Près de sept millions de Maliens sont appelés à voter dimanche au second tour de la présidentielle pour élire un nouveau chef d'Etat qui aura l'immense mission d'entamer le redressement et la réconciliation dans un pays à genoux après 18 mois de conflit.
Naguère modèle de stabilité et de démocratie en Afrique de l'Ouest, le Mali est plongé depuis un an et demi dans une grave crise politique et sécuritaire consécutive à l'offensive des rebelles touareg début 2012, suivie d'un coup d'Etat militaire en mars de la même année, puis d'un déferlement de groupes djihadistes armés et d'une intervention armée étrangère pour les chasser.
Peu après le putsch du 22 mars 2012, qui a conduit au renversement du président Amadou Toumani Touré, et à l'annulation de l'élection présidentielle prévue quelques semaines plus tard, le capitaine Amadou Haya Sanogo avait pris le pouvoir pour deux semaines avant de devoir le rendre à des civils sous la pression internationale. Mais le chaos ayant suivi le coup d'Etat et la totale désorganisation d'une armée sous-équipée a profité dans le Nord à la rébellion touareg et aux mouvements djihadistes armés liés à Al-Qaïda, qui ont occupé les deux tiers du pays avant d'en être chassés par une intervention étrangère dirigée par l'armée française à partir du 11 janvier, avec l'appui d'autres armées africaines.
Ces troupes africaines ont été intégrées depuis le 1er juillet à une mission de stabilisation de l'ONU au Mali, la Minusma, actuellement composée de 6.300 hommes. Et la présidentielle sera le premier grand défi de la Minusma qui devra en assurer la sécurité avec, si besoin, le soutien des quelque 3.200 soldats français toujours présents au Mali.
Le coup d'Etat a exacerbé de même les divergences au sein de la classe politique, ravivé les tensions entre les différentes communautés au Nord, et entraîné la suspension de la quasi-totalité de l'aide publique au développement, excepté l'aide d'urgence et l'aide directe à la population. L'aide publique a progressivement repris depuis que les autorités de transition de Bamako se sont engagées à organiser une élection présidentielle.
La crise a également provoqué "une contraction de l'activité économique ayant conduit le pays à une récession" en 2012 avec un taux de croissance de -1,2 % contre +4,3 % en 2011, tandis que les ressources de l'Etat ont diminué de 30 % et les dépenses globales de 33 %".
Le déficit de la balance des paiements s'est élevé à 75 millions d'euros en 2012 et le taux d'inflation est passé de 3,5 % à 5,3 %, entraînant une baisse du pouvoir d'achat, déjà bas au Mali.
Tous les indicateurs sont donc au rouge, ce qui a provoqué "la fermeture de nombreux établissements hôteliers et touristiques et d'autres structures du tertiaire, le ralentissement des activités du secteur secondaire, en particulier du BTP (bâtiment et travaux publics), la diminution des investissements directs étrangers", selon les autorités locales.
Le Mali, pays essentiellement agricole - coton, bétail sur pied et cultures vivrières - figure parmi les pays les moins avancés (PMA) de la planète, classé 182e sur 187 sur l'indice de développement humain établi par les organisations internationales en 2012.
Près de la moitié de ses 15 millions d'habitants vit sous le seuil de pauvreté. L'espérance de vie y est de 53 ans et le taux de fécondité parmi les plus élevés au monde (6,5 enfants par femme).
Le régime issu de cette élection présidentielle doit travailler en profondeur, sur les voies et moyens de bâtir un Etat solide et démocratique, avait déclaré le président malien par intérim, Dioncounda Traoré.
Une tâche immense attend donc le nouveau président, tant le Mali sort exsangue et plus que jamais divisé par ces 18 mois. Il pourra compter sur le soutien massif de la communauté internationale qui a promis plus de trois milliards d'euros d'aide. Mais sa mission la plus délicate sera de réconcilier les différentes communautés qui composent le Mali.
Ce second tour oppose deux vétérans de la vie politique malienne: Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK, 68 ans, ex-Premier ministre, et Soumaïla Cissé surnommé "Soumi", 63 ans, ex-ministre des Finances et ancien responsable de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa).
Keïta, fort de son avance de 20 points (39,79 % des voix au premier tour, contre 19,70 pc pour Cissé), semble largement favori, d'autant qu'il a reçu le soutien de 22 des 25 candidats éliminés au premier tour.