Madame et messieurs les Conseillers composant la Cour constitutionnelle du Mali
Le Congrès National d’lnitiative Démocratique – Faso Yiriwa Ton (CNID – FYT), parti politique légalement constitué et dûment enregistré, ayant son siège à Bamako, 300 Logements Porte 192, Rue non codifiée dit du Commissariat de police du 4ème arrondissement agissant par son président Maître Mountaga TALL, Avocat à la Cour, né le 10 décembre 1956 à Ségou (Mali),
A L’HONNEUR DE VOUS SAISIR D’UN RECOURS AUX FINS D’ANNULATION DE L’ELECTION LEGISLATIVE DU 29 MARS 2020 ET DU DÉCRET N°2020-0010/P-RM DU 22 JANVIER 2020 PORTANT CONVOCATION DU COLLÈGE ÉLECTORAL, OUVERTURE ET CLÔTURE DE LA CAMPAGNE ÉLECTORALE A L’OCCASION DE L’ÉLECTION DES DÉPUTÉS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE POUR LES MOTIFS Cl APRES EXPOSÉS :
I- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROCÉDURE :
– Attendu qu’aux termes de l’article 111 de la loi N°2016-046 du 23 Septembre 2016 portant Loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle : « La Section Administrative est compétente pour connaître en premier et dernier ressorts :
– des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décrets, arrêtés ministériels ou interministériels et les actes des autorités administratives nationales ou indépendantes » ;
– Qu’à ce titre la Section administrative de la Cour Suprême est juge de droit commun des recours dirigés contre un décret, qu’il soit règlement autonome ou d’application de la loi, règlementaire ou individuel en ce qu’il demeure un acte administratif ;
– Mais attendu que toute règle de droit comporte des exceptions ;
– Qu’en l’occurrence, selon la jurisprudence de la Section Administrative de la Cour suprême et celle de la Cour Constitutionnelle les recours dirigés contre un décret de convocation du collège électoral dérogent aux dispositions de l’article 111 de la loi du 23 Septembre 2016 précité et relèvent de la compétence exclusive de la juridiction constitutionnelle ;
– Attendu en effet que par Arrêt N°1 du 27 Février 1992, la Section Administrative de la Cour Suprême a déclaré le recours du sieur Ibrahima DIAKITE, Inspecteur des Finances et Candidat à l’élection présidentielle de 1992 contre le décret N°91-438/P-CTSP du 05 Décembre 1991 irrecevable comme étant dirigé contre un acte de gouvernement ;
– Attendu qu’en revanche, lorsqu’à la fin de son premier quinquennat, le Premier Président de la 3e République statuant en Conseil des Ministres, a par décret N°97-152 du 25 Avril 1997 modifiant le décret n°97-019/P-RM du 17 Janvier 1997, convoqué le collège électoral pour les 11 et 25 Mai 1997 en vue de l’élection du Président de la République, un groupe de 10 candidats, tirant les enseignements de l’arrêt suscité, a attaqué ledit décret devant la Cour Constitutionnelle pour violation de la Constitution et de la Loi électorale ;
– Que par Arrêt N°CC-EP 97-047 du 8 Mai 1997, la Cour Constitutionnelle a « déclaré les requêtes recevables » apprécié la légalité du décret déféré, puis a rejeté les recours comme étant mal fondés ;
-Attendu que dès lors, on peut conclure :
• qu’un décret de convocation du collège électoral pour l’élection du Président de la République ou des Députés, du fait qu’il manifeste plutôt la gestion politique de l’Etat que sa gestion administrative, tel que rappelé par la Section Administrative de la Cour Suprême, échappe à la compétence de cette juridiction ;
• mais que le juge constitutionnel se reconnaît compétent en la matière, en raison de ce que tout le contentieux de l’élection du Président de la République ou des Députés.
Il-SUR LE FOND
– Attendu que le Décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée nationale viole les dispositions des articles 86 et 158 nouveaux de la Loi N° 2016- 048 du 17 octobre 2016 portant Loi Electorale en République du Mali ;
– Attendu en effet que la Loi N° 2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi Electorale en République du Mali dispose en son article 86 nouveau que « Les électeurs sont convoqués et la date du scrutin est fixée par décret pris en Conseil des ministres et publié au journal officiel soixante (60) jours au moins avant la date des élections.
En cas de nécessité, il peut être procédé à la convocation des collèges électoraux à des dates différentes pour les élections communales. Dans ce cas, les élections se dérouleront le même jour au niveau de l’ensemble des communes comprises dans une ou plusieurs régions. »
Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables en cas de risque majeur de remise en cause de l’intégrité territoriale, de l’unité nationale et de la souveraineté de l’Etat. »
– Attendu qu’en application de ce texte l’article 1er du Décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale a l’occasion de l’élection des DÉPUTÉS à l’Assemblée nationale stipule « Le collège électoral est convoqué le dimanche 29 mars 2020 sur toute l’étendue du territoire national, à l’effet de procéder à l’élection des Députés à l’Assemblée nationale. Un second tour de scrutin a lieu le dimanche 19 avril 2020 dans les circonscriptions où aucun candidat ou liste de candidats n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour. »
– Mais attendu qu’en vérité, l’élection des députés ne concerne pas toutes les circonscriptions électorales, certains cercles dûment crées par la loi, qui constituent aussi des circonscriptions électorales en étant exclus ;
– Attendu en effet qu’aux termes de l’article 158 nouveau de la Loi N° 2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi Electorale du Mali : « Pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale,
les circonscriptions électorales sont constituées par les cercles et les communes du District
de Bamako. »
– Que l’article 159 alinéa 1er (Modification de la Loi n°2011-085/ du 30 décembre 2011) précise que :
« Les députés à l’Assemblée nationale sont élus au scrutin majoritaire à deux (2) tours dans les cercles et les communes du District de Bamako. »
– Qu’enfin l’article 166 stipule que « La durée du mandat de député est de cinq (5) ans.
L’Assemblée Nationale se renouvelle intégralement à l’expiration de son mandat. Les députés sortants sont rééligibles. »
– Attendu qu’aux termes de l’article 1er de la Loi N°2012-017 du 02 mars 2012 portant création de circonscriptions administratives en République du Mali « La République du Mali comprend le district de Bamako et les dix-neuf (19) régions suivantes : Région de Kayes, Région de Koulikoro, Région de Sikasso, Région de Sikasso, Région de Ségou, Région de Mopti, Région de Tombouctou, Région de Gao, Région de Kidal, Région de Taoudénit, Région de Menaka, Région de Nioro, Région de Kita, Région de Dioila, Région de Nara, Région de Bougouni, Région de Koutiala, Région de San, Région de Douentza, Région de Bandiagara. »
– Attendu que pour la mise en oeuvre de la nouvelle législation, la Loi N°2012-018 du 02 mars 2012 portant création de cercles et arrondissements des régions de Tombouctou, Taoudénit, Gao, Menaka et Kidal a procédé aux créations des nouveaux cercles suivants :
– Achibogho (Région de Kidal).
– Taoudénit, Foum-Elba, Achouratt, Al-Ourche, Araouane et Boû-Djébéha (Région de Taoudénit) ;
– Almoustrat (Région de Gao) ;
– Anderamboukane, Inékar et Tidermène (Région de Ménaka)
– Qu’ainsi le nombre de cercles est passé de 49 à 60, celui des circonscriptions électorales de 55 à 66 et des députés de 147 à 158 ;
– Attendu que l’élection législative du 29 mars 2020 exclut ces 11 nouveaux députés et cercles qui ont été créés dans des régions déjà opérationnelles au même titre que les autres régions en violation flagrante des dispositions pertinentes ci-dessus rappelées ;
– Attendu que cette exclusion constitue une violation manifeste et incontestable des textes en vigueur en ce qu’il n’est possible, en aucun cas, d’organiser l’élection législative de façon séquentielle c’est-à-dire dans certaines circonscriptions tout en omettant certaines autres ;
– Que même les impératifs de « remise en cause de l’intégrité territoriale, de l’unité nationale et de la souveraineté de l’Etat » ne sauraient, selon la Loi, justifier des « élections législatives à la carte » qui ne sont autorisées que pour les élections communales ;
– Que de la même façon, la force majeure qui suppose entre autres un élément imprévisible ne saurait être évoquée dès lors que c’est en toute connaissance de cause que les cercles et députés cités ont été exclus de l’élection projetée ;
– Attendu en clair que selon la Loi, l’élection législative se tient simultanément sur l’ensemble du territoire national, dans toutes les circonscriptions électorales ou ne se tient pas ;
– Attendu qu’il échet en conséquence d’annuler purement et simplement l’élection législative prévue par le Décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale a l’occasion de l’élection des DÉPUTÉS à l’Assemblée nationale.