Le mardi 11 février dernier, le soulagement des amis du maire de Bamako n’aura été
finalement que de courte durée. En ef et, à peine la Chambre d’accusation a rendu son
arrêt de mise en liberté d’Adama Sangaré, que la nouvelle d’un recours du parquet
général fit le tour de la ville. Les vrais raisons d’un coup de théâtre judiciaire !
Lorsqu’à 10 heures sonnantes, les trois magistrats de la haute juridiction font leur entrée dans la salle, les
conseils d’Adama Sangaré et le petit nombre d’amis du maire qui ont tenu à faire le déplacement
retiennent leur souffle. Le soulagement est visible dans l’assistance quand le Président annonce la
décision de la Chambre de remettre l’édile de Bamako en liberté, sous condition de paiement d’une
caution de 120 millions de francs CFA. Rappelons que l’intéressé est sous le coup d’un mandat de dépôt
délivré contre lui par le juge d’instruction du 9
ème cabinet d’instruction du Pôle économique et financier
de Bamako. La Chambre vidait ainsi son délibéré, après avoir entendu les parties lors d’une précédente
audience, sur l’appel interjeté par le parquet contre l’ordonnance de mise en liberté rendue le 22 janvier
par le juge d’instruction en charge du dossier en faveur du prévenu. Le soulagement des amis de l’édile de
Bamako n’aura été finalement que de courte durée puisqu’au cours de la journée, la nouvelle d’un recours
du parquet général contre l’arrêt de remise en liberté rendu par la Chambre d’accusation fit le tour de la
ville. Comme une trainée de poudre, elle se propageait dans toute la capitale, provoquant le désarroi chez
les partisans du maire et un contentement non feint chez ses contempteurs.
Retour sur une journée mouvementée
Ce développement inattendu du dossier Adama Sangaré mettait brutalement ainsi fin à une séquence
judiciaire et émotionnelle qui avait occasionné beaucoup d’espoir au sein de la défense du prévenu.
Véritable coup de théâtre judiciaire, au regard du profil bas adopté par le parquet général toute la journée
du 11 février, il fut perçu par beaucoup de personnes comme un coup de poignard donné à sa défense.
Ce mardi 11 n’aura pas été de tout repos tant pour les conseils du prévenu Adama Sangaré qui, après
avoir plaidé le recours exercé par leur client contre la décision prise par le juge d’instruction en charge du
dossier de s’en dessaisir en se déclarant incompétent, se précipitèrent au parquet général pour obtenir
l’ordre d’extraction, en exécution de l’arrêt de la Chambre d’accusation. Ils feront le pied de grue toute la
journée, avant d’apprendre que le fameux sésame ne sera pas obtenu. Le parquet général, après avoir
laissé planer le doute sur ses intentions, avait en effet finalement décidé de se pourvoir en cassation
contre la décision de remise en liberté prise en faveur du prévenu dans la matinée. Et malgré le fait que la
haute juridiction avait assorti sa détention du paiement préalable par le prévenu de la somme de 120
millions de francs à titre de caution…
Coup de théâtre, coup de massue !
Ce développement inattendu, qui a été vécu comme un véritable coup de théâtre par la défense, fit
également l’effet d’un coup de massue sur la tête des proches du maire mobilisés pour sa cause.
Le profil bas adopté tout au long de cette journée du mardi 11 février, qui pouvait ressembler à du
détachement vis à vis de l’affaire, avaient laissé croire à beaucoup que le Ministère public ne s’opposerai
pas à l’exécution de l’arrêt rendu au profit du prévenu par la juridiction d’instruction du second degré
qu’est la Chambre d’accusation en matière de détention préventive.
Les effets du pourvoi du parquet général
Aux termes de l’article 505 du Code de procédure pénale malien, le recours exercé par le parquet général
contre un arrêt rendu par la Chambre d’accusation suspend l’exécution dudit arrêt. En clair, Adama
Sangaré restera en détention jusqu’à l’examen par la Chambre criminelle de la Cour suprême du pourvoi
formé par le parquet général. Cet effet suspensif s’attache par ailleurs aux recours en appel exercé par les
parquets d’instance contre les ordonnances rendues par les magistrats instructeurs. Comme ce fut
précisément le cas lorsque le parquet de la Commune III a relevé appel de l’ordonnance de mise en
liberté prise en faveur du prévenu Adama Sangaré par le juge d’instruction du 9
ème cabinet. Le maintien
en détention de l’intéressé, en dépit de cette décision du magistrat instructeur, s’explique par cet effet
suspensif des recours exercés par le parquet en matière de détention, et plus généralement en matière de
liberté.
Les vraies raisons du maintien en détention du maire de Bamako
La question que soulève le nouvel épisode des poursuites lancées par les autorités judiciaires ne relève
que peu des préoccupations de légalité ou de justice. En effet, si nul ne conteste le droit du parquet
général d’exercer un recours lorsqu’il l’estime nécessaire, dans le cas d’espèce, plusieurs raisons
militaient en faveur d’une attitude de souplesse de sa part. Primo, le statut du maire de Bamako, le fait
qu’il a toujours déféré par le passé à toutes les réquisitions de la Justice auraient dû inciter le ministère à
plus de compréhension à son égard.
Qui peut croire à l’hypothèse hautement improbable de l’homme politique ? Secundo, la très forte caution
fixée par la Chambre d’accusation était de nature à donner au parquet général un gage suffisant de
remboursement des sommes dont le détournement est reproché à Adama Sangaré. Au regard de ce qui
précède, le pourvoi formé contre l’arrêt de la Chambre d’accusation ne peut relever que d’une logique
étrangère aux préoccupations de respect du droit et de la justice. Il est hautement probable que l’auteur
du pourvoi a agi sur instruction de la Chancellerie. Ce qui démontre, s’il en était besoin, le caractère
éminemment politique que revêt, depuis son origine, l’affaire ministère public contre Adama Sangaré et
autres.