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Pain consommé au Mali : Urgence sanitaire signalée !
Publié le samedi 7 mars 2020  |  Aujourd`hui
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Le pain sert d’aliment de base à environ 96% des maliens. Raison suffisante pour s’intéresser à ce produit dans le cadre d’une enquête pour en savoir davantage sur ses conditions de production et de commercialisation. Le constat est amer : si la qualité du pain consommé au Mali laisse à désirer, les conditions de son transport sont encore plus décriées car tout simplement malsaines. Mais qu’attendent donc les autorités chargées de la sécurité sanitaire des aliments pour agir face à ce scandale alimentaire banalisé ? Quant aux boulangers du Mali, se soucient-ils de la santé des Maliens qui consomment du pain tous les jours ? Le pain, a vrai dire, est une urgence sanitaire sur laquelle les pouvoirs publics doivent se pencher sérieusement.
Aujourd’hui, le transport du pain de la boulangerie aux points de vente n’est pas un spectacle digne du troisième millénaire. Au regard du comportement des livreurs, on ne peut s’empêcher de penser à une contribution à la propagation de maladies chez les consommateurs. En effet, les baguettes de pain sont transportées à l’arrière de motos, entassées à la sauvette dans des caisses dont la propreté et l’hygiène laissent à désirer, sans couverture, pour faire le tour de la ville au détour de ruelles sablonneuses et de rues longées de canalisations ouvertes déversant parfois leur contenu sur la chaussée.

Le pain se trouve ainsi abandonné au gré de la poussière et du vent chargé de microbes de toutes sortes provenant des crachats et éternuements des usagers de la route, de fumées toxiques des pots d’échappement des véhicules. Sans compter les effets néfastes des mouches et insectes de toutes sortes. C’est dans es conditions lamentables que le pain finit sa trajectoire sur les étagères sobres des boutiquiers, où il est manipulé sans gants, exposé aux odeurs et saveurs fétides de l’oignon, de l’huile, du savon et parfois même du pétrole lampant, pour ne citer que cela. C’est une situation intenable !

Est-ce qu’il faut sans prendre uniquement aux livreurs et vendeurs de pain au détail ? Selon Mamadou Lamine Haïdara, président de la Fédération des boulangers et pâtissiers du Mali et président du Cadre de concertation de la filière pain, les boulangers sont également indexés. “Il y a des boulangeries dans ce pays, quand vous y entrez, vous ne consommerez plus du pain”, a-t-il- déclaré. A ses dires, le pain sert d’aliment de base à environ 96% des Maliens. “C’est parce que ces millions de citoyens méritent la qualité irréprochable de pain produit dans les conditions d’hygiène et le respect des procédés de distribution adéquate, qu’il est temps de recentrer le débat. Nous avons élaboré un terme de référence pour l’élaboration d’un diagnostic dans le cadre de la modernisation de la boulangerie malienne.

Ce diagnostic doit faire le point de tout ce qui va mal dans la boulangerie en général et les solutions à apporter”, a indiqué le président de la Fédération des boulangers et pâtissiers du Mali.

Pour le Président, les 90% des boulangers maliens n’ont pas reçu de formation et ils n’ont aucune référence. Ils apprennent sur le terrain et s’approprient ainsi des pratiques qui ne sont pas recommandables. Ce qui est inapproprié, vu l’importance de la consommation de pain par la population malienne. “Dans le souci de restituer aux consommateurs du pain de qualité, il est grand temps que les pouvoirs s’investissent dans le respect des dispositions statutaires régissant la profession de boulanger au Mali et des dispositions normatives consensuelles de 2007” a rappelé Mamadou Lamine Haïdara, président de la Fédération des boulangers et pâtissiers du Mali et président du Cadre de concertation de la filière pain.

Il y a des boulangeries logées dans les flancs de maisons, employant des personnes sans aucune notion de planification. Elles ne remplissent pas non plus les conditions de certification et d’hygiène exigées pour pétrir la pâte.

Les Critères d’ouverture d’une boulangerie

Pour l’ouverture d’une boulangerie, il faut d’abord l’agrément délivré par le Ministère de l’Industrie et du Commerce, à travers l’Agence pour la promotion des investissements (API) après avoir fait une demande.

“Pour moi, la plupart des demandes sont fausses parce que beaucoup de boulangeries dans la ville sont constituées de matières déjouées et de la vieillerie qu’on ramasse en Europe. Des équipements jetés par les Européens, c’est ce qu’ils achètent. Ensuite, ils louent des maisons en banco avec 2 chambres, ils cassent ça et en font une boulangerie, alors qu’une boulangerie est une industrie. Il faut un local approprié”, a-t-il-signalé.

Il faut également une notice d’impact environnemental, c’est-à-dire qu’une commission du Ministère visite le lieu pour voir si l’endroit est approprié, si la boulangerie ne dérange pas le voisinage. C’est après cette inspection qu’on livre l’agrément, mais il faut signaler que beaucoup de boulangers n’ont pas d’agrément.

Selon le président de la Fédération, ils n’attendent plus que le financement pour commencer l’étude diagnostique de la filière, sans quoi le pays ne peut pas moderniser la boulangerie comme au Sénégal ou en Côte d’Ivoire. “Depuis plus d’une année, le dossier se trouve avec le président de la Chambre de commerce. Nous ne savons pas pourquoi, puisque c’est lui-même qui s’est engagé à financer cette étude diagnostique. C’est lors d’une de ses missions en Côte d’Ivoire qu’il a été impressionné par la modernisation de la boulangerie de là-bas. L’unique solution pour la modernisation de la boulangerie, c’est l’étude diagnostique, pour apporter les réponses appropriées. C’est ça le remède qui nous conduira à la satisfaction de la population malienne toute entière”, a-t-il-laisser entendre.

Appel aux distributeurs, boutiquiers et consommateurs

Aux distributeurs, le président Haïdara dit ceci : “On leur demande de prendre des dispositions adéquates pour couvrir soigneusement les caisses dans lesquelles ils mettent le pain. On leur demande de s’appliquer en transportant le pain dans de bonnes conditions hygiéniques”.

Aux boutiquiers : “C’est dommage de voir le pain déposé n’importe où et n’importe comment dans les boutiques. Ils peuvent bien aménager une caisse en vitre pour bien garder les pains en attendant qu’on puisse apporter des innovations dans ce système parce que je pense qu’à la limite, ce ne sera plus des boulangers aux boutiquiers, mais plutôt des petits kiosques où on ne vend que du pain”.

Aux consommateurs : “Je leur demande de la patience. Nous sommes en train de travailler d’arrache-pied pour la modernisation de la boulangerie afin qu’ils puissent avoir du bon pain”, a-conclu Mamadou Lamine Haïdara.

Selon Tamba Doucouré, promoteur de la boulangerie “Artisan boulanger” devenue une des grandes références de qualité de production au Mali, rares sont les boulangers qui se soucient des mesures d’hygiène de la fabrication du pain pour préserver la santé des populations.

“Chez nous, on respecte toutes les normes qu’il faut pour faire sortir une très bonne qualité de pain, mais ce n’est pas le cas partout. La première norme c’est l’hygiène. La boulangerie doit être propre, la tenue vestimentaire du personnel aussi. Le personnel doit se laver les mains à chaque fois qu’il sort et entre au labo. Il y a beaucoup de maladies de nos jours dont on ne sait pas l’origine. Si le pain est fabriqué dans un espace impropre en plus des conditions de livraison, on tombe malade tout le temps”, a-t-il souligné.

Pour avoir une bonne qualité de pain, il faut de la bonne farine, de l’eau potable, du sel, de la bonne levure et de la glace. Aux dires de Tamba Doucouré, le premier objectif d’un bon boulanger est de faire sortir du pain de qualité et non de quantité pour se remplir les poches. Il indique que les boulangers qui ont les moyens livrent eux-mêmes leurs pains à bord des tricycles bien couverts ou des véhicules.

Pour sa part, un consommateur rencontré dans la boutique d’une boulangerie, pense qu’il est possible de consommer du bon pain fabriqué dans les conditions hygiéniques. “Il faut se déplacer pour aller acheter son pain dans une bonne boulangerie. Cela nous épargne au moins des maladies lors du transport et du stockage dans les boutiques”, a-t-il-indiqué.

Il est donc évident que le pain consommé au Mali, tel un malade qui a besoin de soins rapides, est en situation d’urgence signalée. Face au laisser aller qui caractérise la filière pain, il revient aux autorités en charge de l’hygiène alimentaire de jouer leur rôle en mettant l’accent sur l’amélioration de la qualité du pain, la formation et l’équipement des boulangers et pâtissiers, la normalisation de la livraison du pain dans les caisses sécurisées en termes d’hygiène et de santé, le stockage réglementé dans les points de vente et la moralisation de la délivrance des agréments.

Marie DEMBELE
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