Alors que les conflits fonciers restent plus que jamais préoccupants partout, à travers le pays, le ministre des Domaines et des affaires foncières du gouvernement Boubou CISSE se sent mieux dans sa peau de bureaucrate. Très peu de visite de terrain, peu d’attention à l’égard des plus faibles victimes d’expropriation… C’est sur les réseaux sociaux désormais que se mène toute la politique de réforme foncière promise par le Président de la République, Ibrahim Boubacar KEITA.
Créé à la faveur du remaniement ministériel du 5 mai 2019, le ministère des Domaines et des affaires foncières a pour missions, selon les sources du département : la détermination des biens du domaine public et privé de l’État et des Collectivités territoriales et l’étude de toutes les questions relatives à ces biens ; la gestion des biens du domaine de l’État ; le suivi de la gestion des biens du domaine des Collectivités territoriales et des autres personnes publiques ; l’acquisition et l’expropriation des biens immobiliers au profit de l’État ; la location des immeubles de l’État au profit des tiers et le contrôle de la location des immeubles au profit de l’État… Aussi, le département, dans le cadre de la mise en œuvre de la lettre de mission du Président de la République, issue de son projet de société « Notre Grand Mali avance », a pour mission, principalement, de mener à terme la réforme domaniale et foncière.
Les acquis
Il s’agit d’une mission entamée, depuis plusieurs années, et qui a déjà franchi plusieurs étapes cruciales. Parmi ces étapes, on note la création du Comité interministériel d’élaboration de la stratégie de mise en place du cadastre au Mali le 15 janvier 2014, qui a abouti à l’élaboration d’un document stratégique intitulé ‘’LA RÉFORME DE LA GESTION FONCIÈRE VISANT L’INSTAURATION D’UN CADASTRE AU MALI’’ et à la mise en place d’un cadre de pilotage de la réforme domaniale et foncière composé d’un comité d’orientation, d’un comité technique de pilotage et d’un secrétariat permanent ; l’entame de la phase pilote de confection du cadastre pour le District de Bamako et les communes limitrophes sous les auspices du Secrétariat Permanent de la Reforme Domaniale et Foncière en 2016. Elle serait toujours en cours, selon le département et aurait permis d’enregistrer déjà dans la base de données géographiques, plus 580 000 parcelles bâties et non bâties y compris les champs, dont plus de 210 000 pour le District de Bamako.
Refonder les rapports sociaux
Dans la même dynamique, une Politique Nationale Domaniale et Foncière a été adoptée en 2018 de même qu’un système de codification parcellaire unique NINACAD suivant le Décret N° 0112/P-RM du 22 février 2019 suivi de l’élaboration d’un projet de Code Domanial et Foncier.
Dans un Mali marqué par des conflits fonciers avec des impacts négatifs sur la paix sociale, cette réforme domaniale et foncière devient nécessaire et capitale pour refonder les rapports sociaux, pour mettre la terre au service du développement et d’appuyer la bonne gouvernance. En effet, l’ampleur et le caractère parfois violent des conflits fonciers prouvent la nécessité d’intervenir dans ce domaine. Et pour cause, la gestion et l’exploitation foncière en milieu rural comme urbain se manifestent par la précarité des différents modes d’accès aux terres.
En milieu urbain où elle est juridiquement soumise au Code domanial et foncier, le constat est tout aussi amer. L’on observe en effet une marchandisation à outrance de la terre au point que le concept « morcellement » a été remplacé, à juste titre, par celui de « l’émiettement », ruralisant ainsi la ville et ses banlieues et empoisonnant les relations entre familles voisines occasionnant des procès sans issues.
La politique de l’autruche
Les occupations illicites du site des logements sociaux en voie d’attribution, en 2018 et l’opération bulldozer initiée par le Premier ministre Soumeylou Boubeye MAIGA pour y dégager les voies en est une illustration parfaite de ce désordre. Au cours de sa visite sur le terrain, le PM dira : ‘’j’ai reçu beaucoup de rapports sur la situation du site, j’ai préféré venir constater de visu moi-même. Ce que j’ai vu bien sûr est totalement inacceptable, les travaux sont arrêtés, la livraison aussi est retardée parce que beaucoup de gens ont fait des constructions illicites’’.
La poursuite de la colonisation de la zone aéroportuaire de Bamako-Sénou par des prédateurs fonciers, les nombreuses plaintes formulées par des villages et communes proches de Bamako illustrent toute l’urgence de la question.
Face au constat brûlant, le ministre Badra Alioune BERTHE semble adopter la politique de l’autruche pour ne rien voir et ne rien entendre de la réalité en face. Lui et les siens s’engouffrent dans des cours théoriques sur les réseaux sociaux. Un système bureaucratique qui ne saurait en aucun cas suppléer les besoins de conseils et d’orientations sur le terrain. Le sort de nombreux habitants aujourd’hui abusivement expropriés de leurs biens par de puissants opérateurs financiers reste désormais scellé avec le ministre Badra Alioune BERTHE qui se terre dans ses bureaux pour donner des leçons de droit foncier aux Facebookeurs. Sont-ils les vraies cibles visées ? En tout cas, malgré la révolution technologique du 21e siècle, le paysan des confins du Mali a encore du mal à se servir de ces informations pour plusieurs raisons… Ce qui fait dire à des observateurs que le ministre s’égare en se fondant sur un tel outil dans une société profondément ancrée dans l’oralité pour réussir une réforme aussi importante que celle du foncier au Mali.
La mise en place d’un cadastre moderne au Mali est un bon indicateur pour la sécurité foncière et un moyen d’encourager les investissements. En attendant, il y a donc lieu de maintenir la dynamique enclenchée depuis 2016 pour assurer les populations de la bonne foi du Gouvernement de sécuriser les réserves foncières, à travers le pays.