Comme chaque année depuis 2008, le Mali a accueilli du 16 au 22 février dernier le monde de la littérature africaine et mondiale, à l’occasion de la 12e édition de la rentrée littéraire. Une grand-messe du livre qui a tenu toutes ses promesses, selon les organisateurs. Afin d’en savoir plus sur cette rencontre du livre au Mali, notamment l’édition écoulée, nous nous sommes entretenus avec le coordinateur technique de la rentrée littéraire, Sékou Fofana, non moins secrétaire général de l’Association malienne des éditeurs de livres.
Aujourd’hui-Mali : Bonjour, pouvez-vous nous présenter la rentrée littéraire ?
Sékou Fofana : La rentrée littéraire est une activité littéraire avant tout qui se tient chaque année au Mali depuis 2008. C’est un grand rendez-vous des hommes de la culture, des intellectuels africains, des écrivains et surtout des éditeurs. C’est une manière pour nous de donner la parole aux intellectuels africains et d’ailleurs. La rentrée littéraire vise à promouvoir la culture malienne et africaine.
Vous venez d’organiser la 12e édition, alors quel bilan faites-vous de cette édition ?
Le bilan dans l’ensemble est plus que satisfaisant, malgré la situation sécuritaire du pays qui n’encourage beaucoup de personnes à venir au Mali. Mais malgré cela, nous constatons beaucoup d’intérêt du public d’ici et ailleurs pour ce rendez-vous. Nous sommes vraiment contents que, malgré la situation du pays, cet évènement puisse réunir plus de participants. Cela nous motive à garder l’espoir et à être fiers de ce que nous faisons. Le Mali a de l’attrait et la rentrée littéraire est un évènement qui attire le monde vers la Mali. Il y a de quoi être fiers.
Quelle a été la particularité de cette 12e édition ?
La particularité de cette 12e édition a été dans un premier temps la qualité des intervenants. Nous avons aussi vu la création de nouvelles activités, comme la librairie de la rentrée et l’atelier d’écriture destiné aux étudiants des universités publiques. Cet atelier a été animé par un grand nom de la littérature africaine, Léonora Miano. Nous avons aussi eu un atelier de réseautage entre les organisateurs des manifestations culturelles de l’espace Uemoa, ainsi que la Guinée. Cela pourra nous permettre de faire un lobbying auprès des partenaires de l’Uemoa afin de faciliter la circulation des livres et des écrivains dans d’autres pays de la sous-région et avoir plus d’ouverture. Il y a eu aussi un des prestations théâtrales, notamment celle d’une troupe venue du Burkina Faso. A travers donc ces spectacles, la rentrée littéraire valorise le théâtre aussi. C’est dire que tout ce qui a trait à la production artistique et culturelle est mis en valeur au cours de cet évènement. Ce n’est pas que le livre qui est valorisé. Nous avons eu la chance d’avoir cette année, avec nous, des grands de la littérature malienne et africaine à savoir, entre autres, le Belge, Jean Marc Turine lauréat du Prix des Cinq Continents de l’Organisation internationale de la Francophonie, Ismaël Samba Traoré, Aminata Dramane Traoré, Safiatou Ba Dicko Mali/USA, Louis Philippe Dalembert d’Haiti, le Guinéen Tierno Monénembo, la Burkinabé Monique Ilboudo, le Béninois Florent Couao-Zotti, le Togolais Sami Tchak ou encore le Français Jean-Loup Amselle.
Qu’est-ce qui a motivé le choix de l’élargir à d’autres régions ?
Au départ, on avait l’impression que c’était la rentrée littéraire de Bamako car elle ne se passait qu’à Bamako. Les autres régions étaient exclues or c’est une activité nationale. C’est pourquoi, depuis 2018 lors des 10 ans de l’évènement, nous avons décidé de l’élargir à d’autres régions. Nous sommes actuellement à 3 villes du pays plus Bamako, notamment Sikassso, Djenné et Tombouctou. Nous espérons augmenter le nombre de régions et d’autres villes dans les prochaines éditions afin de faire de la rentrée littéraire un évènement national digne de ce nom, qui se passe partout dans le pays.
Ce sont les mêmes activités qui se passent dans les régions ?
Pas forcément ! Les activités dans les régions étaient surtout les tables-rondes et les dédicaces dans les lycées. Les régions sont libres de définir leurs propres activités. Il n’y a pas un format qui est exigé car chaque région et chaque ville à ses spécificités. Nous avons des comités d’organisation dans chacune de ses villes qui accueillent la rentrée littéraire et c’est à eux de voir quelles sont les activités qui correspondent aux réalités de la zone, en termes de littérature.
Qu’en est-il des prix de cette 12e édition ?
Il y a trois prix qui ont été attribués, à savoir Le prix Massa Makan Diabaté qui a été remporté par le roman “Meurtre sous le pont des indigents” de Mohamed Diarra édité chez L’Harmattan Mali avec une enveloppe de deux millions (2. 000 000 Fcfa), le Prix de l’Union Européenne du premier roman doté d’une enveloppe d’un million (1.000 000 Fcfa) est revenu à Corinne Chandra Diallo pour son livre “Diane et les images : contes initiatiques d’ici et là-bas”, publié chez La Sahélienne. Quant au troisième, le prix Ahmed Baba, il est revenu à l’auteur algérien, Djawad Rostom Touati, avec son livre “La civilisation de l’Ersatz”, publié chez les éditions APIC. Il a reçu une enveloppe de trois millions (3 000 000 Fcfa). Ce dernier prix est ouvert à tous les Africains, contrairement aux deux premiers réservés aux Maliens.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans cette 12e édition ?
Comme je l’ai dit tantôt, nous avons comme difficulté dans un premier temps le contexte sécuritaire du Mali qui n’encourage pas beaucoup d’étrangers à venir dans notre pays. La deuxième grande difficulté c’est que les partenaires n’investissent pas assez d’argent et les autorités aussi s’impliquent moins quand il s’agit du livre. Or, on peut faire de ce domaine un secteur économique. Par exemple, l’industrie du livre est la première industrie culturelle en France. Au Mali, nous pouvons faire autant si tout le monde s’implique. On constate, malheureusement, que ce n’est toujours pas le cas. Mais la rentrée littéraire se bat afin que le pays puisse se doter d’une politique nationale du livre, puisse ratifier les accords de Florence et le protocole de Nairobi. Nous essayons de faire un plaidoyer pour la structuration du secteur du livre au Mali.
Quelles sont les ambitions de la rentrée littéraire ?
La rentrée littéraire à de multiples ambitions pour le livre au Mali. D’ici la prochaine édition, les bibliothèques de la rentrée littéraire vont s’ouvrir pour dire que la rentrée n’est pas qu’une semaine d’activités, mais qu’il y a un énorme travail qui est abattu tout au long de l’année afin qu’on puisse rassembler plus de monde lors de l’évènement. Il y a énormément de choses que comptons mettre en place, mais on laisse le temps au temps et vous verrez le moment venu.
Quel votre mot de la fin ?
Je remercie les partenaires qui accompagnent la rentrée littéraire. Je leur dis que le livre a besoin de leur accompagnement au quotidien. Les enfants maliens ont besoin de leur soutien pour avoir accès aux livres. Je voudrais dire aussi que le livre n’est pas qu’une affaire des professionnels du livre. C’est une affaire de tous les enfants du Mali. Nous demandons à tous les Maliens de s’impliquer davantage dans cette activité qui promeut le livre et la culture au Mali.