L’insuccès des campagnes militaires et sécuritaires dans la lutte contre le terrorisme, qui a pris des reliefs singulièrement tragiques ces dernières semaines, pousse de façon irrésistible une partie de la classe politique et les autorités actuelles du Mali à explorer la voie, jusque-là proscrite, du dialogue avec les chefs terroristes. Mais l’espoir d’y trouver le salut pour un pays qui n’a jamais été aussi près de sombrer dans le chaos pourrait bien se transformer en cruel désenchantement.
Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa ne sont pas des enfants de chœur mais des combattants aguerris possédés par l’idée qu’ils sont porteurs de la mission divine d’instaurer la charia islamique sur l’ensemble du territoire malien, à défaut une partie substantielle de celui-là. Pr. Dioncounda Traoré, un homme sérieux qui a le souci de donner un contenu à sa nouvelle charge de Haut Représentant du président de la République pour le Centre a fait l’aveu public qu’il a envoyé des émissaires auprès de ces deux hommes aux fins de tenter d’ouvrir des discussions avec eux, » entre Maliens » mais qu’il n’a pas obtenu le retour souhaité. C’est le contraire qui eût été surprenant.
Autant on voit mal Iyad et Koufa renoncer à la mission dont ils se croient investis par le Seigneur des mondes d’établir l’islam intégral sur la terre du Mali, autant il est inimaginable que Dioncounda s’aventure à leur faire miroiter la possibilité d’un abandon de la Constitution de 1992 qui garantit » une République indivisible, démocratique, laïque et sociale « .Cette question ne ressort pas de ses compétences, ni de celles de son mandataire le président IBK. Elle n’est tout simplement pas négociable, la Constitution elle-même disposant que » la forme républicaine et la laïcité de l’Etat ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision « . (Titre XVI, article 118).
Au-delà Iyad Ag Ghali (Ançar dine) et Amadou Koufa (katiba du Macina) sont les composantes maliennes du » Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans » (GSIM) dont les parties maghrébines sont l’Emirat du Sahara et Al Mourabitoune. Le tout étant sous la coupe d’AQMI. On ne perçoit pas l’intérêt qu’ils ont à sortir de cette organisation qui sert leur dessein. On a entendu le président IBK évoquer une possible prise de langue avec Adnan Abou Walid Sahraoui, le chef de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) qui a plongé dans la tourmente » la zone des trois frontières » (Mali, Burkina Faso, Niger) et fait l’objet d’une traque sans relâche de la part des forces coalisées Barkhane-armées locales.
Pour discuter de quoi au juste ? Comme le GSIM, l’EIGS a pour projet d’implanter un califat islamique dans l’espace sahélo-saharien. Le Mali ne l’intéresse que comme cible, à l’instar du Burkina, du Niger et d’autres Etats de la sous-région dans son viseur. Elle n’en attend aucune contrepartie. Toute discussion est donc inutile.
Dans le même ordre d’idée, il est vain et totalement absurde de penser que » la concorde nationale » qui a servi à circonscrire la guerre civile en Algérie peut être opérante au Mali. Les deux situations sont loin d’être superposables et, comme disait l’autre » comparaison n’est pas raison « . En tout état de cause elle n’a été rendue possible que par le fait que les forces militaires et sécuritaires algériennes ont gardé la suprématie sur le terrain et préservé l’Etat, qui est resté maître du jeu.
Ce n’est assurément pas le cas du Mali où c’est un Etat en débâcle qui quémande le dialogue, jusques et y compris auprès de groupes salafistes étrangers et envahisseurs.
Cette quête de dialogue a d’autant moins de chance d’aboutir que les improbables interlocuteurs des dirigeants de Bamako sont activement recherchés par la communauté internationale pour être éliminés ou traduits devant les juridictions criminelles appropriées pour ceux qui ont de la chance.