L’enjeu principal pour les maliens, c’est de décider s’ils cèdent aux sirènes du changement annoncé ou s’ils reportent leur confiance sur les députés sortant usés par 12 ans de pouvoir. Depuis hier, c’est donc parti pour deux semaines de campagne électorale dans tout le Mali.
C’est hier 8 mars 2020 qu’a débuté la campagne des élections législatives qui doivent élire 147 députés. Le vote prévu pour se dérouler le 29 mars prochain mobilisera plus de 7 millions d’électeurs. Mais, le plus inquiétant est le contexte dans lequel vont se tenir le scrutin : Les attaques terroristes dans le nord et le centre.
Pour ses élections, la course s’annonce serrée d’une part entre les députés sortant, qui tentent de se faire réélire, et les troupes de ceux qui veulent rentrer à l’hémicycle, notamment des candidats des grandes formations politiques qui ont longtemps été des faiseurs de roi et qui souhaitent eux-mêmes porter enfin la couronne, ceux des petits partis et les indépendants.
Pendant deux semaines, les candidats sillonneront les localités à la recherche d’électeurs avec des programmes et projets tous azimuts. Pour ces législatives, l’on a l’impression que tous les coups seront permis pour avoir une place au soleil. Et, le ton est déjà donné. Autrement dit, l’heure est aux critiques, aux dénigrements avec parfois des « empoignades » dans la seule intention d’empêcher l’autre candidat à avoir la confiance des électeurs.
Détenant la majorité des députés, le parti au pouvoir, le RPM est à la recherche d’une majorité confortable pour pouvoir mener à bien les réformes engagées par le président de la République. Cependant, de nombreux observateurs estiment que même au pouvoir, le RPM, en raison de plusieurs facteurs, aura à batailler dur pour faire passer son message. Ces observateurs n’arrivent pas à s’expliquer la bataille qui s’est engagée entre clan rivaux au sein de la formation présidentielle. Le président du parti du tisserand, Bocari Treta n’est pas parvenu à bien tisser du bon coton pour habiller tous les fils et filles du parti. Il nous revient que des cadres du RPM ne se parlent même pas à cause de la forte division qui existe entre eux.
Autre handicape pour Tréta et camarades, l’on pourrait penser que les maliens aspirent au changement. Pour la simple raison qu’après 12 ans, ils pourraient souhaiter une alternance au Parlement. Les maliens auraient pu décider d’aller écouter le voisin : l’URD, la deuxième force politique du pays (classement issu de la présidentielle). Sauf que personne n’a aujourd’hui la garantie que l’URD a la capacité de mobiliser le peuple malien dans une véritable action de changement.
Mais, qu’à cela ne tienne, le parti de la poignée de mains (dont le président est chef de file de l’opposition), selon un proche voudra jouer toute sa partition. Selon lui, Soumaïla Cissé et les siens se proposent de mettre les bouchées doubles pour surclasser le RPM, qui semble être le parti à abattre. Pour ce faire, les amis du chef de file de l’opposition se doteront certainement d’arguments tendant à « discréditer » les candidats RPM, leur attribuer la situation chaotique du pays et le vote de certains textes de loi notamment l’Accord d’Alger.
Cette division des candidats députés entre les deux grands partis se fera dans les circonscriptions où chaque parti est présent sur sa liste propre puisque dans plusieurs localités on retrouve les deux partis sur une liste commune. Au QG de l’URD, les militants se disent prêts à en découdre et à défendre leur programme et occuper le fauteuil de président de l’Assemblée.
Le troisième joueur sur l’échiquier politique est l’Adéma. Avec moins d’une vingtaine de députés, le parti de l’abeille aura-t-il l’« agressivité » nécessaire pour redorer son blason ? Depuis la présidence du Pr Dioncounda à la tête de l’Assemblée nationale, le président Tiemoko Sangaré et les siens n’ont pu véritablement protéger la Ruche des attaques extérieurs.
Depuis plus d’une décennie, l’Adéma ne parvient plus à atteindre sa vitesse de croisière dans la quête d’élus. Aux dernières législatives, l’Adema avait reculé, aujourd’hui, il s’agit pour lui de reconquérir les positions perdues.
Or, le parti ne manque pas d’atouts (moyens financiers, moyens humains) pour qu’il soit plus respecté et positionné seul a occupé le fauteuil de présidence de l’Assemblée nationale à défaut détrôner l’URD de son poste de chef de file de l’opposition. Sans minimiser la force des autres partis politiques, le RPM, l’URD, l’Adema semblent être les partis qui auront certainement leurs mots à dire pour ses élections.
Parmi les autres partis en lice, on retrouve la Codem de Housseyni Amion Guindo qui avec des intentions de vote favorables, va donner du fil à retordre aux favoris. Dans les derniers sondages, le Parti de la quenouille en bataillant dur pourrait s’adjuger des députés dans plusieurs circonscriptions. Il pourra même dépasser son score actuel. Formation montante avec des candidats jeunes, la Codem a les atouts qu’il faut pour se faire respecter sur l’échiquier politique.
Yelema ou le changement, parti de l’ancien Premier ministre Moussa Mara et l’Asma, dirigés par des anciens chefs du gouvernement, semblent être les outsiders pour les législatives du 29 mars. Détenant des arguments valables, les deux formations politiques, de l’avis de nombreux observateurs, attirent un électorat jeune et n’iront pas à la bataille électorale pour en revenir bredouille, surtout qu’ils ont bénéficié d’appuis considérables depuis un certain temps avec l’arrivée de plusieurs cadres des autres partis politiques.
Troisième à la présidentielle passée l’ADP-Maliba rêve de damer le pion aux favoris. Ce parti dont le président d’honneur, Alou Boubacar Diallo est sur une liste (à Kayes) fera de cette élection une affaire personnelle. Tout semble être prêt pour qu’il rentre dans la cour des partis vus à l’assemblée nationale.
Pour cette élection, le parti Sadi de Oumar Mariko sera l’une des grandes attractions. Dans plusieurs localités, les candidats du parti qui a penchant communiste auront fort à faire pour se faire élire en ce sens qu’ils ont en face de redoutables adversaires.
Le Cnid de Mountaga Tall pourrait lui aussi s’adjugé ses premiers députés au cas où si le président du parti cesse les contestations inutiles et faire une bonne campagne.
Ce qu’il faut surtout noter c’est que malgré les sorties médiatiques, les plaintes au niveau de la Cour constitutionnelle, aucun parti politique n’a appelé au boycott.
Le scrutin initialement prévue en 2018 avait été reporté à plusieurs reprises en raison du contexte politique et sécuritaire du pays.
Amadou Sidibé