Fatoumata Papa Ongoïba, douanière de son état, rappelle cette policière, qui a été la première femme à effectuer un saut parachutiste. C’était juste avant les événements du 28 février 1978. Puisqu’elle est sur notre tablette, nous taisons volontairement son nom pour le moment afin de permettre à nos cadets qui ne l’ont pas connue de la découvrir plus profondément au cas où elle donnerait une suite favorable à notre sollicitation. C’est cela aussi l’une des facettes de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. De part son âge, Fatoumata Papa Ongoïba, notre héroïne du jour, est la plus jeune des héros passés dans cette rubrique. Mais sa prouesse nous oblige aujourd’hui à la prendre dans ladite tribune. Elle se particularise par le fait d’avoir suivi une formation réservée aux hommes. En service à la Brigade de Recherche de Kati, Fatoumata Papa Ongoïba est la première femme “Monitrice en Intervention Professionnelle”. Ce qui fait d’elle la première femme commando du Mali. En analysant son parcours, on relève que Fatoumata Papa a percé en tant que mère de famille, douanière et aujourd’hui première femme commando. A la question de savoir comment elle a pu se frayer un tel chemin, elle répond : “C’est le fruit des objectifs que je me suis fixée, c’est-à-dire la volonté de réussir, soutenue par le courage, la détermination et le sacrifice”. En tout cas, par son parcours, elle a démontré que les femmes aussi peuvent se nager dans n’importe quel marigot fréquenté par les hommes, pourvu que les moyens et les conditions soient créés. Dans les services des Douanes, les emplois du temps sont très chargés et contraignants, surtout pour une femme au foyer et mère de famille. D’où cette interrogation légitime : comment Fatoumata parvient-elle à concilier le foyer et son travail ? Très à l’aise, elle répond que sa vie professionnelle ne joue pas fondamentalement sur ses devoirs de ménage et conjugaux. Alors, qui est cette dame, d’apparence très timide, mais qui nous a surpris par son art de s’exprimer ? Découvrons une battante dans l’ombre !
Arrivés au domicile marital de Fatoumata Papa Ongoïba, sis à Kati Sananfara, nous la trouvâmes au robinet, en train de remplir un seau. Elle a été surprise par notre audace à l’aborder sans gêne, comme si nous étions familiers, oubliant sans doute que nous sommes des chasseurs de l’information. Mieux, un détail lui a échappé : nous l’avons vue à la télé deux ans plus tôt sur le petit écran de l’ORTM qui, au terme de sa formation commando, avait fait un reportage sur son parcours à la faveur du 8 mars 2017.
Le rêve secret de devenir douanière
Après les formalités d’accueil d’usage, notre “commando” nous installa dans son salon à l’étage pour un entretien sans tabou.
Avant de rencontrer notre héroïne de la semaine, le reflet journalistique nous a conduits vers un de ses camarades de promotion, en la personne de Mahamane Cissé dit “le Sage”. Qui nous confie ceci : “J’ai fait tout le cycle de l’ECICA avec Fatoumata Papa Ongoïba, mais je ne l’ai pas connue autant que cela. Sur le plan professionnel, en 2012, nous nous sommes retrouvés à Sikasso dans la même escouade pendant six mois. Je retiens d’elle sa générosité, sa jovialité, sa simplicité. En ma qualité de chef de groupe dont elle était un des éléments, Fatoumata Papa m’a facilité le travail, elle était la meilleure. Je garde un souvenir extraordinaire en tant que collègue.”
Impressions de notre héroïne sur ce témoignage ? Dans un sourire sec, Fatoumata Papa Ongoïba dit que toute âme est sensible aux éloges, surtout provenant d’une personne à la sincérité établie comme “le Sage”.
Née à Macina, grandie à Ségou, Fatoumata Papa Ongoïba est orientée au lycée Cabral de Ségou à son admission au D.E.F.
Fascinée depuis ce temps-là par la tenue de la maman d’une de ses amies d’enfance, qui était douanière, elle s’était fixée comme finalité de devenir une soldate de l’économie. Dans ce cas, les études supérieures ne l’arrangent pas. Elle monte la pression sur ses parents, qui finiront par trouver pour elle un transfert pour l’ECICA (Ecole centrale pour l’Industrie, le Commerce et l’Administration). C’est-à-dire qu’elle est venue dans cet établissement très jeune par rapport à bon nombre de ses camarades de classe.
Sortie en 1997 avec le Brevet de Technicien, spécialité Douane, Fatoumata Papa Ongoïba se contenta des stages dans les bureaux de transit de la SOGETRA et à l’UATT, sans oublier les exigences du foyer. Parce qu’entre temps elle s’était mariée, et a suivi son mari dans diverses localités de la région de Sikasso.
Avait-elle abandonné son ambition ? Elle répond qu’une femme est faite pour se marier, avoir des enfants, et se soumettre aux principes du mariage. Seulement, elle attendait l’occasion de se présenter à un concours d’entrée à la douane. Le rêve de sa vie s’est réalisé un 8 avril 2008, date à laquelle elle intègre la douane. Aujourd’hui, elle a de la peine à expliquer l’émotion et la joie qui l’ont animée ce jour. Ce qui est indéniable, elle venait d’atteindre un des objectifs majeurs de sa vie. Ainsi commença sa carrière de douanière. Après un stage de six mois au Centre de Formation des Douanes du Guichet Unique, Fatoumata Papa Ongoïba entame une formation commune de base, à la Direction des Ecoles Militaires (SNJ) sise à Djicoroni Para. A ce niveau, elle est classée 3ème sur un contingent de cent quatre-vingt-dix-neuf (199), et 1ère de la gente féminine.
Les galons de commando
Fatoumata Ongoiba
Mutée à Sikasso, elle y passa six ans (2009-2015), avant d’être affectée au Bureau de Kati. Un an après, elle est retenue pour faire la fameuse formation commando, c’est-à-dire celle des Moniteurs en Intervention Professionnelle, à l’école de la Gendarmerie nationale à Faladié. Au début de l’épreuve, ils étaient cinquante (50) stagiaires, parmi lesquelles vingt-cinq (25) sont tombés à la phase éliminatoire. Et sur le reste du lot, Fatoumata Papa Ongoïba était la seule femme. Durant deux mois, elle a enduré les techniques d’une formation dont les modules étaient axés sur :
– la Maitrise avec l’arme de l’adversaire ;
– la Maitrise sans arme de l’adversaire ; et
– la tactique d’intervention.
Ladite formation sélective et endurante, est réservée à la Gendarmerie, à la Garde nationale et à la Douane. C’est la première fois qu’une femme y participe, surtout au niveau de la Douane. Quelles étaient ses motivations en décidant de s’engager dans une telle aventure ? Ses sentiments après le succès ? Quid des qualités qui lui ont permis de s’imposer ? Fatoumata Papa Ongoïba répond : “Mes motivations sont la suite logique de l’amour que j’ai nourri pour la profession de Douane depuis l’enfance. Aucun effort n’est de trop pour atteindre ses objectifs. A la fin de la formation, j”étais fière d’avoir reçu une formation réservée dans un passé récent aux hommes. Au-delà de ce sentiment, faudrait-il que je reste dans mes bottes. C’est-à-dire que cette formation ne me monte pas par la tête. Je reste égale à moi-même, fruit de mon éducation en famille. Mes qualités sont basées sur les règles de toute administration publique : la ponctualité, l’assiduité, la discrétion, le respect des autres. A défaut de ces qualités, il serait difficile qu’un agent des Douanes réussisse dans sa mission”.
Dotée de qualités extraordinaires, la hiérarchie a jugé nécessaire de l’affecter directement aux Aéroports du Mali. Mais, pour des raisons de famille, Fatoumata Papa Ongoïba a sollicité une affectation pour Kati. En réalité, elle était au chevet de sa maman très malade et par conséquent, elle avoue n’avoir pas le moral nécessaire pour travailler à temps réel dans une zone sensible comme les Aéroports du Mali.
Dernière question à Fatoumata : quel est cet objectif qu’elle compte atteindre dans sa vie ? Réponse : “Ma vie a été rayonnante avec l’aide du bon Dieu : un mari, des enfants (ndlr : quatre dont une fille), un emploi. Après tout cela, mon rêve est de faire une expédition en bateau sur la mer avec mon mari.”
Dans la vie elle aime la sincérité dans toutes ses dimensions, elle déteste la méchanceté.