A cause de la conjoncture, les parents préfèrent habiller leur progéniture. La communauté musulmane bamakoise va célébrer demain ou vendredi la fin du ramadan, l’Aïd El Fitr. L’attention est fixée sur les préparatifs festifs qui marquent la fin du jeûne. Le service des ateliers de couture est une priorité. Mais à quelques jours de la fête musulmane, le constat est amer. Les couturiers ne sont pas débordés à la veille de la fête de ce mois d’août 2013 par les clients. Ils regrettent la grande affluence de 2010 ou 2011. Et pour cause ! La majorité des femmes compte tenu de la crise financière ont préféré, pour alléger les dépenses de la famille, privilégier les enfants.
Ces épouses averties expliquent qu’elles peuvent se passer de la tenue de fête. Du coup plusieurs tailleurs de la capitale se retrouvent en manque de commandes. Les élégantes viennent au compte goutte déposer les pagnes ou les coupons de tissu. Les chefs d’atelier que nous avons rapprochés soutiennent que leur service est peu sollicité cette année. « J’avoue que depuis janvier 2012 la clientèle diminue, mais cette année le marché est morose. Je me contente des habits pour enfants et des commandes de quelques jeunes filles », constate Sidiki Konaté, tailleur à Lafiabougou.
Au cours des années d’abondance d’avant 2012 les tailleurs étaient débordés déjà à 20 jours de la fête. La rareté des clientes submerge les ateliers de couture. Cette situation découle de l’érosion brutale du pouvoir d’achat des populations occasionnée par la crise politico sécuritaire de 2012. Ce qui fait qu’en ce moment les préparatifs de fête favorisent plutôt les enfants et les jeunes filles. Le chef d’atelier de couture, Toumani Koné témoigne que son atelier arrive à tirer son épingle du jeu. Dans son grand atelier des tenues neuves pour des filles et des garçons de 12 à 16 ans sont entassées dans les armoires.
Quelques boubous pour dames sont exposés au regard d’éventuelles nouvelles clientes. Plusieurs autres ateliers voisins de celui du chanceux Toumani Koné broient du noir. Chez Dramane Koné, dit Badra à N’Tomikorobougou, les clients se font désirer. En cette période du mois de ramadan, durant les années précédentes, il aurait arrêté d’enregistrer les tissus, pour ne pas être en porte-à-faux avec ses clientes. Mais, cette année, il est obligé d’accueillir les retardataires. A Hamdallaye, le maître tailleur, Amidou Koumaré, indique que la majorité de ses clients qui viennent sont des jeunes. Le professionnel de la couture propose différents modèles. Ici les prix varient entre 5000 Fcfa et 25 000 Fcfa. « Cette année, je suis obligé de plafonner les tarifs. Les prix ne peuvent pas aller au-delà car la clientèle de cette année est très jeune.
Les rares épouses qui franchissent le seuil de l’atelier apportent des tissus légers dont les frais de couture ne dépassent pas 4000 Fcfa », déplore-t-il. Mme Hawa Diarra, est mère de 4 enfants. Le budget de sa famille ne permet pas de faire face à la fois aux dépenses du mois de ramadan et à celles de la fête. La maîtresse de maison avisée s’est fixée des priorités. « Depuis quelques années je ne pense plus à moi lors des fêtes. Mon mari et moi accordons la priorité aux enfants. Ces innocents ignorent que leurs parents se surpassent pour leur faire plaisir », déclare notre interlocutrice. Mme Diarra révèle avoir dépensé plus de 100 000 Fcfa pour rendre beaux ses quatre mioches. L’affluence est également clairsemée chez les tapeurs de Bazin, les « finigossila ».
Ils se frottent d’ordinaire les mains pendant les différentes fêtes religieuses dans notre pays. Mais cette année le revers de la médaille n’est pas doré. Madou Ba évolue dans ce domaine depuis plus de trois décennies. Il n’a jamais vécu un contexte aussi dur que celui de cette année. « Regardez, c’est le désastre autour de vous. On n’a peu de tenues Bazin à taper. En 2011 à une semaine de la fête on ne prenait plus les commandes » confesse-t-il. Le constat est que les préparatifs de la fête vont bon train. Mais l’atmosphère de cette année n’est pas festive à cause de la cherté actuelle de la vie.
M. A. Traoré
LE CASSE-TETE DES ATELIERS DE COUTURE
A quelques jours de la fête de Ramadan communément appeler Sélifitini, partout dans la ville de Bamako, les préparatifs vont bon train. La phase de couture des habits neufs pour celles qui en ont les moyens reste incontournable, mais aléatoire. Elles ne sont pas toutes sûres de porter la robe désirée le jour de la fête. Cette année seul quelques ateliers de la ville de Bamako font face à une affluence. Les femmes mariées, les jeunes filles assiègent en ce moment les maîtres des ciseaux.
La fête de Ramadan dans la compréhension de la majorité d’entr’elles sera incomplète sans une tenue spécialement cousue pour l’occasion. Des élégantes ont déposé leurs coupons de tissu ou les pièces trois pagnes depuis les premiers jours du mois de carême. Les tailleurs gardent le sourire. Ils ont le bon mot pour chacune des clientes. Nous sommes au Banconi dans l’atelier du maître Karim Diarra. Quelques vêtements sont déjà cousus, il y a également quelques commandes en attente. A l’arrivée de notre équipe de reportage Karim était en pleine discussion avec une cliente. Celle- ci exprimait son dépit en ces termes : « je suis là pour récupérer mes habits de fête, mais ils ne sont pas prêts. Je devais les avoir depuis samedi passé et nous sommes mardi.»
En fait Mlle Dabo a déposé son coupon dans la deuxième quinzaine du mois de Ramadan. Le chef de l’atelier Karim explique que les prix de confection des modèles varient selon les capacités financières de la clientèle. Dans un passé récent les «looks» les plus recherchés concernaient les robes en Bazin et les pagnes super Wax. Même si les effets de la crise de 2012 commencent à s’estomper présentement, les élégantes demandent très peu de modèles chers pour la prochaine fête. Cette année « mes amies » ont un intérêt particulier pour les broderies de 4000Fcfa. Seules trois élégantes ont désiré des dessins de 15000 Fcfa.
Le maître des ciseaux indique que la majeure partie de sa clientèle est féminine et que les hommes se font rares à l’approche de la fête. Le fait marquant de ce mois traduit l’impact de la crise sur les budgets des familles. En effet nous avons croisé de nombreuses mères venues chez le couturier pour retirer les tenues de leurs enfants. « Dans les circonstances heureuses ou malheureuses les enfants demeurent des rois. Ils sont nos massakéba» affirme Kadia.
Bintou DIABATÉ
Coiffure : LES BONNES AFFAIRES DES TRESSEUSES
Beaucoup de femmes préfèrent se tresser sous les stands du grand marché de Bamako. C’est connu. Les maliennes ont un goût pour la « sape ». Ce désir est exacerbé à l’occasion des grandes fêtes et des cérémonies sociales (baptême, mariage). La fête de ramadan qui sera célébrée dans quelques jours ne fait pas exception à la règle. Actuellement dans la « Cité des trois caïmans » les salons de coiffure sont pris d’assaut par les élégantes même si la grande affluence n’est plus au rendez-vous comme il y a trois ans. Cette faible clientèle découle des prix élevés des coiffures dans les salons de beauté. Aujourd’hui beaucoup de femmes et de jeunes filles préfèrent aller faire le rang sous les stands de tresse du grand marché de Bamako.
Ces stands peu commodes sont installés devant toutes les boutiques qui vendent des mèches de cheveu artificielles. L’ambiance est tout autre dans ces lieux envahis par des femmes de tous les âges. Nous approchons une jeune fille adossée au mur. Elle se nomme Mina. Elle a les yeux bouffis de sommeil en attendant son tour chez la coiffeuse. Elle est arrivée ici vers trois heures du matin. Décidée à se faire plus belle le jour de la fête, elle a dépensé plus de 8000Fcfa dont 3000Fcfa pour la coiffeuse. Le reste du montant a servi pour acheter les mèches et les accessoires. Il est impensable nous confie la belle Mina, crise ou pas, de fêter en conservant son ancienne coiffure. « C’est le moment idéal pour attirer le regard de nos conjoints et d’être admirées par les autres » dit-elle catégorique. La voisine de Mina s’appelle Oumou. Elle argumente de son côté que se coiffer lors des fêtes pour se faire belle est une obligation pour toutes les femmes.
La coiffeuse, entourée de ses clientes, place son mot dans le débat. Elle estime que beaucoup d’épouses et de jeunes filles viennent au grand marché pour se coiffer, attirées par le prix abordable. Les modèles posés sur les têtes se situent entre 2000 à 4000 Fcfa non compris les mèches et les accessoires contre 8000 à 10 000Fcfa dans les salons de coiffures huppés. Les coiffures prisées en cette période sont les petites têtes réalisées par greffage appelées « Trois boules ». Les coiffures à base des « cheveux lisses » et les coupes longues ou courtes sont aussi à la vogue. A côté des coiffeuses, les artistes qui tressent les fillettes se frottent également les mains. Les enfants raffolent des coiffures africaines ornées de perles brillantes.
Les parents dépensent une fortune : 2000 à 2500 Fcfa selon le modèle. Mais les petites vivent le calvaire. Elles sont obligées d’être sur place depuis 03 ou 04 heures du matin. Aminata Guindo s’occupe spécialement des enfants. Elle peut tresser plus d’une trentaine de fillettes par jour. Les coiffures et les tresses n’occupent pas uniquement les nombreuses propriétaires de stands. Leurs services couvrent aussi les soins de beauté, le tatouage, la pose de faux cils, le dessin des sourcils ou leur épilation. Bref la gamme des maquillages est infinie. L’imagination est au pouvoir sous les stands des coiffeuses du grand marché de Bamako.
M. A. T
***********
Cuisine : LA PREFERENCE AU RIZ
En cette veille de fin du jeûne musulman traditionnel, les femmes ne badinent pas sur l’aspect alimentaire. Dans notre pays, la commémoration de cette fête est synonyme d’observation de plusieurs rituels par les femmes, notamment, la préparation des œuvres de charité. Les familles aisées donnent à manger à ceux qui sont défavorisés. Par ailleurs, les maîtresses de maison ne lésinent pas sur les moyens pour offrir des plats copieux à la famille paternelle ou à des amis.
Plusieurs femmes préparent le jour de la « petite fête » du riz à la sauce tomate. Est-ce une tradition ? Mme Traoré Fanta répond par la négative. La sauce tomate par ce qu’elle a plus de goût que les autres recettes, elle est aussi très facile à préparer. Pourquoi le riz prévaut comme base de repas de fête à la fin du carême ? La maîtresse de maison Mme Traoré Fanta soutient que cet ingrédient s’impose parce que personne ne sait à l’avance avec exactitude le jour de la fête du ramadan. Les femmes préfèrent le riz au fonio à l’occasion de l’Aîd-el-fitr. Cette céréale est servie comme plat principal pendant la fête de Tabaski. La raison ? « C’est une question de bon sens, car la cuisson du fonio prend du temps. Pour être dans le temps il faut commencer le travail 24 heures plus tôt. Cette liberté n’existe pas pour la fête de ramadan » explique-t-elle. En la matière que conseille la religion ? En bonne croyante notre interlocutrice indique que rien n’est imposé.
L’épouse agit à sa guise pour que son foyer mange convenablement et à sa faim. Il existe des traditions dans certaines maisons, comme manger de la pintade après la prière du matin. Mais c’est juste une question d’habitude que de religion selon Mme Traoré. Elle rappelle que pendant ses années de jeunesse, sa mère préparait à côté du plat du jour de la fête, une grande calebasse de dèguè de maïs (granulés de maïs abondamment arrosés de lait). Depuis qu’elle a fondé sa propre famille Mme Traoré n’a pas dérogé à cette règle léguée par sa génitrice. « Tout invité qui fête pour la première fois chez elle comprendra que ce rite est peut -être une exigence. » se rengorge l’heureuse Mme Traoré.