À propos du dialogue avec Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa, s’il y a une constance au sein des assemblées populaires, le pouvoir lui slalome et désarçonne entre le discours servi pour la consommation nationale et celui servi à la communauté internationale qui proscrit tout dialogue avec les jihadistes. Dans cet embrouillamini, la sortie du Président IBK sur RFI et France 24 qui en rajoute à la pétaudière n’en est pas moins un camouflet pour le ministre des Affaires étrangères apparu sur ce coup plus royaliste que le roi.
La position officielle du Mali, jusque-là soutenue par le Président IBK était d’une clarté absolue : pas de dialogue avec le jihadistes.
Mais cette posture rigoriste a été infléchies par des recommandations fortes de la Conférence d’Entente Nationale (CEN) 27 mars au 2 avril 2017 : « ’négocier avec les belligérants du centre, en l’occurrence Ahmadou Kouffa tout en préservant le caractère laïc de l’État ; négocier avec les extrémistes religieux du nord, en l’occurrence Iyad Ag Ghali »’.
Dans la même dynamique, parmi les actions prioritaires au titre de la Paix, sécurité et cohésion sociale (Thématique N° 1), du Dialogue National Inclusif, du 14 au 22 décembre, il a été retenu, à court terme de : « engager le dialogue avec Amadou Kouffa et Iyad Ag Ghali pour ramener la paix au Mali ».
Lors de la clôture du Dialogue National Inclusif, le Président IBK avait assuré : « j’ai promis de faire tout ce qui me sera possible pour que les recommandations issues des travaux délégués soient appliquées ». Or, engager le dialogue avec Iyad et Kouffa fait partie des recommandations de ce DNI. Il était dès lors conditionné par sa parole donnée à laquelle il accorde beaucoup de prix.
À sa suite, le Haut Représentant du Président de la République pour les Régions du Centre (HRPRRC), le Pr Dioncounda TRAORE, ancien Président de la Transition, en termes d’actions à mener, se dit prêt à lancer les passerelles du dialogue avec tout le monde, d’autant plus que tout conflit se termine par ce dialogue. « Si le dialogue peut permettre de préserver des vies, pourquoi pas ? »
Le 30 janvier dernier, en rencontrant les membres du corps diplomatique, il a remis le couvert : « le dialogue ne sera pas écarté à priori. Il est fortement probable qu’une action militaire concertée et vigoureuse sera nécessaire (ne serait-ce que pour convaincre ces jihadistes de l’utilité de se parler avant de s’entretuer. Car même une seule vie épargnée compte ».
Entre les deux sorties du HRPRRC, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tiebilé DRAME, lors de sa présentation des vœux de Nouvel An au monde de la presse nationale et internationale, aux attachés des missions diplomatiques, interrogé sur un dialogue possible avec Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa, prend le contre-pied du HRPRRC. Il déclare sans coup férir : « ’au moment où je vous parle, l’État malien n’envisage pas une négociation quelconque avec les gens de la brousse (Iyad et Kouffa) »’ ; « ’les propos du Haut Représentant pour le Centre, Pr Dioncounda TRAORE, n’engagent que lui et non le Gouvernement du Mali »’. C’est le comble du zigzag de la position officielle du Mali sur le dialogue avec les deux chefs jihadistes.
Mais l’on n’était pas au bout de nos surprises puisque c’est le Président de la République lui-même qui en rajoute une couche dans une interview accordée à France 24 et RFI. Désormais, il ne jette plus l’anathème sur le dialogue avec Iyad et Kouffa qui est l’émanation d’une volonté populaire exprimée autant par la CEN que par le DNI. En clair, le Président IBK désavoue son chef de la diplomatie qui n’est pas censé tenir un discours différent du sien. Par la même occasion, il affermit le HRPRRC dans sa démarche. Question : le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tiebilé DRAME, va-t-il rendre le tablier ? Serait-il l’agneau sacrifié sur l’autel du double langage diplomatique ? Ce serait la logique. Mais, au regard des péripéties qui ont prévalu à son entrée dans le Gouvernement, difficile de gager sur une telle éventualité. Par-dessus tout, il ne faut pas perdre de vue que la culture de la démission (surtout par ces temps de vache maigre) n’est pas la denrée la mieux partagée.