Assurément la justice malienne éprouve du mal à fonctionner chaque fois qu’elle a à faire avec une personnalité jouissant d’une certaine popularité.
Elle a condamné l’agitateur en diable Ras Bath, alors au faîte de sa gloire, à un an d’emprisonnement ferme et 100 000 FCFA d’amende pour » incitation à la désobéissance des troupes « . Cela dans un pays en guerre contre un terrorisme particulièrement meurtrier et en proie à l’insécurité sous toutes ses formes, sans jamais émettre un mandat de dépôt.
Les explications que le procureur de la commune IV a cru devoir fournir à la presse n’ont pas convaincu l’opinion de ce que la peine prononcée n’était pas de la pure complaisance, à la limite une forfaiture. Laquelle peine a été dictée par la forte mobilisation des partisans de l’activiste dans la salle d’audience du tribunal et autour du bâtiment abritant celui-ci.
Poursuivi pour » outrage à magistrat dans l’exercice de sa fonction » pour avoir publiquement traité le président de la Cour suprême Nouhoum Tapily de « fonctionnaire le plus corrompu de la République » et d’ » assassin « , le chef du patronat malien, Mamadou Sinsy Coulibaly n’a pu être entendu par le tribunal de la commune IV, une foule de sympathisants ayant contraint son véhicule à rebrousser chemin. Depuis l’affaire semble être classée sans suite.
Hier mardi, c’est l’imam Mahmoud Dicko, pourfendeur émérite du régime IBK, tombeur de l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga qu’il avait pris en détestation pour des raisons politiques, religieuses et crypto-personnelles, qui était convoqué au tribunal de la commune V. Le motif non déclaré est qu’il avait lancé, samedi dernier, un de ces ultimatums dont il est familier : si les autorités ne trouvent pas les solutions appropriées aux maux qui dévastent le Mali, il appellera » le peuple malien, dès vendredi prochain, à prendre son destin en main, qui muni de son bâton, qui de sa hache… »
La convocation a été annulée à la fois sur l’interférence de l’exécutif au plus haut niveau et sous la pression d’une foule compacte d’individus surexcités qui avait pris d’assaut le tribunal dont les portes sont restées closes.
Ces péripéties qui tiennent à la fois du comique et du tragique, sont illustratives de la posture délicate de la justice dans un Etat qui a renoncé à asseoir son autorité, un attribut vital. D’une part, elle aspire à exercer sa mission de dire le droit, dans l’indépendance préconisée et garantie par la Constitution, d’autre part elle en est empêchée par des personnes au nom et pour l’intérêt desquelles ce droit est censé être dit. De surcroît par l’Etat lui-même redoutant que la sanction judiciaire ne l’anéantisse.