Les griefs du syndicat des Impôts contre la direction sont aussi nombreux que gravissimes. Le secrétaire générale de la section syndicale, M. Ali Daou, fort du soutien de ses camarades entend aller au bout de sa logique. Il nous fait ici la genèse de la crise et les raisons du préavis de grève des 13, 14, et 15 août prochain.
Maliba-Info: Quel est l’origine du bras de fer d’avec la direction Générale des Impôts ?
Ali Daou: Je vous remercie ! Ce que vous appelez bras de fer est consécutif à nos revendications portant sur relecture du décret 02-299 du 03 juin 2002 et de l’arrêté 06-790 du 19 avril 2006 fixant les conditions de répartition des ristournes ; la relecture du décret portant sur une meilleure gestion du plan de carrières des agents et l’adoption d’un statut particulier.
- «Une meilleure gestion du plan de carrières des agents et l’adoption d’un statut particulier » ! En quoi ces points consistent concrètement ?
Vous savez, on nommait qui on veut, quand on veut et où on veut.
L’adoption d’un plan de carrière permettra plus d’équité. Parlant de statut particulier, il est à rappeler que les agents des impôts sont très exposés dans l’exercice de leurs fonctions.
Les textes en question ont-ils été relus ?
Oui, le ministre, au moment des faits, a mis en place une commission depuis Novembre 2011 jusqu’à l’avènement du coup d’Etat. Nous y demandions qu’au lieu de 0,6 % que le montant de la prime passe à 2%.
Il s’agit d’une revendication juste et légitime. Tenez : en 2002, nous avions réalisé un recouvrement de l’ordre de 185 milliards F CFA et de 521 milliards en 2013, soit plus de 64% du budget national. Au même moment, les agents sont passés de 500 à 1000. Il faut donc revoir la clé de répartition.
En réponse à notre doléance, le ministre a proposé une inversion de la clé de répartition sur les pénalités comme suit : 67% pour l’Etat, 05% pour la caisse de retraite et 28% pour les agents. Dans cette part réservée aux agents, 5% sont affectés au D.G, 4% au DGA et 23% aux sous-directeurs, Directeurs régionaux, entre autres. A y voir de très près, ce sont 23 personnes qui se partagent 44% du montant initial. Cette situation perdure depuis 2002.
Nous avions proposé que le DG et le DGA obtiennent respectivement la part égale à celle de 27 et 20 inspecteurs des Impôts. Le DG a catégoriquement refusé. A noter que le quota du DG équivaut
actuellement à la part de 110 inspecteurs.
Mais ce ne sont pas les raisons immédiates du bras de fer d’aujourd’hui?
Bien sûr que non ! La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été la répartition des primes sur les recouvrements de 2012. Les impôts ont fait une recette 470,872 milliards F CFA dont les primes sont évaluées à 2,406 milliards… En clair, il y a eu un manque à gagner de 418 millions F CFA sur les primes… Les explications fournies par la direction ne furent pas convaincantes. Pas du tout ! Nous avions donc lancé un premier préavis de grève pour le 1er et 2 juillet dernier.
Et qu’en a pensé le ministre ?
Le nouveau ministre a pris l’affaire en cours. Il nous a cependant donné raison. Il s’est engagé à payer la somme. Et à notre demande, il a promis de faire la lumière sur l’écart constaté et de payer, dans les 10 jours qui suivront. Nous avions en outre demandé un audit du fonds d’équipements pendant les cinq dernières années. Ce fonds est alimenté par l’effort des travailleurs soit 14% des primes annuelles et 10 % des pénalités. Il est destiné à équiper au mieux les structures… Ce sont ces éléments qui ont ébranlé la direction.
- Il nous revient que des agents et membres du personnel subissent en ce moment des pressions de la hiérarchie. Le confirmez-vous ? Je le confirme ! Des collègues subissent en ce moment des pressions de la part de la Direction nationale et des directions régionales. Etmême des particuliers, des personnes étrangères au service et proches des membres de la direction viennent souvent nous menacer dans nos bureaux. Nous exigeons que de telles pratiques s’arrêtent.
- Il existerait un nouveau bureau syndical au niveau des impôts. Qu’en est-il exactement ?
C’est justement dans le contexte que vous ai décrit, que le DG a réuni les chefs de services, les directeurs et sous-directeurs pour un mettre en place un bureau syndical fantoche. Ce, avec l’implication de Siaka Diakité de l’UNTM. Dans la salle ce jour, il n’y avait pas plus de 15 agents des impôts. Et les autres étaient tous des membres de la direction.
Ils ont mis en place un bureau de 25 membres dont la moitié a d’ailleurs démissionné. «Démissionner» n’est peut être pas le mot juste. Dans leurs correspondances adressées à qui de droit, ils ont tenu à souligner qu’ils n’ont été associés ni de près, ni de loin à la mise en place d’une structure et ne s’y reconnaissent pas.
- Dans les faits, comment nait un bureau syndical ?
D’abord, la convention 151 de l’Organisation Internationale des Travailleurs (OIT) sur les relations de travail dans les services publics met en garde contre toute immixtion dans les affaires syndicales à fortiori la création de conditions de mise en place d’un bureau. Aussi, les textes nationaux en la matière, prévoient une série de démarches à faire en vue de la mise en place d’un bureau syndical : élire d’abord des délégués à la base, et des comités par la suite ; organiser des conférences à laquelle chaque comité sera représenté par ses délégués en vue de la constitution du collège électoral devant mettre en place la section.
Comment ce « bureau fantoche » a donc été accueilli par les travailleurs ?
Bien entendu, la quasi-totalité des travailleurs ne s’y reconnaissent pas. Et tenez-vous bien : la direction, voire, le DG en personne, s’est mis devant et a présenté ce «bureau» comme étant le seul légitime et a déclaré dissout l’autre, c’est-à-dire, le bureau légal.
Ce jour, deux agents lui ont rétorqué qu’il n’avait pas les prérogatives pour ce faire. A ce jour, ce bureau ne s’est d’ailleurs pas rendu à la base.
- Et c’est ce que vous estimez être la goutte d’eau de trop ?
Bien sûr ! Nous avions dès lors décidé de lancer un autre préavis de grève, le 22 juillet dernier pour les 13, 14, et 15 Août prochains.
- Et quelles sont principales revendications ?
Elles son au nombre de neuf (09). Je vous ai déjà parlé de la relecture du décret 02-299 du 03 juin 2002 et de l’arrêté 06-790 du 19 avril 2006, du plan de carrières des agents et l’adoption d’un statut particulier… Il faudra y ajouter l’enquête sur l’écart constaté dans la gestion des primes ; l’audit du fonds d’équipements sur les cinq dernières années ; des mesures contres les actes d’intimidation et de menaces ; l’instauration d’un climat serein au sein des impôts et enfin, l’octroie d’un siège permanent à a section syndicale des impôts.
A propos, est-il vrai que la direction vous a littéralement chassé de la salle de conférence de la DGI ?
Hélas oui ! C’était le 23 juillet dernier. Le directeur a même fait venir la police pour nous empêcher d’accéder non seulement à la salle de conférence, mais également à la Cour. Nous avions été contraints d’aller louer une des salles de conférence de la «Maison de la Presse». C’était tout simplement grave ! Mais nous sommes des légalistes et des républicains ! Nous resterons tels !
- Un appel à lancer ?
D’abord, je demanderai aux camarades de rester mobilisés et unis !
Notre combat n’est dirigé contre personne, nous ne sommes contre personne ! Nous voulons seulement que juste soit faite. Aux autorités, je demanderai de tout mettre en œuvre pour éviter ce mouvement de grève qui aura certainement des conséquences. Ce n’est pas notre souhait. C’est malgré nous-mêmes que nous adoptions une telle attitude. Nous sommes décidés à aller au bout de notre logique.
Aux camarades qui se sont ralliés à ces aventuriers, nous disons de revenir. La porte reste ouverte. Nous n’avions rien contre eux. L’union fait la force ! Qu’ils reviennent !
Enfin, je formule le vœu que Dieu préserve le Mali ! Que le deuxième tour du scrutin présidentiel se fasse dans la sérénité, l’union et la concorde pour le bonheur du pays.