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Sur le vif : Le virus du profit (Bréhima Touré)
Publié le lundi 6 avril 2020  |  L’Essor
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Le coronavirus se répand aux quatre coins de la planète et menace l’humanité dans son entièreté. Notre mode de vie est bouleversé, notre système économique en coupe réglée. Les mégapoles ont l’allure de villes fantômes.




Puissants et misérables, tous sont logés à la même enseigne de l’angoisse. Rien ne semble capable d’arrêter cette invasion. Pas même nos kalachnikovs, nos chars d’assaut, nos bombardiers furtifs, nos porte-avions, nos missiles intercontinentaux… si efficaces pour nous entretuer, mais mal adaptés pour nous débarrasser de ce virus. Et nos richesses colossales ? Il est impossible de se précipiter dans les cliniques huppées à l’étranger où, on a l’habitude de se rendre pour la moindre céphalée. De quoi nourrir des regrets d’avoir oublié d’investir ne serait-ce qu’une partie de l’argent des évacuations sanitaires dans nos structures de santé.

Notre égocentrisme et notre sentiment de toute-puissance sont les conséquences de la contamination par le virus du profit. Ce virus se manifeste par la fièvre de l’âpreté au gain et de la boulimie de l’accumulation des biens. Il cultive en nous l’illusion de pouvoir dompter la nature.

En réaction à nos agressions, cette dernière réagit pour se refaire une santé. Les résultats de l’arrêt de nos activités frénétiques sont déjà perceptibles. Un peu partout à travers le monde, la nature retrouve ses couleurs naturelles. Le ciel est redevenu bleu au-dessus des agglomérations tentaculaires. L’air y est de nouveau respirable car, il est débarrassé des particules nocives rejetées par les cheminées d’usines et les gaz d’échappement des automobiles et des avions.

Opération d’autorégulation de la nature ? Peut-être. Ce qui est sûr, le message est éloquent et il ne tombera pas dans des oreilles de sourds. Car, l’impact de la pandémie sur l’économie est tel qu’il ne manquera pas d’obliger les tenants du libéralisme triomphant à s’interroger sur la viabilité dans la durée du système économique actuel.

Eux qui sont restés inflexibles jusqu’ici face aux pressions des millions de manifestants déferlant, de temps en temps, dans les rues à travers le monde pour réclamer un monde plus juste et plus égalitaire. Ils n’ont pas davantage prêté l’oreille aux sonnettes d’alarme des scientifiques au sujet des conséquences de notre mode de vie sur la planète. La transition écologique peine à prospérer.

Il faut dire que le libéralisme débridé ne s’embarrasse pas de pratiques néfastes à la nature et par ricochet à notre existence sur terre. Sa devise : encore et toujours plus de profit. Les puissants médias à sa solde nous rabattent les oreilles sur son caractère incontournable, en dissimulant sous le tapis ses dérives se traduisant par des ravages sur l’environnement et par des inégalités. Lesquelles inégalités provoquent, de temps en temps, des éruptions de violence.

Il place à la tête des grands pays des pouvoirs qui incarnent ses intérêts jusqu’à la caricature. Si c’est efficace pour mettre sous l’éteignoir les ardeurs révolutionnaires des laissés pour compte, apparemment ça ne l’est pas pour la nature qui répond par des inondations, des sécheresses, des cyclones et aussi par l’apparition de plus en plus fréquentes de pathologies nouvelles. Le coronavirus en est la dernière manifestation.

La logique de production intensive pour créer toujours plus de richesses nous conduit à étendre sans arrêt nos implantations. Les déforestations qui en résultent, privent les animaux de leurs habitats naturels.

Depuis longtemps, les scientifiques attirent l’attention – sans grande chance d’être entendus – que la destruction des habitats des bêtes accentue les contacts avec l’homme. C’est le cas aussi avec l’élevage intensif dans des espaces réduits où des milliers d’animaux entassés, entrent en contact avec l’homme. Résultat : les bêtes nous transmettent les microbes de certaines pathologies meurtrières.

C’est ainsi que les vaches sont à l’origine de la rougeole et de la tuberculose, la coqueluche est due aux cochons, la grippe aux canards. On doit Ebola à la chauve-souris (Monde diplomatique de mars 2020).

Pas moins de 900 nouveaux virus liés à l’extension des installations humaines dans la nature ont été identifiés par les chercheurs du programme Predict, financé par l’USAID.

Le coronavirus fait partie des virus aux souches jusqu’ici inconnues.
Au Mali, nous continuons à couper les arbres de nos maigres massifs forestiers, exposant nos terres à l’érosion et réduisant les terres agricoles. Les campagnes de reboisement, au cours desquels on nous répète que nous perdons 100.000 ha de forêts chaque année, sont devenues des rendez-vous juste pour se donner bonne conscience.

À quoi bon priver les bêtes de leurs habitats naturels si nous devons les côtoyer ensuite ? À quoi bon privilégier le bonheur individuel en oubliant qu’il dépend de celui du collectif ? La pandémie à l’origine de nos malheurs aujourd’hui apporte des réponses de façon dramatique.

B. TOURÉ

Source : L’ESSOR
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L’Essor N° 17187 du 17/5/2012

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