C'est la question que se pose le personnel de la société. Les agents ont invité la presse ce mercredi pour attirer l'attention de l'opinion sur une "privatisation en catimini"
Depuis les années 90, pendant la vague de privatisation des sociétés d’État, il a été question de privatiser les aéroports du Mali. Pour rappel, le pays en compte 6, dont le principal est celui de Bamako-Sénou. "Lors de l'adhésion du Mali à Air Afrique, on avait parlé de privatisation, explique Malick Sy, secrétaire général de la section syndicale de l'Aéroport. Après, on a arrêté d'en parler jusqu'en 2002, où un groupe turc a gagné le marché de concession. Les acquéreurs n'ont même pas pu réunir la caution de garantie, et c'est de nouveau tomber à l'eau".
Le processus reprendra en 2008 avec l'attribution à une société canadienne SNC Lavalin. Nouveau problème. Une autre société soumissionnaire conteste la procédure d'attribution de ce marché et dépose plainte. Plainte qui aboutit à une décision de la Cour Suprême portant annulation dudit marché. La société française qui a déposé plainte se retrouve aujourd'hui adjudicataire de fait, alors qu'un nouvel appel d'offres devait être lancé, s'indignent les syndicalistes.
Une négociation "en catimini"
Pour les agents de la société des Aéroports du Mali (ADM), il est inconcevable qu'on veille donner la société à un privé. Selon Cheick Oumar Tall, syndicaliste, "personne ne connait les termes de la négociation en cours entre le ministère de l'équipement et des transports et la société Egis Projects à qui ils ont donné le marché. C'est une négociation en catimini et nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont les choses se passent". D'autant plus que, toujours selon les conférenciers, rien ne vient justifier la cession de l'aéroport de Bamako-Sénou, seul concerné par cette mesure. La structure aurait depuis cinq ans, connu une progression de son chiffre d'affaires de près de 87%, passant d'un peu plus de 4.600.000.000 en 2007 à 8.622.000.000 en 2011. Même la crise de 2012 et la cessation d'activités de nombreuses compagnies au Mali n'a pas beaucoup affecté ce rendement. Alors pourquoi procéder à une mise en concession de la "seule société publique encore viable et fiable" s'interroge Malick Sy.
Cette question a d'ailleurs été posée directement au ministre de l'équipement et des transports que les syndicalistes ont rencontré ce mardi 06 août. Les syndicalistes lui ont produit un courrier signé de sa main, demandant à l'opérateur français de "confirmer son arrivée [...] en vue de la reprise de nos activités". Un document signé du 18 juillet 2013 et dans lequel le ministre estime que "la situation actuelle est favorable à la reprise du processus de mise en concession de l'Aéroport Bamako-Sénou". Abdoulaye Koumaré, qui avait auparavant assurer que jamais concession ne se ferait sous sa direction, appelle désormais les agents de l'aéroport à se "préparer à l'inéluctable".
Plus de 150 emplois menacés
"Il nous a expliqué que nous devions nous préparer parce que le processus en en cours". Or, affirment les syndicalistes, cette concession ne sera d'aucune utilité pour le Mali. Pire, ce sera à perte pour l’État, puisque De plus, la société ADM paie aujourd'hui à l’État, des impôts qui couvriraient amplement le montant de la concession sur la même période. "C'est aberrant, de mettre en danger nos emplois, nos familles et la souveraineté du Mali sur des infrastructures aussi stratégiques que des aéroports pour des montants aussi insignifiants".
"Nous nous battrons de toutes nos forces et par toutes les voies légales pour empêcher que des intérêts personnels prennent le pas sur le bien commun", affirment encore les agents. Le cahier de charges de la société française en négociation avec l’État stipule que 60% des 239 agents de la société seront mis au chômage dès la première année d'exploitation. "Nous demandons aux décideurs politiques d'être vigilants. Ils ne doivent pas se précipiter pour gérer cette affaire et être à l'écoute de la famille ADM", concluera le SG Malick Sy.