D’après les résultats publiés le week-end dernier par la Commission électorale de la Guinée, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), parti présidentiel, a remporté les législatives du 22 mars 2020 avec 79 sièges sur les 114 que compte l’Assemblée nationale. Ce qui correspond à plus des deux tiers des sièges. Cela ne surprend guère dès lors que ces scrutins législatifs et le referendum constitutionnel ont été boycottés par les principaux partis de l’opposition et les organisations de la société civile, regroupés au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC).
Quelques jours plus tôt, les résultats du référendum à la Soviétique – 91,59% de Oui – étaient fournis par la même Commission électorale et validés par la Cour constitutionnelle. Le pouvoir guinéen n’a pas hésité à braver la pandémie du Covid-19 pour parvenir à ses fins : majorité absolue à l’Assemblée nationale et promulgation de la Constitution.
Ainsi ouvert, ce boulevard politique permettra à Alpha Condé de remettre le compteur politique à zéro, d’être candidat à la future présidentielle et de garder le pouvoir avec ses affidés ! Le recours à la violence n’est pas à exclure pour réprimer toute velléité de l’opposition qui, réduite à se faire entendre dans la rue, finira par céder à l’usure du temps.
Toutefois, la crise politique en Guinée est loin de connaître son épilogue de cette manière. Dans une déclaration publiée au lendemain de la diffusion des résultats provisoires du double scrutin par la CENI, le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) s’est dit «horrifié par l’ampleur des tueries et l’existence de fosses communes creusées le 25 mars 2020 par les autorités guinéennes à Nzérékoré, tout en réitérant son interpellation aux organisations nationales et internationales de défense des Droits de l’homme et à la communauté internationale pour diligenter une enquête indépendante en Guinée».
Des tirs croisés sur la gouvernance du régime Condé proviennent de plus en plus de l’extérieur de la Guinée. C’est le cas notamment d’un regroupement dénommé Collectif pour une Transition en Guinée (CGT). Composé d’intellectuels et d’artistes de renom, ce Collectif tire la sonnette d’alarme sur la voie funeste sur laquelle la Guinée s’est engagée avec ce double scrutin. «Une indigence morale tient en otage le devenir démocratique de la Guinée», s’indigne le professeur de philosophie, Amadou Sadio Barry, dans une tribune.
La Guinée à l’instar du Benin de Patrice Talon connaîtra, sans nul doute, des moments difficiles. Lorsqu’un pouvoir s’investit à effacer son opposition du cadre parlementaire, il va sans dire que cette dernière va se radicaliser pour affronter ses oppresseurs, telles les scènes que l’on a connues au lendemain des dernières législatives controversées auxquelles toute l’opposition a été empêchée de participer. Depuis, M. Talon dirige le Benin comme sous un régime de parti unique. Une voie que le Chef de l’Etat guinéen est clairement en train d’emprunter. Mais ce qui a été possible au Benin peut-il fonctionner en Guinée ?