Le Président de la République du Mali s’est adressé, pour la deuxième fois depuis le début du COVID 19, à la nation pour annoncer des mesures sociales fortes en faveur des plus démunis et des entreprises les plus vulnérables. IBK a donné lui-même le ton en renonçant à trois mois de salaires, deux pour son Premier ministre, un mois pour les ministres et une contribution de taille pour les chefs d’institution. Le discours présidentiel a été tenu avec la solennité requise et dans un ton à la fois attendrissant et grave. Des belles promesses, mais au relent utopique tant les fonds annoncés sont difficiles à réunir dans un contexte socio-économique morose et surtout dans une psychose due à la mauvaise gestion, ce qui compliquerait la contribution des bailleurs de fonds.
Ce fonds ne va-t-il pas être géré comme ceux de la loi d’orientation et de la programmation militaire ? Ou bien des 15 % du budget alloués à l’agriculture qui s’est soldé par un vaste détournement ? Ou encore des fonds collectés pour soutenir l’effort de guerre sous la transition ?
Le discours présidentiel est séduisant et plein d’espoir dans la forme, mais flou, discriminatoire et utopique dans le fonds. Il donne l’impression du déjà entendu tant il y a eu des fonds mobilisés, mais qui ont fini dans les poches de quelques individus. C’est le cas de la gestion des 1230 milliards décaissés dans le cadre de la Loi d’orientation et de la programmation militaire, mais qui semble avoir été utilisés pour d’autres fins. Qui ne se rappelle pas des milliards consécutifs au 15 % du budget pour soutenir l’agriculture ? Ce fonds devrait servir à acheter des tracteurs et des intrants agricoles pour être accessibles à un plus grand nombre de paysans et à des prix très abordables, mais ils ont pris une autre destination et ont donné lieu à un vaste scandale de corruption touchant le sommet du pouvoir. Que dire de la gestion des milliards collectés pour soutenir les Forces armées du Mali en guerre contre le terrorisme. L’on se souvient des milliards déboursés pour l’achat des équipements militaires et qui font aujourd’hui l’objet d’enquêtes pour détournement
Revenons-en à la promesse présidentielle des 500 milliards. La première question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir comment en période de récession économique l’Etat pourra-t-il mobiliser ce fonds, sans l’aide des bailleurs ? Quant à l’utilisation de ce pactole dont 100 milliards serviront à venir en aide aux familles les plus vulnérables ; sur la base de quels critères ces familles seront-elles choisies étant entendu que 90 % des familles maliennes sont vulnérables ? Quant à la gratuité de l’électricité et d’eau pour ces mêmes familles démunies comment se fera la sélection ? Et celles qui ont des compteurs prépayés ? Qui sera cette personnalité moralement intègre à la tête de la commission chargée de gérer ce fonds quand on sait que la corruption a gangréné l’Etat malien, dans tous ses compartiments
Le projet semble déjà vouer à l’échec, parce que le Président a oublié dans son discours ceux qui sont à plus de deux mois sans salaires, à savoir les enseignants. Quel sort sera réservé aux populations qui sont dans des zones non accessibles à l’Etat ? Comment comprendre que le Président IBK puisse parler de soutien aux plus démunis sans faire allusion à 70 000 enseignants confinés depuis plus de trois mois dans la précarité sans salaires.
Tout porte à croire que la gestion de ce fonds, que l’Etat aura d’ailleurs de la peine à réunir, sera encore donnée à ceux qui ont échoué ailleurs ou aux cadres du parti présidentiel qui vont en faire un moyen d’implantation et de remobilisation des militants. Quant au soutien aux entreprises, ne seront concernées que celles qui sont inféodées au régime ou qui appartiennent aux plus hauts placés. S’agissant des 56 000 tonnes de denrées de première nécessité qui doivent être distribuées gratuitement à celles qui en ont besoin, il y a une forte odeur de détournement à ce niveau également. Il faut même craindre que ces denrées ne servent à alimenter les magasins de certains commerçants proches de ceux qui sont chargés de gérer le stock.
En définitive, nombreux sont les citoyens qui s’interrogent sur la réalisation des promesses présidentielles quand on sait qu’il n y a ni données statistiques fiables sur le nombre de familles vulnérables, ni moyens financiers conséquents pour réaliser cet ambitieux projet, encore moins des cadres valables et moralement irréprochables pour gérer avec transparence tous les fonds qui seront alloués pour la circonstance.
Youssouf Sissoko