Les islamistes d`Ansar Dine, l`un des groupes armés contrôlant le nord du Mali, se sont dits prêts lundi à négocier avec le médiateur, le président burkinabè Blaise Compaoré, qui leur a demandé de rompre avec les "terroristes" d`Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Médiateur de la Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest (Cédéao) dans la crise malienne, M. Compaoré pousse au dialogue au moment où la Cédéao accélère le pas en vue de l`envoi éventuel d`une force dans le nord du Mali, tombé aux mains de groupes armés depuis fin mars.
"Nous acceptons la médiation du Burkina Faso, nous empruntons la voie de cette négociation", a affirmé devant la presse Cheick Ag Wissa, porte-parole d`une délégation d`Ansar Dine, à l`issue du tout premier entretien avec M. Compaoré, au palais présidentiel à Ouagadougou.
Dans la foulée d`un putsch le 22 mars à Bamako, l`immense et désertique Nord malien est tombé aux mains du Mouvement national de libération de l`Azawad (MNLA), rébellion touareg à l`idéologie sécessionniste et laïque, et surtout d`Ansar Dine et de son allié Aqmi.
Dirigé par l`ex-chef rebelle touareg Iyad Ag Ghaly, Ansar Dine (Défenseur de l`islam, en arabe) veut imposer la charia (loi islamique) dans tout le Mali. Les jihadistes d`Aqmi commettent depuis plusieurs années des rapts, en particulier d`Occidentaux, dans le Sahel.
A ce premier rendez-vous, le groupe d`Iyad Ag Ghaly a d`emblée été appelé à "clarifier (ses) positions" et à rompre avec Aqmi.
Il faut qu`il "inscrive son action dans la revendication touareg, (...) bien sûr à l`exclusion de toute alliance opérationnelle avec des groupes terroristes", a souligné le ministre burkinabè des Affaires étrangères Djibrill Bassolé.
Option militaire?
"On est là pour clarifier la position d`Ansar Dine (face) au monde", a avancé le chef de la délégation islamiste, Algabass Ag Intalla, soulignant qu`Aqmi, contrairement à son groupe, n`a pas de "doléances à poser à la face du monde".
Au-delà, le ministre burkinabè a plaidé pour "une solution globale négociée de paix".
"Nous allons dans les jours à venir, avec la délégation d`Ansar Dine, travailler sur un agenda global de sortie de crise", a-t-il expliqué, évoquant la nécessité de parvenir à "une plateforme consensuelle minimale" de revendications des groupes armés et des diverses communautés du Nord malien.
Les représentants d`Ansar Dine ainsi que des membres du MNLA, venus séparément échanger avec l`équipe de M. Compaoré - après une rencontre avec le médiateur le 9 juin -, s`apprêtent donc à "repartir sur le terrain" pour des "consultations" en interne et avec les communautés de la région, a indiqué à l`AFP une source au sein de la médiation.
Objectif final, selon la même source: ouvrir des "négociations" entre gouvernement malien, groupes armés et communautés.
Rapprocher les mouvements armés s`avère toutefois difficile. Un projet de fusion entre le MNLA et Ansar Dine a avorté récemment en raison de fortes divergences sur la question de l`application de la charia.
Pendant ce temps, la Cédéao prépare l`envoi, en cas d`échec de la négociation, d`une force militaire de près de 3.300 éléments au Mali. Le Nigeria, le Sénégal et le Niger voisin, qui ne cesse d`exhorter à passer à l`action, fourniraient les effectifs les plus importants.
"La couverture aérienne, les renseignements et la logistique seraient assurés par la France et les Etats-Unis", affirme un diplomate africain dans la région.
Mais "les Burkinabè sont très opposés à une guerre" aux conséquences imprévisibles, souligne un bon connaisseur de l`Afrique de l`Ouest.
L`option militaire reste dans tous les cas encore virtuelle. Le Conseil de sécurité de l`ONU s`est abstenu par deux fois la semaine dernière d`apporter son soutien au projet de force d`intervention au Mali présenté par l`Union africaine et la Cédéao, le jugeant notamment trop imprécis.