Où est donc la morale en politique quand Soumaïla Cissé se tait sur sa position de troisième niveau hiérarchique seulement, en-dessous de la conférence des chefs d’Etat et du conseil des ministres ? Pourquoi passe-t-il sous silence, avec inélégance, cette banale évidence ?
Où est la morale quand on bénéficie et se glorifie du soutien d’ATT, un Président qui a mis son pays à genoux, introduit la drogue dans l’économie nationale, instauré des rapports incestueux avec les preneurs d’otages et les groupes armés qui ont pris les armes contre la République et la nation maliennes qu’on prétend diriger en les servant ?
Où est la morale quand on caresse l’armée dans le sens du poil juste pour être en cohérence avec sa posture de candidat à son commandement en chef, alors qu’il n’y a guère longtemps on la traînait dans les caniveaux pour faire plaisir à ATT, parce que c’est cette même armée qui l’a envoyé en retraite anticipée ?
Où est la morale politique quand on se sent totalement en phase avec l’héritage d’ATT au point d’être le seul candidat sur vingt-huit (28) à mériter son soutien et celui de son parti PDES, tout en affirmant son respect et sa considération à son tombeur, le capitaine Sanogo ?
Où est la morale quand Soumaïla Cissé revendique, en tant qu’ancien ministre des Finances, la paternité et exclusive des clôtures de protection des camps militaires, de leurs équipements, de l’augmentation des salaires des militaires, tout en se réfugiant derrière sa non responsabilité quand, dans l’exercice des mêmes fonctions de ministre des Finances, il impute au chef de l’Etat et au premier ministre la responsabilité du manque d’éthique, du non respect de la chose jugée et de la mal gouvernance notés dans son département, à l’occasion d’un appel d’offre mal conduit ?
Où est la morale tout court quand Soumaïla Cissé se sentant diffamé par les propos du représentant du président IBK tenus au cours d’une émission sur un plateau de télévision, s’attaque à ce dernier dans des termes très virulents agrémentés d’un déballage nauséabond, pour soutenir tout de suite après, qu’il n’a pas pu écouter la même personne qu’il venait juste de critiquer parce qu’il était en salle de maquillage, seulement parce que le journaliste avait décidé de lui poser une question gênante à ce sujet ?
N’y aurait-il pas chez Soumaïla Cissé une morale à deux vitesses dont il chante la beauté et la valeur sous tous les toits, pourvu que celle-là le serve, en même temps qu’il se met à défendre bec et ongle la liberté de se prévaloir de son antithèse chaque fois que cela le chante et l’arrange ?
En tant qu’homme politique et par souci de cohérence, Soumaïla Cissé devrait pourtant s’abstenir de convoquer la morale, en s’inspirant d’André Malraux qui disait : « On ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n’en fait pas davantage sans ».
Le Mali et les maliens s’en porteraient certainement beaucoup mieux. Surtout que la « pureté » de la morale théorisée par Kant est trop éloignée des simples exigences quotidiennes, surtout politiciennes, et l’universalité affirmée très loin d’être réalisée. Néanmoins, en insistant sur « la responsabilité de chacun dans la définition du Devoir », Kant tente de nous éclairer sur ce qui peut fonder ou garantir la dignité de l’homme, et que s’accorder sur la possibilité d’une morale universelle de la part des humains, constitue un pari qui mérite au moins d’être tenu.
Aliou Badara Diarra