En dépit de soutiens intérieurs plutôt quelconques, émanant de personnalités que l’on classerait volontiers parmi les opposants à l’ancien président malien renversé, Amadou Toumani Touré, le putsch du 22 mars n’a pas été une solution de salut pour le Mali. La preuve, le vide institutionnel qu’il a engendré continue de faire le lit de l’instabilité dans tout le pays.
Aujourd’hui, en effet, ce n’est pas seulement le nord du Mali occupé par des miliciens indépendantistes qui va mal. Le sud, où est située la capitale, Bamako, siège officiel des institutions, connaît lui aussi son lot de dérapages. L’agression inédite perpétrée par des manifestants presque ordinaires contre le chef de l’État par intérim, Dioncounda Traoré, le 21 mai, dans les propres bureaux de la présidence de la République, en est une parfaite illustration.
Devant cet enchaînement de mauvaises nouvelles, il fallait décider. Ce qu’a tenté, depuis, de faire la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), les premiers jours qui ont suivi le putsch. D’abord toute seule, l’instance d’intégration d’Afrique de l’ouest a désormais le soutien de la communauté africaine et internationale, à travers les
récentes prises de position de l’Union africaine et de l’Organisation des Nations unies.
Lentement mais sûrement, les menaces de chasser Ansar-Dine, Aqmi (AlQaïda au Maghreb islamique), ou le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) du nord du Mali quittent le stade verbal pour celui plus concret de l’intervention militaire.
L’une des décisions annoncées par les chefs d’État de la Cédéao, réunis le 7 juin à Abidjan, en Côte d’Ivoire, a visé l’exjunte, priée de rentrer définitivement dans le rang. Comme pour dire que dans la perspective d’engager des troupes combattantes au nord du Mali, la confusion qui règne dans la partie « utile » de ce pays peut être une inconnue de taille. On
imagine, en tout cas, que si cette intervention projetée est appuyée par les pays voisins du Mali, la zone sous contrôle du gouvernement de transition servirait comme l’une des bases opérationnelles des troupes ouest-africaines.
Les responsables de l’ex-junte malienne, avec à leur tête le capitaine Sanogo, saisiront-ils cette nouvelle perche qui leur est tendue pour enfin se mettre à l’écart du processus de sortie de crise que comptent piloter plus grands qu’eux ? Ne devraientils pas songer à dégager leur part de responsabilité dans ce conflit qui s’achemine, si l’on n’y prend garde, vers une sorte de « somalisation » du Mali ?
Il y a effectivement sur place, comme cela a été relevé plus haut, des groupes proputsch qui s’agitent. Le fait est qu’ils ne se rendent pas compte que plus de deux mois après le renversement des institutions républicaines, leur pays s’enfonce davantage dans la crise. Au lieu de s’en prendre à la Cédéao traitée de tous les noms d’oiseaux, ils devraient plutôt chercher à convaincre leurs « protégés » de ne pas s’accrocher à un pouvoir qui leur a échappé depuis le premier jour de leur prise du palais présidentiel.
Terminons, enfin, sur cette autre mauvaise nouvelle relayée il y a quelques jours seulement parles plus hautes autorités du Niger. À savoir que des « djihadistes » afghans et bien d’autres adeptes du jusqu’auboutisme religieux se trouveraient dans le nord du Mali comme instructeurs des groupes armés. Si ces faits sont étayés, ils renforceront la communauté internationale dans sa volonté d’appuyer une action armée de la Cédéao et de l’Union africaine contre les indépendantistes du nord.
Si, à leur tour, les militaires de l’ex-junte malienne poursuivent leur bras de fer contre les autorités officielles de la transition, ils pourront être accusés de faire le jeu de l’ennemi. Ce n’est pas pour cela sans doute qu’ils avaient pris les armes le 22 mars.