Le second tour de l’élection présidentielle malienne opposera, le dimanche 11 août prochain, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) du RPM à Soumaïla Cissé (Soumi) de l’URD. L’ultime combat avant le jour J reste l’obtention du maximum de ralliements possibles. Sur ce plan, IBK semble prendre une bonne longueur d’avance sur Soumi. Ce dans la mesure où les tractations et les trahisons au sein de la classe politique sont en cours, notamment la dislocation de l’Adema Pasj, le soudain revirement de ceux qui se disaient irréversibles, entre autres.
Décidément, le Mali est la terre des rebondissements inimaginables. Tout porte à croire que la classe politique malienne n’a aucune conviction, aucune déontologie, elle est sans estime de soi, elle ne se soucie guère de son honneur, en un mot. Il y a à peine quelques mois, sinon quelques semaines, IBK était considéré par la majeure partie de la classe politique comme un anti-constitutionnaliste, un pro-putschiste, un pestiféré qui a suscité ce mot d’ordre : tout sauf Ibk. Mais voilà qu’aujourd’hui, il est devenu le Léon Gambetta de la scène politique malienne : presque tout le monde partage soudainement les mêmes valeurs que lui et se reconnait dans ses opinions. Où sont passées les évidences du fameux front anti-putsch, le FDR, qui s’était brusquement mué en union anti-IBK ? Et bien, elles ont cédé la place à l’opportunisme, l’immoralisme, à la duplicité.
Si dans la logique de la plupart des Etats du monde, la politique se définit comme étant la gestion du pouvoir, de la représentativité, au Mali, elle a un autre sens, c’est le terrain de jeu préféré des brigands. Avec tous ces ralliements excentriques vers le camp d’IBK, les Maliennes et les Maliens doivent se demander à quel type de politiciens ils ont à faire. Revoilà le Mali qui fait face à une autre trahison de l’élite politique. En effet, de 2002 à 2012, toute la classe politique était unanimement ralliée à ATT, qui n’avait pas de parti politique. Le pays s’était retrouvé sans opposition, avec une démocratie qui n’en était pas une. Paradoxalement, le Mali a le plus grand nombre de partis politiques, ils sont au moins 160. Le cas le plus insolite se lit dans le revirement du candidat du parti Adema Pasj, Dramane Dembélé. Oui, l’Adema Pasj, le plus grand parti politique du Mali et membre fondateur du FDR. Dramane Dembélé soutient IBK au second tour pendant que les dirigeants du parti, qu’il accuse de trahison, maintiennent la consigne officielle de voter pour Soumi. « Considérant l’aspiration profonde des Maliens à la stabilité, la paix et la sécurité, prenant en compte leur volonté de redonner à notre pays sohonneur et sa dignité, conscient de l’appartenance de l’Adéma-PASJ et du RPM à la même famille politique, celle de l’Internationale socialiste dont nous partageons les valeurs de gauche ( …), je lance un appel solennel à tous mes compatriotes qui ont voté pour moi à reporter leur voix sur le candidat Ibrahim Boubacar Keïta au second tour », voici les propos de Dramane Dembélé, un des hommes politiques qui accusaient, il y a si peu, IBK d’être le candidat de la junte, des islamistes extrémistes. Le traître reste toujours à démasquer. Ensuite, il y a aussi les autres grands habitués du paysage politique (Choquel Maiga, Mountaga Tall, Blaise Sangaré) qui s’éternisent plus dans un exercice de repositionnement que dans la politique proprement dite, qui sont prêts à contribuer à l’ascension d’IBK et à cautionner l’agonie de la démocratie malienne. Puis, il y a les novices en quête de repères (Moussa Mara, Oumar Ibrahim Touré, Cheick Kéita, Racine Thiam, entre autres), qui veulent faire comme les Grands parce qu’ils sont en carence de convictions. Les plus malins n’ont pas eu à perdre leur temps, « ils se sont levés dès l’aube », dira un observateur étranger. C’est le cas de Soumeylou Boubèye Maiga, le fameux « faiseur de roi », qui a vite ajusté sa couronne à la tête d’IBK ; et de Tiéman Hubert Coulibaly du parti UDD, actuel ministre des Affaires étrangères. Ce dernier est un politicien de la race rarissime « des pisteurs » : ceux qui devinent à l’avance le camp des vainqueurs. Pendant que les autres politiques luttent pour maintenir leurs idées, les politiques maliens, repus d’idées, se bousculent pour servir d’échelle à ceux qu’ils croient forts. Bien malin celui qui sait quand le Mali aura une véritable opposition politique, poteau de toute véritable démocratie. Ne soyez pas du tout surpris de voir Soumi se désister à la veille du scrutin du 11 Août prochain. C’est la politique à la Malienne !