La maladie du coronavirus occupe l’essentiel de l’actualité mondiale y compris chez nous au Mali. La dangerosité de la situation et les potentiels périls à l’horizon ne doivent échapper à personne. Mais doit-on oublier que le coronavirus médical est venu trouver chez nous au Mali un terrible coronavirus sécuritaire qui est tout autant dévastateur. C’est pourquoi la recherche de l’antidote à ce type de coronavirus aussi ne peut être mise entre parenthèses.
Voilà une année, depuis les évènements de Ogossagou 1, en mars 2019, que nous intervenons régulièrement dans la presse nationale sur le conflit qui mine la vie des populations de la zone exondée de la Région de Mopti. L’essentiel de ces interventions a consisté, soit à expliquer les faits, soit à dénoncer les abus, d’où qu’ils viennent. En réaction, beaucoup parmi nos lecteurs nous ont reproché « de seulement critiquer et de ne pas proposer des solutions ». C’est pour cette raison, entre autres, que nous nous sommes sentis tenu de relever ce défi, dans les lignes qui suivent.
Les explications et propositions qui sont faites ici, sont les fruits d’une longue et profonde réflexion sur les évènements qui se sont passés dans la zone depuis 2012. Elles résultent également de notre connaissance de la région, de son histoire, de ses hommes et des évènements qui s’y sont déroulés depuis plus de 60 ans. Nous ne sommes pas étranger aux milieux du « Pays Dogon » qui est notre milieu d’origine. Nous avons été témoin direct et quelques fois, parmi les acteurs anonymes de l’extraordinaire métamorphose qu’a connue la zone sur le plan climatique et écologique et sur le plan démographique et social. Nous avons suivi avec attention l’évolution des modes de vies et des mentalités des habitants, dont nous sommes et comment ces dernières années les germes de ce conflit ont été ensemencés par des esprits retors, à un moment où l’Etat n’existait plus que de nom sur le terrain. Nous avons donc estimé, que nous pouvons témoigner pour contribuer à favoriser la manifestation de la vérité et pour aider à restaurer la paix et le vivre ensemble dans la zone.
Pour notre part, en tant que fils du terroir, nous pensons que nous faisons une analyse sereine et objective de la situation. Cette analyse pourrait, nous l’espérons, servir à la fois aux dogons, aux peulhs, à l’Etat, voire à d’autres personnes pour aider à baliser les chemins de la paix. Aussi, nous invitons instamment tous nos compatriotes à lire très attentivement et à méditer les thèses présentées ici.
Pour résoudre un problème, il faut bien le cerner, l’analyser avant de penser aux éventuelles solutions. Notre texte est structuré autour de ces deux points.
Le contexte et les causes du conflit
De fins observateurs ont pu constater que depuis près de trois décennies, la cohabitation avec les peulhs pesait beaucoup à certains milieux dogons, pour diverses raisons. Il s’agirait, selon ces observateurs, principalement de deux raisons.
La première serait liée à d’obscurs motifs historiques, faits de ressentiments anti peulhs, à cause d’une supposée ancienne domination historique des peulhs sur les dogons. De ce fait, les uns et les autres (dogons et peulhs) traineraient dans leurs relations des complexes de supériorité ou d’infériorité qui rendraient leur cohabitation difficile, voire impossible. En fait, cette raison expliquerait l’apparition de la campagne contre l’emploi de l’ethnonyme « kado », largement répandu, en faveur de l’auto ethnonyme « dogono ».
La deuxième raison, elle, serait liée à de réelles et fortes convoitises sur les ressources naturelles, terres et pâturages majoritairement détenues et contrôlées par les peulhs, dans un contexte de raréfaction drastique de ces ressources, du fait de la péjoration climatique et d’une forte explosion démographique.
Toutefois, nous sommes convaincus que même si ces raisons ne sont pas totalement dénuées de fondements, elles n’expliqueraient pas à elle seules, l’actuelle explosion de la violence anti peulhe, son niveau de cruauté et sa persistance malgré les innombrables efforts d’apaisement déployés.
Les chercheurs étrangers aiment souvent souligner que les communautés peulhes et dogons vivent côte à côte sans s’interpénétrer. Mais c’est là une thèse à relativiser quelque peu. Nous qui sommes de la zone et du milieu, nous savons que les influences réciproques entre dogons et peulhs sont non négligeables. Des générations entières de dogons et peulhs ont vécu côte à côte et souvent ensemble dans les zones urbaines. Peulhs et dogons se sont ainsi pratiqués de façon intense et variée, dans les plaines, surtout après la colonisation, depuis plus d’un siècle (127 ans depuis 1893). Cette relativement longue cohabitation a laissé quand même des traces, surtout sur les plans des mœurs et de la culture. Aussi, que les dogons et les peulhs le veuillent ou non, culturellement, les peulhs de la zone exondée sont un peu dogons et les dogon de la même zone sont un peu peulhs. Il faut également noter que jamais, par le passé, les relations ou contrariétés entre peulhs et dogons n’avaient débouché sur un affrontement généralisé, une guerre entre les deux ethnies. Avant et pendant la colonisation, une telle situation était simplement impensable et après les indépendances, à l’apparition des premiers signes de velléités des uns et des autres, l’Etat qui était fort, avait toujours su les contenir dans les limites du tolérable.
Aujourd’hui, profitant de la faiblesse de l’Etat, les promoteurs et animateurs de Dan Nan Ambassagou qui ont voulu de ce conflit de toutes leurs forces ont opportunément utilisé en leurs faveurs la crise sécuritaire contre le djihadisme et le terrorisme. Ils ont préparé cette guerre contre leurs communautés peulhes avec préméditation et minutie en menant une habile campagne de désinformation pour s’assurer du soutien et de la compréhension de larges milieux qui souvent ignorent tout des réalités de la zone. Adossés à certains milieux politico-sécuritaires du pays et étant convaincus qu’ils avaient l’appui politique de l’Etat du Mali, ils ne doutaient pas un seul instant que les objectifs qu’ils s’étaient fixés, expulser définitivement les peulhs de la zone, allaient être pleinement atteints et en un temps record. Mais l’expérience montre tous les jours et pas qu’au Mali seulement, que déclencher une guerre et même gagner des batailles, ne signifie pas à tous les coups la gagner définitivement. Il est toujours difficile de maitriser tous les paramètres de l’évolution d’une guerre. Mais les va-t-en-guerre oublient assez souvent les leçons de l’histoire. Telle est aujourd’hui la situation dans la zone exondée de la Région de Mopti.
Maliens, frères dogons er peulhs, le mensonge a assez duré. Il est temps pour tout le monde d’ouvrir les yeux, de regarder la vérité en face et d’arrêter l’effusion inutile du sang d’innocentes victimes maliennes, d’innocentes victimes peules et dogons. Le conflit dans le dit « Pays Dogon », notamment dans le Gondo, le Séno et le Hayré est tout sauf une lutte anti djihadiste, une lutte contre les terroristes. C’est en réalité une guerre ouverte et meurtrière qui est menée au nom d’une ethnie trompée et manipulée par certains de ses propres enfants contre une autre ethnie sœur, coupable d’avoir un jour accueilli et installé ses bourreaux d’aujourd’hui sur ses propres terres et d’être devenu entretemps minoritaire. Voilà la triste réalité.
D’ailleurs, dans cette zone, aujourd’hui, c’est assez réducteur que de parler de conflits entre agriculteurs dogons et éleveurs peulhs. Les dogons sont autant éleveurs que les peulhs et les peulhs sont tout autant agriculteurs que les dogons. Ce qu’on ne dit pas assez, ce qu’on veut taire, c’est que les terres et ressources exploitées par les uns et les autres relèvent pour la plupart du contrôle des peulhs qui en ont donné accès à tous ceux qui les exploitent. En fait, c’est cette situation qui est ressentie comme insupportable pour beaucoup de dogons qui estiment qu’il faut changer radicalement la donne par la liquidation pure et simple de la présence peulhe dans la zone. Estimant qu’avec la mise en place de Dan Nan Ambassagou, avec l’appui de l’Etat, ils disposent, enfin, de moyens pour le faire. Si non, les simples conflits entre éleveurs et agriculteurs ont toujours été résolus par les voies de règlements traditionnels ou à défaut par la voie judiciaire. Si pour cette fois ci, ces recours ont été totalement inopérants, il faut dire bloqués, c’est que, il faut se rendre à l’évidence, le conflit revêt en réalité un autre caractère, différent de ce qu’il a été jusqu’ici. C’est en fait un conflit politique pour le contrôle des terres et ressources de l’ensemble de la zone, conflit initié et porté par les véritables promoteurs et animateurs de Dan Nan Ambassagou, sans mandat du peuple dogon. Mais, il faut le noter aussi, pour le déplorer, sans son opposition résolue et sans équivoque. En effet, au cours des années 2016 et 2017, en prévision du déclenchement des expéditions meurtrières contre les populations civiles peulhes dans les villages, hameaux et pâturages, Dan Na Ambassagou a organisé dans tous les villages dogons des réunions de mobilisation et de sensibilisation des communautés villageoises dogons sur le thème de l’expulsion des peulhs du « Pays Dogon ». L’Etat, ainsi que les notabilités politiques et morales de la communauté dogon étaient tous bel et bien au courant de ce qui se tramait. Pourquoi, ont-ils laissé faire ? L’Etat s’est tu parce qu’il avait besoin de justifier l’existence de sa milice sur laquelle il croyait pouvoir compter. Quant aux notabilités politiques et morales de la communauté dogon, certains ont pu pécher par excès de prudence ou simplement par peur de s’attirer les foudres de Dan Nan Ambassagou. Mais, la vérité pourrait être aussi que beaucoup d’autres d’entre elles n’ont pas senti le piège venir et ont été sensibles aux thèses mensongères et criminelles de Dan Nan Ambassagou et les ont épousées, parce que mus par les ressentiments et l’envie. Ce faisant, ils ont oublié le devoir de solidarité, d’assistance et de protection qu’ils avaient à l’égard de leurs frères de la communauté peulhe, leurs hôtes, avec lesquels ils vivent depuis toujours. Ils ont préféré faire abstraction du fait que quand la communauté peulhe avait en sa faveur et le poids démographique et le pouvoir politique et les terres et ressources de la zone, elle n’a pas agi comme elle est traitée maintenant.
Au même moment, l’Etat a laissé circuler sans opposition et sans mise en garde ferme aux responsables de Dan Nan Ambassagou qui en étaient souvent les auteurs ou inspirateurs, d’innombrables messages audio haineux appelant ouvertement à l’expulsion et à l’extermination des peuhls. Les peulhs de la zone ont été interdits de fréquenter les marchés, leurs produits ont été boycottés et ils ne pouvaient même plus voyager sans danger dans les transports en commun. Sans parler des assassinats barbares et gratuits sur d’innocentes personnes parce qu’elles sont peulhes. Tout cela a été concédé à Dan Nana Ambassagou par l’Etat qui n’a non seulement pas dénoncé les crimes, mais, pire, s’est évertué à les taire dans les médias d’Etat. Donc, ne parlons pas de punir les criminels. Même ceux qui dans la communauté dogon ont osé protester, l’Etat a laissé Dan Nan Ambassagou les punir et les bannir. Des exemples de chefs de villages dogons humiliés, attachés, emprisonnés et contraints à payer des amendes pour avoir seulement refusé de verser dans la haine et les violences gratuites anti peulhes, peuvent être cités. Dan Nan Ambassagou et ses inspirateurs et soutiens n’ont pas senti jusqu’ici qu’il y avait un rubicon à ne pas franchir.
Dans ses messages, lors des réunions villageoises avant le déclenchement des attaques massives contre les villages peulhs, Dan Na Ambassagou faisait miroiter aux agriculteurs dogons les avantages qu’il y avait à se partager les terres des peulhs lorsqu’ils auront été expulsés des terroirs. Pour qui connait les besoins et la convoitise des terres dans la zone et l’attachement des agriculteurs à cette ressource, il comprendra que « l’accord tacite » des populations n’a pas dû être difficile à obtenir, surtout si, en même temps, Dan Nan Ambassagou leur faisait croire (à tort ?) qu’elle agit avec la bénédiction de l’Etat. Voilà la vraie raison de la guerre anti peulhe dans les plaines du Gondo, du Séno et dans le Hayré. Djihadisme et terrorisme n’ont été que des prétextes commodes pour camoufler les véritables motifs de la cabale et violence anti peulhe dans cette zone.
La possible solution de la crise
Aussi, on aura beau réunir des colloques, instituer des cercles de réflexion ou des Représentants spéciaux, on aura beau épiloguer sur les causes réelles et profondes de la crise sécuritaire dans la zone exondée de la région de Mopti, on sera toujours à « côté de la vérité et de la solution » si on ne prend pas en compte comme cause profonde et persistante du conflit, la volonté de certains milieux extrémistes dogons qui animent Dan Na Ambassagou d’expulser coûte que coûte les peulhs de ce qu’ils ont décrété, sans aucun fondement historique et abusivement « Pays Dogon ». Il ne sera pas également possible de ramener la paix, si on ne prend pas en compte le sentiment d’impunité, à cause du soutien supposé de l’Etat du Mali que ces milieux pensent avoir pour arriver à leurs fins. Tant que ces milieux radicaux à tous les niveaux n’auront pas perdu leurs dernières illusions, la guerre et les violences perdureront et aucune négociation ou démarche ne pourra aboutir.
Aujourd’hui, Dan Nan Ambassagou intimide fortement les intellectuels, les notabilités, les hommes politiques et tous les hommes de bonne volonté et influents des milieux dogons qui n’épouseraient pas sa vision et sa démarche sanguinaire. Le fait d’avoir noyauté les associations et organisations de la société civile dogon, pour contrôler de larges couches de cette société cache mal qu’en réalité Dan Na Ambassagou embrigade plus qu’il ne convainc par la pertinence de ses analyses et approches politiques.
Dan Na Ambassagou, tant qu’il aura de la force ou de l’influence s’oppose et s’opposera à ce que les populations et les sociétés civiles (peulhes et dogons) s’entendent entre elles dans leurs terroirs ou au niveau national si ses objectifs ne sont pas atteints. Aussi, il ne faut plus continuer à se leurrer, la présence de Dan Nan Ambassagou est le principal facteur qui bloque l’avènement de la paix et du vivre ensemble. C’est pourquoi il n’y aura pas de paix dans la zone sans la neutralisation et la mise à l’écart de Dan Nan Ambassagou!
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la communauté dogon ne regrettera nullement Dan Na Ambassagou qui par sa déviance n’a pas contribué à sa sécurité. Au contraire, on peut estimer qu’au moins 95% des victimes dogons sont en réalité imputables à Dan Nan Ambassagou également, car elles sont tombées suite à des représailles contre les actions menées par Dan Nan Ambassagou contre des villages peulhs. D’autre part, cette milice a également causé énormément de tort morale à l’ensemble de la communauté dogon en associant son nom à des actes les plus ignobles et en contribuant à faire réapparaitre des atavismes culturels que l’on croyait révolus à jamais. La communauté dogon, même si elle ne l’avoue pas, a aujourd’hui besoin d’être libérée du joug de Dan Nan Ambassagou dont l’avènement a été pour elle aussi synonyme d’innombrables malheurs (guerres, destructions, famine, exode, etc.).
Il faut reconnaitre et souligner que l’Etat, à travers ses services de sécurité a été très mal inspiré en pensant pouvoir s’appuyer sur la milice Dan Nan Ambassagou qui manquait de sagesse et de discernement et lui a caché qu’elle n’avait pas le même agenda que lui. S’il a la volonté, l’Etat a aujourd’hui assez de recul et assez de données concrètes et de premières mains pour évaluer objectivement l’apport de Dan Nan Ambassagou dans la lutte contre les vrais terroristes. Si l’Etat fait objectivement cette évaluation, il sera, sans aucun doute, amené à réévaluer sa position vis-à-vis de de cette milice pour sauver ce qui reste du pays au Centre.
Dans la zone exondée de la Région de Mopti, c’est lui, l’Etat qui nous a amené Dan Nan Ambassagou et ses problèmes de « Pays Dogon » ou de Pays X ou Y. Donc c’est à lui d’abord, l’Etat, qu’incombe la tâche de nous en débarrasser, s’il veut réellement que la paix revienne. La difficulté pour ce faire, pourrait se situer au niveau de la possible réaction négative de certains milieux de l’armée et des services de sécurité qui soutiendraient Dan Nan Ambassagou. Ces milieux devront à la fin choisir entre le Mali et Dan Nan Ambassagou qui n’est qu’une milice qui est loin de représenter, même tous les dogons à fortiori le Mali. Si cette création de l’armée et des services secrets du pays gêne plus qu’elle ne sert, il ne devrait y avoir, en principe, aucune difficulté pour s’en défaire. Sauf s’il y a des intérêts économiques de certains milieux haut placés des cercles politico-sécuritaires du pays qui soient en jeu. Mais, même dans ce cas, devant la raison d’Etat, ces cercles devront se résoudre à l’accepter.
L’Etat et la communauté dogon n’ont rien à craindre des peulhs en cas de dissolution effective de Dan Na Ambassagou. Les Peulhs n’ont aucun intérêt à la guerre, s’ils n’y sont pas contraints pour défendre leur vie. Donc, s’ils sont assurés de ne pas être attaqués, ils ne vont pas faire la guerre qu’ils ont voulu éviter par tous les moyens en leur possession. Il faut noter que les peulhs n’ont pas de prétentions envers des terres d’autrui à faire valoir par la force. En réalité, c’est eux qu’on veut plutôt déposséder de leurs terres et expulser de leur pays décrété « Pays Dogon ».
L’imbroglio dans le Delta intérieur du Niger et la zone exondée de la Région de Mopti, avec la présence et les affrontements entre les différentes milices pollue et gêne la résolution de la crise. Il est nécessaire de décanter la situation en dissociant la guerre dans le « Pays Dogon », qui est une guerre intercommunautaire, une guerre anti peulhe dans laquelle Dan Nan Ambassagou tient coûte que coûte à faire intervenir l’Etat et le maintenir à ses côtés, de la lutte contre le terrorisme qui est une cause nationale. L’Etat doit se sortir de ce guet-apens dans lequel il n’aurait jamais dû tomber.
C’est à l’Etat, qui détient toutes les informations et données nécessaires, de travailler à obtenir la paix dans la zone exondée de la Région de Mopti. Pour cela, il devra, sans louvoyer se résoudre à prendre les mesures suivantes, peut être difficiles à première vue pour lui, mais salutaires pour le Mali :
Reconnaitre et déclarer publiquement qu’il y a une différence nette entre la lutte contre le djihadisme et le terrorisme et les expéditions meurtrières contre les populations civiles peulhes innocentes survenues dans la zone exondée de la région de Mopti ; il s’agit de deux phénomènes différents qui doivent être fermement combattus de front, sans complaisance et au même niveau, mais ne pas les confondre ;
Avoir clairement une réelle volonté politique d’imposer la paix juste et équitable aux belligérants, la milice dogon Dan Na Ambassagou et les combattants peulhs qui cherchent à reconquérir leurs villages rasés. Ceux-ci ne sont ni djihadistes, ni terroristes, mais des insurgés qui défendent une cause juste et qui combattent pour leurs droits bafoués ;
Que l’Etat reconnaisse les fautes commises à l’endroit des deux communautés dogon et peulhe et s’engage à les réparer :
Que l’Etat déclare solennellement qu’au Mali, officiellement, il n’y a ni pays malinké, ni pays bambara, ni pays dogon ou pays peulh, cela conformément à sa législation qui ne prévoit ces dénominations dans aucun de ses schémas, ni institutionnel, ni administratif, ni organisationnel, et que les maliens où qu’ils soient, sont chez eux ;
Que l’Etat déclare solennellement qu’il s’oppose et s’opposera de toutes ses forces à l’expulsion de toutes les populations (dogons et peulhs) de leurs zones d’habitation et qu’il ne cautionnera aucun fait accompli sur la base de la guerre et/ou de la violence :
Que l’Etat, de ce fait, s’engage à ramener, à réinstaller et à dédommager toutes les populations déplacées dans leurs lieux d’origine et à assurer effectivement leur protection, ainsi que celle de leurs biens ;
Que pour des raisons d’Etat, le gouvernement désarme effectivement la milice Dan Nan Ambassagou et tous les groupes d’autodéfense peulhs. Il s’agit de choisir entre sauver le pays et satisfaire les lubies des extrémistes de Dan Nan Ambassagou. S’il le faut, que le gouvernement demande à ses partenaires de la Minusma et même de Barkhane de l’aider dans cette tâche. En obtenant la réelle dissolution de Dan Nan Ambassagou, son désarmement complet et effectif et la cessation de toutes ses activités subversives, l’Etat ôtera aux milices peulhes leur principale raison d’être aujourd’hui. Et l’Etat pourra alors négocier sereinement avec les vrais djihadistes s’il le souhaite ou les combattre fermement, si tel est son choix.
Que l’Etat assure le jugement de tous les criminels de guerre ou à défaut qu’il transmette, sans délai, leurs dossiers à d’autres juridictions, notamment la CPI.
Voici, selon nous, le chemin le plus juste, le plus sûr et le moins coûteux pour parvenir à la paix et à la concorde entre dogons et peulhs au centre du pays, notamment dans la zone exondée de la Région de Mopti. Le chemin de la paix est là, tout tracé. Mais pour l’emprunter et commencer les actions pour la mise en œuvre de cette paix tant désirée, il est nécessaire pour le pays d’avoir un pouvoir politique responsable et courageux et qui accepte d’assumer ses responsabilités jusqu’au bout.
Bamako, le 14 avril 2020
Pr Bouréima Gnalibouly DICKO