Au détour d’une annonce sans tam-tam, le gouvernement français a décidé d’envoyer 600 militaires de plus au Mali. Pour quoi faire ? Sommes-nous menacés d’être débordés ? Une bataille est-elle engagée où nous manquons d’effectifs ? L’armée sur place a-t-elle demandé du renfort ? Que se passe-t-il ? La nouvelle de ce renfort inattendu est inquiétante.
Elle l’est d’autant plus que les questions sur les buts de la guerre au Mali posées par Jean Luc Mélenchon dans plusieurs tribunes conjointes avec son ami le député Bastien Lachaud, sont restées sans réponse. Il y a de cela quelques semaines, la France a perdu 13 militaires dans un accident d’hélicoptère et tout le pays s’était uni pour accompagner les morts et réfléchir au problème posé ? Que fait la France au Mali ? Quels sont ses objectifs politiques concrets ? Quand repartira-t-elle : c’est-à-dire quelles conditions doivent être remplies pour cela ? Poser ces questions est de bon sens : la France ne peut pas avoir pour objectif de rester au Mali indéfiniment. Les Maliens ne le supporteront pas. Le Mali est un État indépendant. Et la France n’est pas dans un régime de protectorat. Ce point est-il clairement admis par tous ? Ce n’est pas la place de la France. Elle n’est pas chez elle, faut-il le rappeler?
Le risque de l’enlisement est pointé du doigt depuis le premier jour. Comment l’éviter autrement qu’en annonçant que la France partira dès que les conditions seront réunies, c’est-à-dire en disant lesquelles. Et si elle ne le dit pas, n’est-ce pas un indice particulièrement significatif qu’il y aurait dans cette affaire une « face cachée » ? Les objectifs du maintien de la présence militaire seraient-ils inavouables ?
Trop de signes inquiètent. La France semble engagée dans une fuite en avant comme on en a déjà connu bien des fois avant celle-là : l’illusion que si la force a échoué jusque-là c’est parce qu’elle serait insuffisante. Ici, il faut parler d’un maximum de 1500 adversaires armés si on croit les chiffres qui traînent et dont on ignore comment ils sont établis. Sur place au Mali, il y a 4500 français avec un matériel sans commune mesure avec celui des bandes armées que les soldats français pourchassent. Pourquoi 600 de plus ? À quoi correspond ce chiffre ? À quels objectifs ? En élevant le niveau de l’intervention la France élève en même temps le niveau des risques politiques pour son pays. Et pour les forces politiques locales hostiles à l’ennemi commun.
La France perd les pédales
Il n’y a pas d’issue militaire au Mali. La France va désormais porter tout le poids des revers inéluctables d’un engagement armé de cette ampleur où la disproportion de force rend toujours remarquable le moindre succès de l’ennemi. Qui donne des conseils à la France dans cette affaire ? L’échec de toutes les guerres conventionnelles de contre guérillas n’a-t-il pas encore atteint la conscience des sommets des décideurs gaulois ? Ce n’est pas possible. Les militaires français ont une bonne école de guerre, bien documentée. Alors qui prend les décisions et sur quelles bases ? Cette affaire d’intervention militaire au Mali commence à sentir le genre d’hubris qui conduit déjà le régime Macroniste à vouloir affronter la société française toute entière dans l’affaire des retraites. À cette différence que les militaires ne sont pas lancés contre des gens sans défense comme le sont les soi-disant « forces de l’ordre » dans les rues de la France. Ils affrontent un ennemi armé, rusé et en partie accueilli dans la population.
Il faut être économe de la vie des militaires français et ne jamais les engager dans des conditions dont on ne maîtrise pas l’issue. S’il ne fait aucun doute qu’ils obéiront en toutes circonstances et quoi qu’il leur en coûte, il ne faudrait pas croire qu’ils ne sont pas capables d’analyser ce qui se passe autour d’eux et la confusion qu’instaure l’absence d’objectifs de retrait clairement énoncés. Les militaires passent leur vie intellectuelle à analyser et à évaluer les conflits armés. Ils savent quel mythe est l’idée d’une « victoire totale » dans une situation de décomposition générale comme l’est celle de cette zone de l’Afrique où tout s’ajoute pour déstabiliser durablement les rares structures étatiques. Bref l’armée française a des cerveaux et il est vain de lui demander de faire semblant de ne pas savoir ce qu’elle sait au sujet de ce type de guerre et de ce type de situation. Il va de soi que c’est là une composante non négligeable dans le combat.
Décidément, cette annonce d’un renfort de six cent militaires au Mali n’est pas une bonne nouvelle.
Mais quelle sera la réponse des Maliens, des Nigériens et des Burkinabés ? C’est marqué dans le contexte… la lutte asymétrique contre l’occupant. Alors que selon les informations, la ministre française de la Défense se trouve à Washington afin de supplier les États-Unis de ne pas se retirer de l’Afrique, une information fait part le samedi 1er février dernier du fait que les États-Unis n’envisagent pas de se retirer totalement de l’Afrique. C’est ce qu’a annoncé le jeudi Mark Esper, secrétaire d’État américain à la Défense. Mais que se cache-t-il derrière ce jeu au chat et à la souris entre la France et les USA en Afrique ?
C’est beau la France de Barkhane : à coup d’attentats terroristes attribués aux organisations dont elle tire les ficelles, Barkhane a fait un no man’s land sur la région des trois frontières : l’armée malienne, l’armée nigérienne et celle du Burkina Faso sauvagement et quotidiennement attaquées pour qu’elles finissent par s’en retirer. Puis à Pau, Macron s’est mis à menacer les présidents de l’Afrique de l’Ouest leur exigeant qu’ils matent, fut-ce nécessaire dans le sang les mouvements de protestation quotidienne contre la présence militaire française.