Le Vérificateur général a initié une vérification intégrée notamment à la performance et à la conformité de la gestion de la commune urbaine de Ségou au titre des exercices 2016, 2017 et 2018. À l’issue de laquelle la mission a constaté plusieurs irrégularités financières dont le montant s’élève à plus de 48 millions de nos francs. Celles-ci sont relatives aux paiements irréguliers de factures antérieures aux décisions de mandatement pour un montant total de 6 847 550 FCFA ; à la détention irrégulière de 3 380 000 FCFA en espèces dans le coffre-fort du régisseur ; aux paiements de 7 344 340 FCFA et sans les documents de la comptabilité matière ; à la réception non justifiée de 23 287 400 FCFA de matières acquises ; aux dépenses effectuées de 4 693 030 FCFA sans autorisation du Conseil communal ainsi qu’à l’encaissement irrégulier de frais d’édilité pour un montant total de 2 700 000 FCFA.
Évoquant la pertinence de la mission, le rapport rappelle que la décentralisation au Mali s’est concrétisée en 1999 par la mise en place des organes de collectivités territoriales. Et de poursuivre que l’ambition de la décentralisation est d’asseoir la démocratie locale et de promouvoir le développement local. La décentralisation poursuit inexorablement son parcours au Mali et les collectivités territoriales s’affirment au fur et à mesure avec plus ou moins de bonheur en raison des contraintes notamment le faible niveau d’instruction des élus, la non-maîtrise de leurs attributions par les organes délibérants et exécutifs des collectivités, le faible niveau de mobilisation des ressources, les écarts relevés dans certaines gestions dus en grande partie au manque de suivi rapproché, l’insuffisance des contrôles et le faible niveau des ressources.
Il convient de rappeler que la commune urbaine de Ségou, avec une superficie de 23,74 Km2 et une population estimée à 178 412 habitants selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) actualisé en 2018, est une collectivité territoriale dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Ainsi, elle a été d’abord une commune mixte en 1953, puis une commune de plein exercice par la Loi française du 18 novembre 1955. Cependant, durant la période sous revue, le montant total des budgets primitifs de la commune urbaine de Ségou s’élève à près de 17 milliards FCFA. Les organes de gestion de la commune sont entre autres le conseil communal, le bureau communal et les services techniques. Aussi, l’organe délibérant de la commune est le Conseil communal qui est composé de 41 conseillers municipaux.
En ce qui concerne les constatations et recommandations notamment les irrégularités administratives, le rapport indique que celles-ci relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne dans la gestion de la bonne gouvernance, les mesures de performance de la commune urbaine de Ségou, la gestion financière, la gestion domaniale et foncière, la gestion de l’État civil, la gestion du personnel, la gestion du patrimoine.
Quant au respect des principes de la bonne gouvernance, les vérificateurs ont relevé que la mise en place et le fonctionnement des organes délibérant et exécutif ont des insuffisances notamment la non-fonctionnalité des commissions de travail de la commune urbaine de Ségou, l’absence d’informations sur la résidence des membres du bureau communal dans la Commune, le non-respect des délais de convocation des élus communaux, la non-publication des comptes rendus qui remettent en cause la transparence dans la gestion de la commune, la non-élaboration du Programme de développement économique, social et culturel (Pdsec) dans le cadre institutionnel.
Pour les mesures de performance de la commune urbaine de Ségou, il a été constaté que la commune urbaine de Ségou ne procède pas à l’évaluation de ses performances. Ainsi, le Maire de la commune de Ségou a été invité à mettre en œuvre l’outil d’auto-évaluation des performances des Collectivités territoriales ainsi que les résultats des indicateurs de performance pour les élus (Maire et Conseil municipal). En effet, les élus ont obtenu 66% de taux de performance sur les 5 domaines d’activités avec les 33 indicateurs applicables. Ce taux est supérieur à la moyenne. Il est donc assez satisfaisant.
Réception de 23 287 400 FCFA de matériels et fournitures sans les documents requis
Selon le rapport, ce taux peut être amélioré en rendant les Commissions de travail fonctionnel, consultant la population surtout des femmes pour un développement participatif et respectant les délais de transmission des documents aux autorités administratives. Pour les agents communaux, ils ont obtenu 66% de taux de performance sur les 5 domaines d’activités avec 32 indicateurs applicables qui est supérieurs à la moyenne. Et ceci peut être amélioré en remédiant aux absences dans les sessions, rendant les Commissions de travail fonctionnelles, consultant la population surtout des femmes pour un développement participatif et respectant les délais de transmission des documents.
Par rapport à la gestion financière, il ressort que la Mairie de Ségou ne mobilise pas toutes ses ressources fiscales. Ainsi, la mission a constaté que la Taxe de développement régional et local (Tdrl) n’est pas recouvrée et encaissée par la Trésorerie régionale pour le compte de la Commune urbaine de Ségou. Par ailleurs, les vérificateurs ont constaté l’absence de contrôle de cohérence entre les situations de valeurs inactives qui peut entrainer des pertes de recettes ainsi que la non-fourniture par le Régisseur de tous les journaux à souche utilisés au titre des exercices 2016 et 2017.
Selon le rapport, le Maire et le Trésorier payeur ne procèdent pas à l’arrêté de caisses de la Mairie ainsi qu’au contrôle des caisses qui est préoccupant et peut conduire à des déperditions financières. Et de noter que le régisseur d’avance a irrégulièrement détenu la somme de 3 380 000 FCFA parce que la provenance n’est pas connue et ne correspond à aucune décision d’approvisionnement. Aussi, le rapport a déploré des dépenses effectuées non justifiées pour un montant total de 7 344 340 FCFA, la réception des matériels et fournitures pour 23 287 400 FCFA sans les documents requis, l’accord irrégulier des intéressements à des agents pour 4 693 030 FCFA sans autorisation du Conseil communal.
Dans le domaine de la gestion domaniale et foncière, il ressort que la Commune de Ségou n’utilise pas les outils législatifs et réglementaires de planification de l’aménagement du territoire. À ce titre, il a été constaté que la commune urbaine de Ségou ne dispose pas pour l’aménagement du Territoire des outils prévus à cet effet, notamment le schéma national d’Aménagement du Territoire ; le schéma régional d’Aménagement du Territoire ; le schéma local d’Aménagement du Territoire ; les schémas directeurs des grandes infrastructures.
À en croire le rapport, la mission a constaté que le respect des dispositions législatives est déficient à la commune urbaine de Ségou à savoir elle n’a pas délibéré sur la liste des bénéficiaires de parcelles ; ne dispose pas d’une Convention assortie de cahier de charges avec le Ministère chargé des Domaines ; n’a pas effectué d’enquêtes socio-économiques et géographiques pour le projet de réhabilitation ; n’a pas défini la destination de 445 parcelles d’habitation restantes après recasement des ayants droits ; n’a pas mis les tarifs et conditions d’obtention des Concessions urbaines d’Habitation à la disposition des usagers.
Des permis d’occuper irrégulièrement établis
Et de révéler que la Commission technique pour le recasement de Bougounina n’effectue pas régulièrement ses missions entre autres les enquêtes socio-économiques et géographiques permettant de déterminer la situation physique, sociale et économique de la zone à restructurer ; l’assistance à l’organisme chargé de l’étude du projet de restructuration ; l’approbation des phases d’élaboration technique du Projet de restructuration ; les propositions à retenir dans le projet ; la publication du projet suivant une Décision du représentant de l’État qui indique les lieux et la durée de cette publicité. « La mission a constaté que la Commune urbaine de Ségou n’exige pas la fourniture des pièces requises pour des transferts de propriété des Concessions urbaines d’habitation et ainsi que les transformations des transferts des titres de propriété caducs en Concession urbaine d’habitation. La Mairie de Ségou a irrégulièrement établi des permis d’occuper », a mentionné le rapport.
Sur la gestion de l’état civil, il ressort que la commune de Ségou n’a pas fourni tous les actes de tenue de l’état civil. Ainsi, la mission a constaté l’absence d’actes de création de centres secondaires d’état civil, de centres de déclaration de naissance et de décès. Elle a également constaté l’absence d’actes de nomination d’agents de déclaration de naissance et de déclaration de décès. Et une telle pratique peut remettre en cause la fiabilité des informations de l’état civil.
Par rapport à la gestion du personnel, les vérificateurs ont relevé que la Commune de Ségou ne dispose pas de bureau des ressources humaines. Par conséquent, la mission a également constaté que la commune ne s’est pas dotée d’un bureau des ressources humaines et d’un responsable des questions y relatives afin de l’accompagner dans cette gestion ainsi que l’absence de certains documents dans les dossiers du personnel.
En ce qui concerne la gestion du patrimoine, la mission estime que la commune de Ségou ne respecte pas toutes les règles de la Comptabilité matières. Et, la Mairie de Ségou ne dispose pas du tout de personnel requis à la Comptabilité matières notamment le comptable-matière adjoint et le magasinier au sein du bureau comptable-matière de la Commune urbaine de Ségou.
Au titre de la transmission et dénonciation de faits par le Vérificateur général au Président de la section des comptes de la Cour suprême et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier, le rapport précise qu’elles sont relatives aux paiements irréguliers de factures antérieures aux décisions de mandatement pour un montant total de 6 847 550 FCFA ; à la détention irrégulière de 3 380 000 FCFA en espèces dans le coffre-fort du régisseur ; aux paiements de 7 344 340 FCFA et sans les documents de la comptabilité matières ; à la réception non justifiée de 23 287 400 FCFA de matières acquises ; aux dépenses effectuées de 4 693 030 FCFA sans autorisation du Conseil communal ; à l’encaissement irrégulier de frais d’édilité pour un montant total de 2 700 000 FCFA, soit des irrégularités financières d’un montant total de 48 252 320 FCFA.