Sans jouer carrément au gendarme lors des élections dans les pays abonnés aux soubresauts politiques, notamment en Afrique, la communauté internationale s’oblige régulièrement à faire office de sentinelle vigilante. Elle est certainement en train de se préparer pour la nouvelle élection des députés maliens. Mais qui sait?
C’est un devoir qui coule de source, singulièrement pour la C.E.D.E.A.O. dont le Mali est membre et partage en plus directement des frontières avec cinq autres États de cette organisation sous-régionale. Celle-ci a d’ailleurs joué récemment un rôle prépondérant de veille et de surveillance de l’élection lors de la présidentielle en Guinée-Bissau, parvenant même à circonscrire certains débordements et des réactions négatives post-électorales qui auraient pu être dommageables, politiquement et socialement. Pour le cas du Mali, dont les législatives se dérouleront dans quelques 45 jours, la communauté internationale va avoir du grain à moudre. Elle est singulièrement représentée ici depuis plusieurs années par la Minusma, dont les efforts sont régulièrement contrariés par les crimes incessants des terroristes. Situation inconfortable qui ne manque pas de provoquer souvent chez les citoyens une colère légitime. Mais le Mali, dans sa douloureuse épreuve quasi quotidienne, ne peut vivre en vase clos, encore moins se passer de la communauté internationale. Les pays sont comme les cellules du corps mondial et chaque cellule affectée rejaillit sa douleur sur chacun des membres. C’est au nom de cette réalité que la C.E.D.E.A.O. avait dépêché à Bamako, en octobre 2018, une mission dirigée alors par le ministre nigérian des Affaires étrangères, à l’époque président en exercice du conseil des ministres de l’organisation. Cette mission avait pris acte de la prorogation de la législature en fin de mission, prorogation décidée suite à un avis favorable émis par la Cour constitutionnelle du Mali. Mais elle avait jugé impératif que le gouvernement de la République du Mali et tous les acteurs sociopolitiques conviennent, de manière consensuelle, d’entreprendre des réformes courageuses des cadres légaux, y compris la constitution de février 1992, et du système électoral avant de s’engager dans les futures échéances électorales que le pays ne manquerait pas d’organiser. Dans une communication qui continue d’être diffusée sur les réseaux sociaux, le Cnid-FYT insiste sur le fait que cette recommandation de la CEDEAO n’a pas été du tout respectée par le pouvoir, qui n’en fait donc qu’à sa tête, autrement dit qui prend la classe politique de vitesse, ce qui présage des réactions de colère. Mais la date du 29 mars est calée et, de toute évidence, le gouvernement n’envisage aucun report. Il y a donc pour la communauté internationale urgence à prévenir des déconvenues qui pourraient grandement discréditer les résultats des prochaines élections législatives. Pire, de futures contestations, un tant soit peu énergiques, risquent d’en ajouter dramatiquement à une situation malmenée par l’insécurité récurrente et les deuils.La Minusma et la CEDEAO sont en première ligne certes, mais la francophonie, l’Union Africaine et l’Union européenne ne doivent pas se défausser de leurs responsabilités. Il ne doit pas s’agir pour elles de se contenter d’envoyer, le moment venu, des missions d’observation, comme pour sacrifier simplement à une tradition. Des dérapages prévisibles pourraient les accuser d’avoir joué à Ponce Pilate.Kader Djiguila