PolitiqueMahmoud Dicko, un rempart contre les mensonges du pouvoir ? Une seule certitude : il sort encore plus fort avec sa convocation avortée d’hier !
Quelle mouche a donc piqué le gouvernement du Mali de vouloir convoquer l’imam Mahmoud Dicko, via le Tribunal de Grande Instance de la Commune V ? La question mérite d’être posée, car la République a frôlé le pire hier dans les environs de 11 heures à midi, les partisans de l’imam ayant pris d’assaut le tribunal en question… Pris de panique, le gouvernement annule la procédure, et l’imam rentre chez-lui très tranquillement et tout adoubé qu’il est désormais, à cause de cet incident qui n’aurait jamais dû se produire ! Cette convocation ratée avait-elle un lien avec les propos tenus par l’homme de Dieu le samedi dernier ? Quelles en sont les conséquences ? Décryptage !
Le week-end dernier a été en effet très chaud au Palais de la Culture ! La raison : l’Imam Mahmoud Dicko, ex-président du Haut Conseil Islamique du Mali, et personnalité très influente et très respectée des maliens pour ses qualités véridiques et son attachement à la justice y tenait meeting. Grève des enseignants, crise sécuritaire, dossier des faux blindés, mensonges du régime…Tout a été passé en revu par cet homme qui, dans l’esprit des Maliens, transcende la démagogie du régime IBK
Ce jour, il a tout déballé : « Chers musulmans, j’ai promis de parler. Alors, je parlerai… Le moment est enfin venu que les Maliens brisent la chaîne de la soumission et de la résignation. Nous sommes un peuple de la résistance, un peuple debout. Il est grand temps de mettre fin à la tergiversation et au tâtonnement. Il faut nécessairement que le peuple malien prenne son destin en main… Le changement ne doit être ni un slogan creux ni des promesses non tenues », dira-t-il, non pas sans pointer du doigt dans la malhonnêteté des hommes politiques maliens, champions dans des alliances contre-natures, et plus soucieux des intérêts de leur ventre que de ceux du Mali.
Concernant la crise scolaire, Mahmoud Dicko, tout en reconnaissant le bien-fondé de leur revendication, a appelé les enseignants à reprendre le chemin de l’école pour l’intérêt des élèves et du Mali. « Le peuple souverain du Mali se portera garant pour que vous soyez mis dans vos droits », a-t-il promis. Et pour balayer d’un revers de main les arguments du gouvernement portant sur l’incidence financière de la doléance des enseignants qui serait « insupportable » par l’Etat, l’Imam Dicko propose la suppression de certaines institutions budgétivores qui n’apportent, selon lui, rien dans l’amélioration de la gouvernance.
Il s’agit notamment du Conseil Economique, Social et Culturel ; du Haut Conseil des Collectivités ; de la Haute Cour de Justice… Les budgets alloués à ces institutions budgétaires seront alors dévolus aux secteurs prioritaires, comme la défense, la santé et l’éducation. Mieux, il propose que les budgets de la Présidence de la République et de l’Assemblée Nationale soient réduits de moitié !
Un autre sujet qui fâche Dicko concerne l’affaire dite des faux blindés. Là-dessus, il a été très clair : Tout ce qui arrive au Mali résulte de la mauvaise gouvernance. La corruption est érigée en système de façon à démotiver de nombreux citoyens, y compris des militaires au front. Et de lancer un ultimatum au gouvernement… En effet, il donne jusqu’au vendredi 6 mars au régime en place pour un changement de cap dans la gestion des affaires publiques. A défaut, il appelle à une grande mobilisation populaire, de Kayes à Kidal, afin que les Maliens prennent leur destin en main !
L’arme secrète de l’imam Dicko contre le régime IBK
Beaucoup de nos compatriotes s’interrogent sur le secret de la popularité de l’imam Mahmoud Dicko au Mali. Sans avoir la prétention de connaitre ce secret, nous avons tenté, ici à « Le Pays », de développer une thèse qui, à défaut de pouvoir tout expliquer, en donne un aperçu très clair. Nous pensons que l’imam Dicko tire en grande partie sa popularité des failles, des incongruités et des contradictions du régime IBK.
Certes, Mahmoud Dicko était déjà populaire avant l’accession de son ami IBK au pouvoir, mais c’est sous le règne de celui-ci qu’il est devenu incontournable tant dans la sphère politique que sur le terrain de la religion. Il aura ainsi, durant ces six dernières années, pris tout son temps à étudier ce régime qui dit « thiou » aujourd’hui et « thia » le jour suivant. Il aura surtout beaucoup appris du Président IBK qui, en 2013, avait réussi, comme par magie, à toucher du doigt la corde sensible des maliens à travers un discours « populiste » qui lui permis de faire un score jamais égalé au Mali à l’issue d’une élection véritablement démocratique, avec plus de 77% de voix du suffrage des électeurs !
Auréolé de cette victoire combinée à un discours portant essentiellement sur ce que les maliens voulaient entendre, IBK tout au long des premiers mois de son premier mandat, en tout cas jusqu’au lendemain de la visite de Moussa Mara à Kidal, où il brisa le contrat qui le liait à son peuple en acceptant de négocier avec des « bandits armés », l’expression est de lui-même, était en parfaite symbiose avec ses concitoyens ! Mais d’erreurs en erreurs, de scandales en scandales et de promesses non tenues, tout le capital de sympathie qu’il jouissait auprès de son peuple s’est évaporé peu à peu, surtout avec l’immixtion de la famille dans les affaires de l’Etat !
De ces discours subversifs du Président IBK jamais suivis d’effets escomptés par le peuple malien, Mahmoud Dicko va profiter pour construire un discours cohérent, avec en toile de fond et pour charpentes, les attentes et les préoccupations les plus légitimes et les plus profondes des maliens, pour réduire le régime en sa plus simple expression. Et les faits au quotidien viennent constamment conforter le puissant imam dans ses convictions, lesquelles, pour le moment, restent inconnues !
La grande gaffe d’hier du gouvernement rentre dans ce cadre. En effet, avec sa convocation avortée d’hier, l’imam Mahmoud Dicko a déjà remporté, non pas gagné sa guerre pour les pauvres, mais une grande victoire dans ce sens ! C’était tout simplement irréfléchi et gauche de vouloir convoquer Mahmoud Dicko à la justice. En le faisant, ceux qui ont instigué tout ça ont rendu un grand service l’imam Dicko, devenu encore plus fort et plus populaire qu’avant. Que ceux qui en doutent attendent la mobilisation du vendredi prochain pour s’en convaincre !
Là, même la visite du ministre Tiébilé Dramé chez Dicko pour, dit-on, lui présenter les excuses du gouvernement n’y changera rien ! Et comble de l’amateurisme, en agissant ainsi, le gouvernement rend l’imam Mahmoud Dicko « intouchable »… Un précédent fâcheux que l’Etat devra ensuite consentir à gérer les conséquences, car il donne une caution morale au discours de vérité du vieil imam !