Le Tribunal de la Commune V, sous les injonctions de la Brigade d’investigations judiciaires, a convoqué le mardi 3 mars 2020 le très influent et populaire Imam Mahmoud Dicko pour des propos qu’il a tenus au cours de son grand meeting organisé le samedi 29 février au Palais de la culture Amadou Hampaté Ba. Cette convocation a fait l’effet d’une bombe au sein de l’opinion publique. Beaucoup ont vu en cette convocation une offense à un chef véridique, et par conséquent, ils se sont mobilisés pour prendre d’assaut le Tribunal de grande instance de la commune V du District pour s’ériger en remparts ou en boucliers humains entre la justice et leur leader. Les initiateurs de cette convocation ont-ils mesuré les conséquences de leur acte avant de le poser ? Les partisans de l’Imam n’exagèrent-ils pas en empêchant un justiciable d’aller répondre à une convocation émise par une autorité judiciaire ? La justice est-elle équitable pour tous ?
Le Tribunal de la Commune V du District de Bamako a été le théâtre d’une manifestation spontanée des milliers des partisans de l’Imam Dicko qui ont pris d’assaut l’institution judiciaire initiatrice de ladite convocation. Les partisans de l’ancien Président du Haut Conseil Islamique du Mali n’ont voulu rien entendre, ni comprendre. Pour eux, c’est un crime de lèse-majesté et ils étaient prêts à venger leur leader.
Pourquoi tant d’agitations de la part des partisans de l’Imam, surtout que la convocation était juste pour l’entendre. La réponse à cette question est à portée de mains, c’est parce qu’on est dans un Etat failli. Et dans un Etat à terre, les Institutions seront sous ordre et fonctionnant médiocrement, elles ne pourraient faire peur à aucun citoyen.
Dans une République bananière, la justice sera à dimension variable et les plus forts écraseront les plus faibles. Aux yeux de nombreux maliens, l’Imam Dicko n’a dit plus haut que ce que les gens murmurent plus bas, à savoir que la corruption est à ciel ouvert, la crise scolaire est en passe de compromettre dangereusement l’avenir de la Nation, et que la crise sécuritaire, n’a que trop duré avec son lot des massacres quasi quotidiens et enfin que la justice est à deux vitesses.
C’était pourtant la quintessence du discours de l’Imam Dicko lors du meeting géant qu’il a animé le samedi 29 février 2020. Pour l’Imam Dicko, le Mali souffre de la mal gouvernance. Sinon, comment comprendre que la crise scolaire puisse perdurer autant alors même que les enseignants n’ont demandé que l’application de l’article 39. Il s’est interrogé avec gravité et solennité sur le grave manquement à l’orthodoxie financière dans l’achat des Blindés, censés apporter à nos soldats les moyens matériels modernes dans l’accomplissement de leur mission régalienne.
L’Imam Dicko a touché du doigt les préoccupations majeures du peuple malien et a fini par lancer un ultimatum qui a expiré le jeudi. Mais, faut-il s’attendre à un grand mouvement aujourd’hui vendredi 6 mars 2020 ? Car l’imam a déjà sonné la mobilisation et à coup sûr ses partisans sortiront nombreux surtout agacés par cette convocation. Il est fort à craindre que si cette manifestation a lieu, qu’il ait un débordement ; et même peut-être, une révolte dont nul ne saurait prédire les conséquences.
En définitive, les initiateurs de cette convocation endosseront la lourde responsabilité de ce qui adviendra du régime IBK. Et la justice malienne aura du mal à convaincre le commun des mortels de sa bonne foi et de son efficacité étant entendu qu’il y a mille dossiers cruciaux pendants devant la justice. Qu’il s’agisse de l’affaire d’avions cloués au sol, d’équipements militaires surfacturés, des blindés frelatés, de centaines de milliards volés au su et au vu de tout le monde, le Mali est en passe de devenir un pays de non droit. Les partisans de Mahmoud Dicko ainsi que la grande majorité du peuple malien s’attendaient à des convocations à l’encontre de ces malfrats de la République, au lieu de cela, c’est celui qui dénonce ces actes d’une très grande gravité qui sera interpellé.
Youssouf Sissoko