y a, pour les partenaires sociaux, comme une obligation de résultat immédiat et d’annulation du facteur temps. Car, le seul viatique imparable à ces urgences est d’agir « sans plus attendre ».

Les spécialistes pourront faire des projections sur les conséquences des grèves projetées ce mois de février dans les secteurs de la santé et des transports. Mais, la question reste entière : le Gouvernement aurait-il les moyens et le temps de renverser la tension sociale et tenir son pari ?

En tout cas pour le gouvernement Boubou CISSE, il ne s’agit plus de réfléchir pour monter des plans A ou B, mais d’agir pour inverser la courbe des urgences. L’action ayant pour objectif stratégique de contenir ou d’annuler la ou les situations d’urgences.

Quid de l’État d’urgence économique ?

L’argent est le nerf. Or, le gouvernement Boubou CISSE est loin d’être Crésus. Face aux contraintes budgétaires, le Premier ministre, ministre de l’Économie et des finances joue à l’Harpagon, avec les conséquences que l’on sait. Coincé au plan financier, le Gouvernement confesse son incapacité à faire face, cette année, à la doléance du seul syndicat des enseignants du primaire et du secondaire. Pour sa défense il allègue l’insoutenabilité financière de l’application de l’article 39 (52 milliards-58 milliards). Le Premier ministre et le porte-parole du Gouvernement se veulent honnêtes sur la question : « l’Etat ne peut pas ». Mais nul n’ignore aussi que céder face à la pression des enseignants ouvrirait la voie à une spirale de revendications que le Gouvernement ne peut pas se permettre de cumuler avec la gestion de la crise multiforme que vit déjà notre pays. Donc, l’impasse !

L’État d’urgence politique

Le choix d’aller aux législatives a été joliment enveloppé dans les recommandations du DNI auquel n’ont pas pris part une bonne partie de la classe politique. En tout cas celle opposée au régime. Si personne ne veut prendre la responsabilité de se mettre en marge du processus, il est clair que le timing (aller aux législatives sans le nouveau découpage) n’est pas partagé unanimement, y compris au sein de la Majorité présidentielle. En effet, à moins de donner crédit aux légendes urbaines qui disent que nouvelle Assemblée issue de ces législatives sera dissoute après l’adoption des réformes politiques et institutionnelles, il est clair que la pilule est difficile à avaler pour beaucoup de partis politiques.

Par ailleurs, si passe comme une lettre à la poste l’offre de priver les enseignants des retombées du fameux article 39 (dont le pendant est tout de même déjà appliqué pour les juges et les professeurs) en mettant en avant l’effort de guerre qui est réel et justifiable, le Gouvernement pourrait difficilement défendre le sacrifice des Maliens sur l’autel du manque de ressources et défendre en même temps la mobilisation d’un budget aussi conséquent pour tenir des législatives.

Parce que les enfants et leurs parents ne manqueront pas de poser la question s’il ne fallait pas sacrifier les législatives pour sauver l’école malienne.

Sur l’échelle des priorités, les deux urgences se valent, mais avec une forte dose passionnelle pour l’école malienne. Entre les deux, le choix reste cornélien pour Boubou CISSE et son équipe. Mais comme le dirait l’autre, pour le Gouvernement, «la loi de l’urgence consiste à imposer à l’information et à la décision un rythme qui prend de court partisans de l’évaluation et de la délibération… »

La balle est dans leur camp. Attendons de voir comment ils vont transformer le penalty.

La Rédaction

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