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Réouverture du dossier de l’acquisition d’un aéronef et fourniture d’équipement aux Famas Une affaire judiciaire qui implique plusieurs personnalités et conforte le rapport du BVG
Publié le samedi 4 avril 2020  |  Aujourd`hui
Cérémonie
© aBamako.com par mouhamar
Cérémonie de remise des équipements informatiques aux structures impliquées dans la gestion et la délivrance du permis de construire
Bamako, le 07 juillet 2014 au gouvernorat du district. Le ministre de l`Industrie et Promotion des investissements : M. Moustapha Ben Barka a présidé ce lundi la cérémonie de remise des équipements informatiques aux structures impliquées dans la gestion et la délivrance du permis de construire.
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L’avion présidentiel immatriculé comme propriété de “Mali BBJ Ltd”
La réouverture de l’affaire de l’acquisition d’un aéronef et fourniture aux Forces armées maliennes de matériels d’habillement, de couchage, de campement et d’alimentation (Hcca), qui avait pourtant été classée sans suite par la justice, a fait secouer la toile la semaine dernière. En effet, sur instruction de l’actuel Garde des Sceaux, le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako en charge du Pôle économique et financier de Bamako a décidé de rouvrir le dossier. Ainsi, il ressort d’un communiqué du parquet que les investigations complémentaires menées par la Brigade économique et financière du Pôle économique et financier de Bamako ont permis de conforter les graves manquements à l’orthodoxie financière et comptable, relevés par le Bureau du Vérificateur Général, avec des faits de détournements de deniers publics sur fond d’opérations frauduleuses au Ministère de la Défense et des anciens combattants pour un montant de 9 350 120 750 Fcfa et de surfacturation par faux et usage de faux pour un montant de 29 311 069 068 Fcfa.

Rappelons qu’à l’issue d’une information judiciaire, les faits de faux en écriture, usage de faux et complicité de ces faits, de complicité d’atteinte aux biens publics par usage de faux, de malversations et de complicité de favoritisme ont été relevés à l’encontre de Sidi Mohamed Kagnassy, Amadou Kouma, Nouhoum Kouma, Soumaïla Diaby, Mahamadou Camara et Marc Gaffajoli, Soumeylou Boubéye Maïga, Bouaré Fily Sissoko et Moustapha Ben Barka.

D’ailleurs, l’ancien ministre Mahamadou Camara et Nouhoum Kouma ont été placés sous mandat de dépôt. Quant aux trois derniers, ils étaient tous ministres au moment des faits. Ainsi, le Parquet a procédé à la transmission des éléments d’enquêtes au Procureur Général de la Cour Suprême pour saisine de l’Assemblée nationale.

Afin d’éclairer la lanterne de l’opinion sur les derniers développements de ce dossier judiciaire impliquant plusieurs personnalités de notre pays nous nous sommes proposés de vous faire la synthèse du rapport du Vérificateur général qui incrimine ces différentes personnalités.

Notons qu’en 2014 suite à une saisine du Vérificateur Général par le Gouvernement, le Bureau du Vérificateur Général avait initié la vérification de la conformité et de la performance de l’acquisition d’un aéronef et la fourniture aux Forces Armées Maliennes de matériels d’Habillement, de Couchage, de Campement et d’Alimentation (Hcca) ainsi que de véhicules et de pièces de rechange.

Par rapport à la pertinence, le rapport indique depuis le mois de janvier 2011, le Mali est plongé dans une crise sécuritaire ayant conduit à l’occupation par des groupes terroristes de ses régions nord. Cette situation s’est gravement détériorée, obligeant ainsi les autorités politiques maliennes de la transition (mars 2012 à septembre 2012) à solliciter l’aide de la France pour rétablir son intégrité territoriale. En réponse à cette demande, poursuit le rapport, des opérations militaires ont été lancées le 11 janvier 2013 contre des groupes terroristes dans le cadre de l’Opération Serval, conduite par la France, à l’appui des forces africaines et maliennes de défense et de sécurité. A cet effet, les impératifs de dotations des forces armées maliennes engagées dans les opérations et celles formées par la Mission d’Entrainement de l’Union Européenne (Eutm) ont servi de contexte au Ministère de la Défense et des Anciens Combattants pour mettre en place une politique d’équipement. Ainsi le Gouvernement du Mali a effectué en 2014 des acquisitions d’un montant de total de 87,77 milliards de Fcfa dont 18,9 milliards de Fcfa pour l’acquisition d’un aéronef destiné au président de la République et 9,18 milliards de Fcfa pour des équipements et matériels destinés aux forces armées.

28 49 901 190 Fcfa d’irrégularités financières dont 12 422 063 092 Fcfa au titre de la fraude

Pour ces acquisitions, un recours a été fait à l’article 8 du Décret n°08-48/PRM du 11 août 2008 portant Code des marchés publics (Cmp) en vue de les exclure du champ dudit Code. Toutefois, au regard de l’insuffisance des ressources budgétaires pour la dotation en matériel nécessaire aux activités planifiées, ainsi que pour l’achat de l’aéronef, le ministre de la Défense a établi un protocole d’accord pour la fourniture d’équipements avec des modalités de paiement pluriannuel. A cet égard, ces dépenses, du fait de leur caractère extra budgétaire, ont fait l’objet d’appréciations divergentes de la part de certains PTF du Mali dont le concours financier est souvent sollicité sous forme d’appuis budgétaires globaux et sectoriels. Pour cette raison, le Gouvernement de la République du Mali a saisi le Vérificateur Général en vue de vérifier, d’une part la conformité, et d’autre part, la performance ayant encadré lesdites acquisitions.

Au chapitre des constatations, la mission de vérification a constaté que le montant total des irrégularités financières s’élève à 28 49 901 190 Fcfa dont 12 422 063 092 Fcfa au titre de la fraude. Il ressort également que le Ministère de Défense et des Anciens Combattants et le Ministère de l’Economie et des Finances font une interprétation erronée et une application inappropriée de la disposition réglementaire relative à l’exclusion de certaines commandes publiques du champ d’application du Code des marchés publics (Cmp). Et d’ajouter que ce recours à l’article 8 du Cmp ne déroge pas à l’application des autres dispositions régissant les finances publiques.

Le rapport note que le montant 18 915 933 927 Fcfa représentant le coût d’acquisition de l’aéronef se décompose comme suit : 17 555 495 175 Fcfa payés à AIC et relatif au prix d’achat de l’aéronef incluant 100 $US de frais bancaires ; 2 850 000 Fcfa payés à AIC relatif à la rémunération de l’agent fiduciaire ; 1 028 039 063 Fcfa payés à Sky Colour au titre des frais de recherche ; 329 548 538 Fcfa payés à Sky Colour relatif aux frais d’inspection de l’appareil, au frais d’immatriculation, aux honoraires d’avocat, à l’armement de l’avion, à la maintenance et à la peinture de l’appareil, à l’achat de fuel pour convoyage de l’appareil à Bamako.

Précisons que ce montant a été reconstitué par l’équipe de vérification sur la base des supports de paiement fournis par le Trésor Public relatifs au Contrat de “Cession-Acquisition d’aéronef” et la fourniture aux Forces Armées Maliennes de matériels (Hcca), de véhicules et de pièces de rechange à 69 183 396 494 Fcfa sous l’empire de l’article 8 du Cmp sans aucune référence légale et dans des conditions qui ne garantissent pas la transparence dans les procédures et qui ne donnent aucune assurance quant à la fiabilité et la sincérité des informations et des transactions. Ceux-ci constituent un risque hautement élevé de fraude.

L’aéronef, immatriculé comme propriété de “Mali BBJ Ltd”

Par ailleurs les vérificateurs ont constaté l’acquisition de matériels et d’équipements en l’absence de toute expression de besoins préalablement et formellement définie ; l’octroi des marchés à des candidats n’ayant pas les capacités requises pour assurer l’acquisition de l’aéronef et la fourniture de matériels Hcca, de véhicules et de pièces de rechange ; le non-respect des procédures d’enregistrement des contrats dans le cadre de l’acquisition de l’aéronef et de la fourniture de matériels Hcca, de véhicules et de pièces de rechange aux Forces Armées Maliennes ; la signature de deux contrats d’acquisition renfermant des insuffisances, la signature d’un protocole d’accord renfermant des clauses contraires aux dispositions relatives aux Lois de Finances et à la comptabilité publique ; l’immatriculation de l’aéronef comme propriété de “Mali BBJ Ltd”.

Il a été également constaté que le Ministre de l’économie et des Finances, pour assurer le financement de l’aéronef, a recouru à un emprunt bancaire de 17 milliards Fcfa en violation de l’article 20 de la Loi de Finances susvisé qui dispose que les émissions d’emprunt sont autorisées par la loi. Or, l’article 14 de la Loi de finances 2014 ne prévoit une contraction de l’emprunt que dans le cadre du financement du déficit budgétaire de 41,2 milliards Fcfa.

Ainsi, le financement de l’acquisition de l’aéronef, objet de l’emprunt, qui n’était pas initialement prévu dans la Loi de finances 2014, a fait l’objet de régularisation dans la Loi de Finances rectificative dont copie a été remise à l’équipe de vérification.

Dans le même cadre, poursuit le rapport, le ministre de l’Economie et des Finances a procédé à des paiements d’acompte de 5,5 milliards Fcfa sur les charges communes, en violation du principe de la spécialité budgétaire.

En effet, l’acquisition d’un aéronef est une dépense d’investissement dont le paiement doit par conséquent, être imputé à la classe de la nomenclature budgétaire.

Or, il ressort des mandats de paiement de régularisation n°200, 201 et 202 tous datés du 8 mai 2014, que 4 milliards Fcfa ont été imputés sur les dépenses exceptionnelles et 1,5 milliard Fcfa sur la participation au fonctionnement. L’imputation aux dépenses exceptionnelles est permise dans pareille circonstance puisque constituant un assouplissement au principe de la spécialité budgétaire. Toutefois, l’imputation à la participation au fonctionnement constitue une violation du principe étant donné qu’elle est destinée à la prise en charge des prévisions de dépenses relatives au fonctionnement des organismes ou établissements publics en cours d’exercice.

De même, le paiement des acomptes et du solde du coût d’acquisition de l’aéronef à hauteur de 18,9 milliards de Fcfa, effectué par avance et avant ordonnancement est une violation des articles 19 de la Loi de Finances 2014 et 2 de la Loi n°9-01 portant principes fondamentaux de la comptabilité publique. En effet, au titre de l’exercice budgétaire 2014, aucun arrêté n’a été pris pour dresser la liste des dépenses à payer sans ou avant ordonnancement, ni un décret pour définir les modalités d’exécution des avances ou acomptes consentis aux entrepreneurs et fournisseurs.

En outre, dans le cadre du financement du protocole d’accord, le Ministre de l’économie et des Finances, a fourni une garantie autonome de 100 milliards de Fcfa sans au préalable ouvrir un compte spécial, qui est de droit pour une telle opération.

En effet, la Loi de Finances de 2014 ne fixe aucun montant maximum des garanties et avals susceptibles d’être accordés par l’état et ne fait cas d’ouverture d’aucun compte spécial. En l’absence du compte spécial pour retracer les garanties et avals accordés, aucune provision ne pouvait être constituée en application de l’article de la loi de finances susvisée.

L’ouverture d’un compte spécial est de nature à faciliter la détermination du montant des garanties et avals et la constitution de la provision. De plus, en violation de l’article 2 de la Loi de Finances susvisé, le Ministère de l’Economie et des finances (Mef) a, dans la convention de crédit à court-terme signée avec la Banque de développement du Mali, autorisé une compensation fiscale en guise de remboursement de l’emprunt. Le Mef en accommodant le financement des deux acquisitions n’a pas respecté des dispositions relatives à la comptabilité publique.

S’agissant de dénonciation des faits au Procureur de la République par le vérificateur général, elle est relativement au détournement et complicité de détournement de fonds publics par l’engagement irrégulier des finances publiques ; à l’utilisation frauduleuse et au détournement de deniers publics d’un montant de 9 350 120 750 Fcfa ; au délit de favoritisme ; au faux et usage de faux ; au trafic d’influence ; aux fraudes fiscales portant sur le non-paiement des droits d’enregistrement et des redevances de régulation, en l’absence de toute autorisation légale d’exemption.

Synthèse de Boubacar PAÏTAO
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