Notre compatriote Boubacar Salif Traoré, au sujet de l’opération Maloko estime que «Déployer une armée sur un théâtre sans stratégie, revient à envoyer un lion en mer, sa puissance ne lui servira à rien». Les pertes au sein de l’armée malienne posent clairement le problème de l’absence d’une posture stratégique. Lisez sa reflexion intitulée «Maliko : l’épaisseur stratégique en question».
Le 30 janvier 2020, l’Opération « Maliko » fut officiellement lancée par les autorités maliennes à travers le décret N°2020 0034/P RM. Ce nouveau concept opérationnel (CONOPS) vient en remplacement de l’ancien dénommé « Dambé » créé par le décret N°2019 0200/P RM du 08 mars 2019, qui à son tour, a succédé à « Dambé » créé par le décret N°2017-001/ P RM du 05 janvier 2017.
Quelques semaines après le sommet de PAU où il a été question de la définition d’un nouveau CONOPS pour les Etats du G5 Sahel et après l’attaque des Groupes Armés Terroristes contre le poste de gendarmerie de Sokolo, situé à 400 kilomètre de Bamako. Le gouvernement du Mali, tente de donner un nouveau souffle à l’armée afin d’obtenir des résultats tangibles.
La longue trajectoire vers la cohérence des actions
L’absence de coordination entre les différentes unités maliennes et entre celles-ci et ses partenaires étrangers constitue un problème important et récurent. Cette récurrence trouve sa source dans l’absence d’une politique de défense cohérente et bien structurée autour d’objectifs clairs. Ainsi, depuis 2013, suite à l’opération Serval, l’armée malienne n’a jamais communiqué autour d’un objectif atteint. Des centaines d’attaques terroristes ont pourtant été repoussées, mais aucune zone du centre et du nord n’est déclarée sécurisée.
Cela dénote d’une absence de plan. Une armée fonctionne avant tout avec des objectifs dont l’atteinte permet de faire progressivement des pas vers la victoire finale. L’armée malienne parvient aussi à déloger les terroristes de plusieurs zones, sans pourtant être en capacité de s’y maintenir sur le temps long. Ce qui manque in fine, c’est la capacité de mettre en œuvre la construction véritable de « l’effet final recherché » qui consiste à « enrayer les menaces terroristes et criminelles » selon les autorités.
En faisant allusion à l’enrayement le gouvernement prévoit de bloquer les actions terroristes. La question qui surgit alors, est de savoir de quelle stratégie globale les décideurs maliens disposent pour atteindre cet objectif ?
Le risque d’une multiplication des fronts
Le gouvernement du Mali se trouve confronté à plusieurs fronts à la fois, le pays traverse une crise multidimensionnelle et de nombreux défis se dressent devant lui. La crise sécuritaire a pris le pas sur le reste. Le risque pour le gouvernement est de multiplier les chantiers sans être capable de les mener à bout. En décidant de lancer un nouveau concept opérationnel, dont le montage laisse supposer une décision prise à la hâte et qui n’est pas de nature à rassurer. Le déploiement futur de l’armée reconstituée dans la région de Kidal, tout comme la reprise de contrôle de certaines zones dans le centre du pays et la mise en œuvre d’une nouvelle phase de la coopération avec la force Barkhane, sont autant de chantiers qui attendent des concrétisations réelles.
Dans le fond, la nouvelle opération « Maliko » est-elle si différente des deux précédentes opérations « Dambé » ?
De « Dambé » à « Maliko » une même opération sans véritable innovation
L’opération Dambé lancé en 2017, aurait dû voir sa phase 2 enclenchée en 2019, puis sa phase 3 en 2020. A chaque étape un bilan aurait dû être présenté par le chef d’état-major général des armées et expliquer la nécessité d’évoluer vers des objectifs nouveaux. D’ailleurs en dehors de l’effet final recherché », il n’y a pas d’objectifs clairs orientés vers la destruction de l’ennemi.
Les éléments qui sont présentés exposent plutôt une armée n’ayant pas les moyens d’atteindre son but. Les textes présentant les trois opérations ont été rédigés de la même manière, un copier-coller apportant quelques précisions mineures à savoir « la participation des forces régionales et internationales » et « la coopération des autres ministères » sous l’autorité du ministre de la défense.
La différence de fond n’existe pas entre ces opérations, du fait que les deux précédentes n’ont pas produit de résultats viables. Les Groupes Armés Terroristes n’ont rien changé à leur mode d’action, les attaques se déroulent dans les mêmes zones et avec le même modus operandi. Alors, qu’ont fait les forces de défense et de sécurité dont on ne cesse de déclarer la montée en puissance ?
L’allocution du ministre malien de la défense à l’Assemblée Nationale, en novembre 2019, a confirmé l’échec de processus mis en œuvre depuis de longues années.
La dynamique enclenchée par la communauté internationale, notamment l’Union Européenne qui vient d’offrir des véhicules blindés et qui participe activement au renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité, peut-elle contribuer au succès réel des FAMa sans que celles-ci ne bénéficient d’une stratégie claire définie par les décideurs nationaux ?
Sortir du jeu politique pour renforcer l’efficacité de l’armée
L’opération « Maliko » ne vient pas remplacer l’opération « Dambé », il s’agit d’une même opération dans ses objectifs et dans son organisation. L’absence d’une architecture nouvelle, s’appuyant sur une stratégie cohérente et lisible est un problème important. L’objectif réel serait-il de tenter de rassurer l’opinion nationale sur la volonté d’évoluer vers des succès réels ?
L’inquiétude réside dans le fait que l’Etat semble avoir décidé de mettre en œuvre un chantier dont il ne maitrise pas réellement le canevas.