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Me Mountaga Tall: la dangereuse requête
Publié le lundi 24 fevrier 2020  |  Info Matin
Atelier
© aBamako.com par momo
Atelier de validation du projet de Politique Nationale de la Science, de la Technologie et de l’Innovation
Bamako , le 10 novembre 2015 le ministre de l’Enseignement Supérieur Me Mountaga Tall a présidé l’ Atelier de validation du projet de Politique Nationale de la Science, de la Technologie et de l’Innovation au Radisson Blu
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Les arguties du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation (tout le monde y est, personne ne s’y était opposé) ne passent pas comme lettre à la poste. Pendant que le front du Mouvement démocratique populaire continue de maintenir la pression et l’agitation dans la rue et sur les réseaux sociaux pour demander le report du scrutin, le Congrès national d’initiative populaire (CNID Foso Yiriwa Ton), a décidé, lui, de porter la contradiction sur le terrain judiciaire. Le Parti de Me Mountaga TALL a, dans ce cadre, déposé ce vendredi 21 février devant la Cour Constitutionnelle un recours en annulation des élections législatives prévues le 29 mars pour le premier tour. Tout le monde y est, mais tout reste à jouer… dans un match de pré-qualification. Or, devant Manassa, rien n’est joué et gagné d’avance.

Pour embêter le Gouvernement, l’éminent avocat qui a basculé dans l’Opposition depuis 2016, ne manque pas d’argumentation juridique. Il fait sortir de sa manche d’avocat opposant deux argumentaires imparables : les législatives doivent se faire dans toutes les circonscriptions électorales, d’une part, et, d’autre part, la loi ne prévoit pas de législatives en pièces détachées.

Législatives partout sans exclusive

Pour Me Mountaga TALL, le Décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée nationale viole les dispositions des articles 86 et 158 nouveaux de la Loi N° 2016- 048 du 17 octobre 2016 portant Loi Electorale en République du Mali.

La loi N° 2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi Electorale en République du Mali dispose en son article 86 nouveau que ‘’les électeurs sont convoqués et la date du scrutin est fixée par décret pris en Conseil des ministres et publié au journal officiel soixante (60) jours au moins avant la date des élections.

En cas de nécessité, il peut être procédé à la convocation des collèges électoraux à des dates différentes pour les élections communales. Dans ce cas, les élections se dérouleront le même jour au niveau de l’ensemble des communes comprises dans une ou plusieurs régions’’.

‘’Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables en cas de risque majeur de remise en cause de l’intégrité territoriale, de l’unité nationale et de la souveraineté de l’Etat.’’

Selon Me TALL, en application de ce texte, l’article 1er du Décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection des DÉPUTÉS à l’Assemblée nationale stipule : ‘’le collège électoral est convoqué le dimanche 29 mars 2020 sur toute l’étendue du territoire national, à l’effet de procéder à l’élection des Députés à l’Assemblée nationale. Un second tour de scrutin a lieu le dimanche 19 avril 2020 dans les circonscriptions où aucun candidat ou liste de candidats n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour’’.

Mais qu’en vérité, avance-t-il comme argument, l’élection des députés ne concerne pas toutes les circonscriptions électorales, certains cercles dûment créés par la loi, qui constituent aussi des circonscriptions électorales sont exclus de ce scrutin.

En effet aux termes de l’article 158 nouveau de la loi N° 2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi Electorale du Mali : ‘’pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, les circonscriptions électorales sont constituées par les cercles et les communes du District de Bamako.’’

Me TALL ajoute que l’article 159 alinéa 1er (Modification de la Loi n°2011-085/ du 30 décembre 2011) précise : ‘’les députés à l’Assemblée nationale sont élus au scrutin majoritaire à deux (2) tours dans les cercles et les communes du District de Bamako’’.

L’article 166 stipule : ‘’la durée du mandat de député est de cinq (5) ans.

L’Assemblée Nationale se renouvelle intégralement à l’expiration de son mandat. Les députés sortants sont rééligibles.’’

Selon l’éminent avocat, aux termes de l’article 1er de la Loi N°2012-017 du 02 mars 2012 portant création de circonscriptions administratives en République du Mali ‘’la République du Mali comprend le district de Bamako et les dix-neuf (19) régions suivantes : Région de Kayes, Région de Koulikoro, Région de Sikasso, Région de Sikasso, Région de Ségou, Région de Mopti, Région de Tombouctou, Région de Gao, Région de Kidal, Région de Taoudénit, Région de Menaka, Région de Nioro, Région de Kita, Région de Dioila, Région de Nara, Région de Bougouni, Région de Koutiala, Région de San, Région de Douentza, Région de Bandiagara’’.

Pas de législatives en pièces détachées

Pour lui, plaidant pour son parti, la mise en œuvre de la nouvelle législation, la loi N°2012-018 du 02 mars 2012 portant création de cercles et arrondissements des régions de Tombouctou, Taoudénit, Gao, Menaka et Kidal a procédé aux créations des nouveaux cercles suivants :

-Achibogho (Région de Kidal).

-Taoudénit, Foum-Elba, Achouratt, Al-Ourche, Araouane et Boû-Djébéha (Région de Taoudénit) ;

– Almoustrat (Région de Gao) ;

– Anderamboukane, Inékar et Tidermène (Région de Ménaka)

Aussi, pour le Chef parti endossant sa robe pour la cause, le nombre de cercles est passé de 49 à 60, celui des circonscriptions électorales de 55 à 66 et des députés de 147 à 158. Donc l’élection législative du 29 mars 2020 exclut les 11 députés de ces 11 nouveaux cercles qui ont été créés dans des régions déjà opérationnelles au même titre que les autres régions en violation flagrante des dispositions pertinentes ci-dessus rappelées.

Pour Me TALL cette exclusion constitue une violation manifeste et incontestable des textes en vigueur en ce qu’il n’est possible, en aucun cas, d’organiser l’élection législative de façon séquentielle c’est-à-dire (en pièces détachées) dans certaines circonscriptions tout en omettant certaines autres.

Pour l’opposant aguerri, même les impératifs de ‘’remise en cause de l’intégrité territoriale, de l’unité nationale et de la souveraineté de l’Etat’’ ne sauraient justifier des ‘’élections législatives à la carte’’ qui ne sont autorisées que pour les élections communales.

Idem pour la force majeure qui suppose entre autres un élément imprévisible. Toutes choses qui ne sauraient être évoquée dès lors que c’est en toute connaissance de cause que les cercles et députés cités ont été exclus de l’élection projetée.

En clair plaide Me TALL, selon la Loi, l’élection législative se tient simultanément sur l’ensemble du territoire national, dans toutes les circonscriptions électorales ou ne se tient pas.

C’est pourquoi, son parti le Congrès d’initiative démocratique (CNID-FYT) demande à la Cour Constitutionnelle d’annuler purement et simplement l’élection législative prévue par le Décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale a l’occasion de l’élection des DÉPUTÉS à l’Assemblée nationale.

Requête vicieuse et dangereuse

Derrière la brillante plaidoirie, se cache un piège juridico-politique. D’où toute la dangerosité politique de cette requête. En effet, en accédant à la demande de Me TALL, la Cour constitutionnelle donne un coup d’arrêt au processus électoral. L’arrêt de la haute Cour outre qu’il entrera en conflit avec la volonté d’une large frange de la population exprimée lors du Dialogue politique national (DNI), pourrait ouvrir aussi une impasse institutionnelle. Parce que faute de pouvoir faire les législatives, le Président sera obligé de gouverner par ordonnance avec toutes les conséquences politiques que cela peut comporter.

Mais, s’il est du rôle de la Cour de réguler le fonctionnement des institutions, l’apaisement du jeu politique et les rééquilibrages politiques et sociaux échappent à sa compétence. Et ce ne serait pas une première que la Cour constitutionnelle du Mali annule une élection ou retoque un décret ou une loi organique, bref bloque le régime dans un élan anticonstitutionnelle.

Si, dans cette hypothèse, la Cour constitutionnelle n’accède pas à la requête de Me TALL, sa jurisprudence aura pour conséquence d’ouvrir une brèche dans l’intégrité du territoire. Parce que celle-ci se définira désormais en application stricte de l’article 1er de la Loi N°2012-017 du 02 mars 2012 portant création de circonscriptions administratives en République du Mali comme uniquement en fonction des circonscriptions concernées par ces législatives. En d’autres termes, les autres circonscriptions peuvent être considérées comme ne faisant pas parties au Mali.

Affaire à suivre donc.

Par Sikou BAH
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