Invité par une commission du sénat français à s’exprimer sur la situation sécuritaire au Mali et la présence des troupes françaises dans le pays, Toumani Djim Diallo, l’ambassadeur du Mali en France, a tenu devant ses interlocuteurs ce mercredi 26 février 2020 des propos très peu diplomatiques.
A l’entendre, les troupes françaises, et notamment les éléments de la légion étrangère, auraient au Mali des comportements peu orthodoxes, véhiculant de l’armée française une image peu reluisante. Ces propos, tenus devant des parlementaires habitués à des interventions plus conventionnelles de diplomates étrangers ont, c’est le moins qu’on puisse dire, choqué et consterné. La répĺique, immédiate du sénateur qui présidait la séance d’écoute, traduit éloquemment l’agacement et l’incompréhension. Il reproche ouvertement au diplomate malien d’avoir exprimé ses critiques à l’encontre des forces d’intervention françaises présentes au Mali dans un cadre, en l’occurrence une écoute parlementaire, qui ne permet pas d’assurer la confidentialité des propos tenus.
Propos infondés
En outre, le contradicteur de Toumani Djimé Diallo lui fait grief de n’avoir pas utilisé, alors qu’il en avait la possibilité, les canaux diplomatiques habituels, pour informer les autorités françaises des faits dénoncés devant le sénat.
Le clash est inévitable. Il est d’autant plus inévitable que les sénateurs ont, à l’évidence mal pris certains mots prononcés, par maladresse sans doute, par l’ambassadeur. Qui s’est défini devant ses interlocuteurs comme un homme “franc”, tenant en horreur la “langue de bois”. Ces déclarations, d’une extrême témérité si l’on tient compte du contexte de l’audition, ont été très mal accueillies dans une ambiance devenue subitement glaciale. Elles ont été d’autant plus mal accueillies que les faits dénoncés sont, aux yeux des parlementaires, peu étayés et mal documentés.
Riposte immédiate et courroucée des sénateurs
Du côté des autorités françaises, la riposte est énergique et multiforme : Toumani Djimé Diallo est convoqué dès le lendemain au quai d’Orsay, et son rappel est sollicité du gouvernement malien. Son rapatriement sur Bamako est effectif dès vendredi, c’est à dire dès le lendemain de son entretien avec les autorités du ministère des affaires étrangères… Du côté du gouvernement malien, l’on s’active à éteindre le feu (involontairement allumé ?) par monsieur Toumani Djimé Diallo. Ainsi, Tiébilé Dramé, Ministre des affaires étrangères, s’envole le même vendredi pour Paris, pour colmater les brèches et tenter de recoller les morceaux.
Provocation délibérée ou simple dérapage
Si la mission de représentation confiée à l’actuel ambassadeur du Mali paraît définitivement compromise, le flou demeure total quant aux raisons pour lesquelles le diplomate a tenu des propos si polémiques devant les sénateurs français. A Bamako, les opinions sont partagées. Pour les uns, les propos de Toumani Djimé Diallo procèdent d’une double méprise: sur la nature exacte de la légion étrangère et sur l’attachement des Français à leur armée en général. En effet, le diplomate confond, selon toute probabilité, légion étrangère à une force formée de mercenaires. D’ou l’aversion que lui inspire cette force. La seconde méprise de l’ambassadeur est d’avoir sous-estimé le lien affectif de ses interlocuteurs du sénat. Beaucoup d’entre eux sont en effet passés par la Légion étrangère pendant leur service militaire et considèrent comme totalement infondées les critiques portées contre ce corps.
Pour les autres, l’incident crée au sénat français n’a rien de fortuit. Il procéderait d’un calcul politique. Cette thèse part d’un double constat: le diplomate malien était très bien placé pour savoir que tout ce qui pourrait alimenter le sentiment anti – français serait très mal vécu par les autorités françaises. En se faisant le porte-parole des thèmes défendus par les opposants à l’intervention française au Mali, Toumani Djimé Diallo savait exactement à quoi s’en tenir. Le second constat sur lequel les tenants de la thèse de la provocation s’appuient est le suivant: le poste de secrétaire général de la présidence malienne est vacant depuis quelques semaines.