En novembre prochain, je n’aurai pas le privilège de voter pour le compte de l’élection présidentielle américaine. Mais s’il y avait un vote symbolique organisé à l’intention du citoyen du monde, j’aurais été heureux de glisser un bulletin dans une urne pour renouveler le bail de M. Donald Trump à la Maison Blanche. Je m’empresse de préciser que l’homme n’est pas mon modèle en politique, mais il me fascine comme la pleine lune attirerait les marées. Il faut l’admettre, aux Etats-Unis et dans de nombreux pays à travers le monde, M. Trump est devenu une rock star qui peut s’afficher fièrement, rouler des épaules et se sortir des pièges les plus redoutables tendus par ses multiples adversaires pour le prendre. L’acquittement prononcé en sa faveur le jeudi dernier par le Sénat (à majorité républicaine) dans le dossier de l’accusation (Impeachment) lancée en son encontre depuis le 24 septembre 2019 par le Congrès (à majorité démocrate), en apporte la preuve palpitante.
Je l’ai déjà écrit plus haut, le président Donald Trump me fascine ; il pourrait même devenir mon champion, mon modèle et ma source d’inspiration. Son élection à la maison blanche en 2016 est la preuve que le rêve américain est possible, qu’il est réel ; que là-bas, entre terre et ciel, tout le monde peut saisir sa chance et se réaliser. Pas besoin d’aller à Harvard, au MIT ou autres prestigieuses universités où se forme la crème de l’intelligentsia américaine.
Dans ce pays qui revendique fièrement son statut de plus grande démocratie au monde où la séparation des pouvoirs est un principe sacro-saint, un citoyen, une entreprise, une association…, peuvent tenir tête à la redoutable CIA, au FBI, à la NSA (Agence nationale de la sécurité)…, au nom du Premier amendement. Dans cette Amérique-là, les lobbies (militaro-industriels, pharmaceutiques, National Rifle Association of America…) et les sectes ont pignon sur rue et participent à la modélisation des pouvoirs.
C’est aussi dans ce pays, première puissance économique et militaire au monde, qu’à la manière de Rodrigo Duterte, président des Philippines qui injurie à tout-va (Obama, le Pape, Ban Ki-moon, etc), que le locataire de la Maison Blanche, en l’occurrence M. Trump, peut traiter ses opposants et adversaires, même certains partisans (Mitt Romney qui a voté au Sénat contre son acquittement) de tous les noms d’oiseau sans que cela révulse un tant soit peu son électeur et l’américain moyen.
Il peut se montrer très sexiste dans ses déclarations, raciste, xénophobe, aller à contre-courant de toutes les évidences…, mais tant qu’il fait le job, son électeur n’en a cure. Il peut aussi, si cela fait son bonheur, user et abuser de mensonges d’Etat ou de mensonges tout court (lire article du New-York Times https://nyti.ms/3bqY9yn).
Enfin, M. Trump peut allègrement fouler au pied les us en matière de diplomatie ou en casser les codes, faire montre d’un unilatéralisme déconcertant ou, par amitié, réécrire l’histoire. N’est-ce pas le sens de son plan de règlement du conflit israélo-palestinien (Deal of the century) dans lequel il passe à Israël tous ses caprices d’enfant gâté, sacrifie la cause palestinienne et passe à la trappe près de ¾ de siècles de résolutions des Nations Unies !
Je me demande parfois si l’intéressé est lui-même totalement conscient du fait qu’il est en train d’écrire de nouvelles pages de l’histoire de son pays et du monde. Ce qui est sûr, qu’il soit oui ou nom réélu en novembre prochain, une doctrine lui survivra qui sera le sujet ou l’objet des travaux d’universitaires et de chercheurs en sciences politiques et économiques.
Pour la fin, j’ai gardé le meilleur et je suis sûr « qu’à l’heure-là », comme disent nos voisins du sud, les scénaristes de Hollywood travaillent sur des projets pour camper la présidence Trump en général et la saga de l’Impeachment en particulier.
On est mercredi 5 février et le président Trump s’apprête à prononcer son discours sur l’état de l’Union au Congrès. Il remet une copie de son allocution à Mme Nancy Pelosi, la cheffe des Démocrates au Congrès, qui lui tend sa main. Comble de l’élégance, M. Trump ignore superbement cette main frêle. Mme Pelosi contient sa colère, son indignation et son humiliation durant tout le discours d’autocélébration de M. Trump dont c’est véritablement le jour de gloire, assuré d’être totalement acquitté dès le lendemain par ses amis du Sénat. L’œil exercé aura toutefois remarqué les mouvements de tête de Mme Pelosi en signe de désapprobation du bilan présidentiel. Mais la vraie désapprobation, « la réponse de la bergère au berger », c’est quand Mme Nancy Pelosi déchire publiquement le discours de M. Trump, dans cette arène prestigieuse, devant les caméras des plus grandes chaines de télévision américaines qui retransmettent l’évènement en mondovision. Je parie un plongeon dans le Grand Canyon que certains pères fondateurs de la nation américaine ont du se retourner dans leur tombe. Nous-mêmes, simples téléspectateurs du monde, étions complètement renversés, ébahis, incrédules devant un tel spectacle surréaliste.
Certains aînés ont vécu et nous ont rapporté l’épisode au cours duquel, le 12 octobre 1960, à l’Assemblée générale des Nations Unies, Nikita Khrouchtchev, au pouvoir à Moscou depuis 1953, a fait usage de sa chaussure sur son pupitre pour faire taire le délégué zélé des Philippines dont la diatribe anti-communiste lui sortait par le nez.
On a aussi en souvenir ces scènes dans certains hémicycles africains où d’honorables députés se crêpaient les chignons et s’envoyaient amicalement en pleine figure tout ce qui se trouvait à portée de leur main, ou des bagarres rangées sur des plateaux de télévision. Qui ne se souvient pas aussi de ces chaussures du journaliste irakien Muntadhar al Zaidi balancées à la figure de George W. Bush pendant une conférence de presse le 14 décembre 2008 à Bagdad !
Certes, il y a des tonnes d’anecdotes croustillantes qu’on pourrait ressortir des mémoires, mais le geste de Nancy est d’une finesse assassine à propos de laquelle l’intéressée a déclaré n’avoir pas eu d’autre alternative. Politiquement, de part et d’autre, il s’agit d’assumer pleinement cet épisode marquant dans la vie politique américaine et qui pourrait accentuer la polarisation des protagonistes pendant la prochaine campagne électorale.
Une chose est certaine, il nous faudra devoir une fière chandelle à M. Trump qui, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, bouleverse toutes nos certitudes tout en redonnant une nouvelle virginité au « Grand Old Party ».
Moralité : lorsque le leader est en phase avec sa base, lorsque l’homme politique peut compter sur une troupe soudée, fidèle et loyale, lorsqu’il fait le job, il peut se permettre d’avoir tous les défauts y compris de prendre des libertés risquées avec la Constitution de son pays.
Mais n’est pas Trump qui le veut, l’un des rares présidents au monde assis sur une fortune colossale, soutenu par un parti aux ordres, des milieux d’affaires qui ne jurent que par lui, des redoutables lobbies qui lui font allégeance et un électorat puissamment endoctriné.
Merci M. Trump de nous faire cette belle leçon avec l’élégance en prime ! Le moment venu, nous saurons nous en souvenir.