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Championnat national de nomadisme : A qui Ladji Bourama remettra le 1er prix ?
Publié le mardi 13 aout 2013  |  Le Procès Verbal




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De 1993 à 2013, la transhumance politique a acquis, sous nos cieux, ses lettres de noblesse. Petite revue de détails des spécialistes de ce dur métier qui se montre parfois très ingrat…

Ceux qui ont inventé le mot « transhumance » pensaient aux animaux (camelins, bovidés, etc.) qui, en milieu aride, vont d’un lieu à un autre à la recherche des rares points d’eau et de pâturage. Nul n’a pensé que le mot s’appliquerait un jour aux humains.Or chez nous, les transhumants à deux pieds deviennent infiniment plus nombreux que ceux à quatre pattes et, curieusement, cette noble activité semble beaucoup plus pratiquée au sud que dans le désert.Il est vrai que ledit désert reste infesté de jihadistes et qu’à vouloir tout le temps transhumer çà et là, on risque de tomber sur les tueurs de Belmokhtar ou d’Iyad Ag Ghali.

En 1993, Maître Boubacar Karamoko Coulibaly ouvre le bal des transhumants. Avocat stagiaire au cabinet de l’ancien bâtonnier Idrissa Traoré, il est proposé au gouvernement par son maître de stage qui, par ailleurs, dirige le parti PDP. Alpha Oumar Konaré le nomme ministre des sports dans un gouvernement dit de « large ouverture ». Autrement dit, un gouvernement de …large marmite. Bientôt se gâtent les justes noces entre le pouvoir et le PDP. Ce parti demande à « son » militant de se retirer du gouvernement mais patatras! Maître Coulibaly refuse tout net.En revanche, il accepte l’offre de Konaré de rester au gouvernement, non plus en qualité de représentant du PDP, mais en tant que « simple citoyen ». Celui que l’on surnomme désormais « Bakary le Citoyen » reste en poste jusqu’à la fin des deux mandats de Konaré. Il est l’ancêtre des transhumants et, à ce titre, mérite un brévet avec effigie « chameau enturbanné ».

« Bakary le citoyen » fera des envieux puisqu’à force de déguster des gâteaux au beurre, il triplé de poids en 10 ans. Du coup, dans les états-majors politiques, tout le monde jure de ne plus rater une occasion de transhumer. Ainsi, quand Mountaga Tall, président du CNID, demande aux ministres de son parti de démissionner du gouvernement, ils l’envoient dans le décor, quittent le parti avec armes et bagages pour aller créer le PARENA. Ils s’en porteront fort bien: le président Konaré, grand promoteur de transhumance devant l’Eternel, leur donnera plusieurs ministères, notamment celui de la justice où nul n’est jamais mort de faim. Konaré, qui a le sens de la farce, crée même de toutes pièces le « ministère des zones arides et semi-arides » pour le confier au transhumant en chef du PARENA, Tiébilé Dramé! Qu’y a-t-il de mieux qu’un transhumant pour s’occuper des zones arides ?
Ayant transhumé ensemble du CNID, Tiébilé ne tarde pas à perdre un de ses camarades de parti, Yoro Diakité, qui, juste au lendemain de son limogeage du gouvernement, s’en va créer le BARA. Ce parti devient, hélas!, confidentiel, faute d’avoir mis la main sur les maroquins convoités. Comme quoi, la transhumance ne nourrit pas toujours son homme ! Au BARA, la faim et la soif sévissent tellement que l’un des fondateurs s’enfuit de ces lieux peu cléments pour aller fonder le BARICA…

Je ne sais pas si Mountaga Tall nourrit ses partisans de cailloux taillés mais il suscite régulièrement des mouvements de transhumance.

En juillet 2010, Ndiaye Bah, son secrétaire général, accompagné d’une dizaine d’autres responsables du CNID, émigrent au PDES, la formation des amis autoproclamés du « Vieux Commando ». Par malheur, deux ans plus tard, ces « sans papiers » politiques se retrouvent orphelins, des soldats ayant contraint le « Vieux Commando » à s’enfuir de son palais à…dos d’homme.Ndiaye Bah et compagnie, qui n’avaient pas prévu cet abracadabrant séisme, scrutent les quatre points cardinaux avant de transhumer chez Soumaila Cissé. Ils espèrent de tout coeur la victoire de ce candidat car dans le cas contraire, adieu la soupe !

En 2002, le président Konaré, qui ne veut pas entendre parler de son ancien dauphin, Ladji Bourama, et qui ne croit pas aux chances de Soumaila Cissé, le candidat de l’ADEMA, soutient la candidature du « Vieux Commando » à l’élection présidentielle. Comme le « Vieux Commando » n’a pas de parti, il lui faut une longue échelle de transhumants pour gravir la colline de Koulouba. L’un de ces transhumants s’appelle Soumeylou Boubèye Maiga qui, tel un magicien Hindou, travaille le jour avec Soumaila Cissé et, la nuit, bat campagne pour le « Vieux commando ». Ce dernier gagne les élections mais, pingre comme Harpagon, il paie Boubèye en monnaie de singe. Furieux, Boubèye transhume de l’ADEMA quand ce parti décide de soutenir la candidature du « Vieux Commando » à la présidentielle de 2007. Récoltant des suffrages de misère, il se répand en critiques vitriolées contre le pouvoir. Le « Vieux Commando » comprend que le compère a vraiment faim; il le nomme donc chef de la diplomatie. Et si, suite au putsch du 22 mars 2012, notre brave diplomate atterrit dans les geôles du capitaine Sanogo, c’est la faute à Dame Chance, n’est-ce pas ? En 2013, Boubèye, qui rêve tout haut des côtelettes grillées de Koulouba, participe aux primaires pour la désignation du candidat de l’ADEMA à la présidentielle. Roulé dans la farine et battu par Dramane Dembélé, jeune loup surgi d’on ne sait où, il retourne à son vieux métier de transhumant pour poser ses valises chez Ladji Bourama, celui-là même qu’il avait contribué à chasser de l’ADEMA en février 2000. C’est dire qu’à force de transhumer, on finit par retrouver de très vieux amis, hein ? Souhaitons que Ladji Bourama garnisse suffisamment la vaste assiette du champion olympique des transhumants afin qu’il jouisse, enfin, d’une paisible retraite. A son âge, il n’est plus très aisé de reprendre son bâton de pèlerin, pardon !, de transhumant pour parcourir les cantines et les râteliers! Problème: Boubèye caresse le rêve d’occuper la primature que lui ont toujours refusée ses amis Konaré et « Vieux Commando ». La primature étant un poste de pleine confiance, Ladji Bourama consentira-t-il à l’attribuer à un ancien maître espion doublé d’un maître transhumant ?

La saison électorale 2013 a, de toute évidence, relancé le championnat national de transhumance. Sans crier gare, Konimba Sidibé, membre fondateur du PARENA, en a claqué les portes pour voler de ses propres ailes et tenter sa chance à la succession de Dioncounda Traoré. Les Maliens ayant réservé à cet homme intègre et cultivé 1% des voix (excusez du peu!), il s’est refugié, lui aussi, chez Ladji Bourama. Au même titre que 22 autres candidats qui croyaient, à tort, pouvoir faire fortune dans les urnes. A ce train, Ladji Bourama va devoir louer des bâches de l’armée et des tentes au Haut Commissariat des Réfugiés de l’ONU pour donner le gîte et le couvert à cette multitude d’hôtes de luxe. Voilà, en effet, des hôtes qui n’aiment ni le tô ni le couscous; ils veulent manger du foie grillé le matin, du méchoui à midi et du jus de papaye la nuit.

Au sortir de la saison de transhumance 2013, Dramane Dembélé arrache de haute lutte le premier prix. Ce trophée avec effigie « Lion des sables » lui sera remis, après les élections, par Soumeylou Boubèye Maiga, champion en titre.

Dramane Dembélé a été investi candidat de l’ADEMA à la présidentielle aux dépens de vieux routiers comme les anciens ministres Iba Ndiaye, Sékou Diakité et Ousmane Sy. On ne sait quelle douce chanson il a chantée à l’oreille de la commission d’investiture, mais, à la surprise générale, il rafle la mise. A la suite d’une campagne menée clopint-clopant, le candidat ramasse une lourde tuile électorale avec seulement 9% des voix. Sidérant score pour le candidat d’un parti – le premier du pays – qui revendique pas moins de 52 députés et 3.500 conseillers municipaux! Dramane se sent trahi par les siens. Pour leur donner la monnaie de leur pièce, il rallie au galop la bannière de Ladji Bourama. Avec lui, il emporte tout ce que l’ADEMA compte de jeunes, laissant les vieux Iba Ndiaye et autres pantois et hagards. La prouesse de Dramane Dembélé est unique dans les annales maliennes : en général, ce sont les responsables d’un parti qui transhument, pas le candidat !


Sékou Diakité n’aura pas de prix ni de médaille mais c’est un éminent transhumant. Ancien ministre de la Solidarité, il ne bénéficie guère de la solidarité de ses camarades lorsqu’il brigue, par deux fois, l’investiture de l’ADEMA à la présidentielle. La première fois, il est vaincu par Dioncounda Traoré; la seconde fois, il succombe face à Dramane Dembélé. Ne pouvant supporter le signe indien qui s’acharne sur lui à l’ADEMA, Sékou transhume à la CODEM, chez son cadet Housseini Guindo alias Poulho, qui en fait aussitôt son directeur de campagne.
Malheureusement, avec 4% des voix, Poulho fait figure honorable mais n’a aucune chance de s’installer cette année à Koulouba. Lui, son parti et l’ensemble de son staff de campagne, Sékou en tête, transhument chez Ladji Bourama. On appelle cela une transhumance collective; elle a bien plus de mérite que la transhumance individuelle puisque, dans notre culture, mieux vaut manger et boire ensemble que tout seul. Chez Ladji Bourama, les nouveaux-venus feront d’ailleurs la paix avec de vieilles connaissances comme Dramane, Boubèye et Moussa Mara. Souvenez-vous que Sékou Diakité était candidat aux primaires ADEMA contre Boubèye et Dramane. N’oubliez pas, non plus, que Poulho avait été investi à la présidentielle par le regroupement dénommé « PUR » au détriment de Moussa Mara, qui, de bonne heure, a transhumé chez Ladji Bourama. Allah soubahana wa tallah va, inch Allah, récompenser Ladji Bourama pour avoir accueilli à bras ouverts et réconcilié des frères musulmans que la vie politique avait séparés.

Si Modibo Sidibé a préféré rester au FDR, où il siège dès le départ, il en va autrement du chef de son parti, Zoumana Mory Coulibaly.

Coulibaly a, aux premières lueurs de 2012, quitté l’ADEMA pour transhumer chez Modibo Sidibé que tout le monde considérait comme le dauphin secret du « Vieux Commando ». Coulibaly met sur pied un parti, les FARE, mais à cause du putsch du 22 mars qui bouleverse tous les plans de carrière, il échoue à propulser son candidat au second tour de la présidentielle de juillet 2013. Ce que voyant, il sèche ses larmes, ramasse ses affaires – y compris les marmites, les fourchettes et les cuillères – et fonce à toutes jambes chez Ladji Bourama ! Il doit savoir ce qu’il fait : un douanier, même sans boussole, détecte toujours la direction des bons vents; un douanier qui n’aurait pas de flair risque d’attraper le kwashorkor, pas vrai ? Or Coulibaly n’est pas un douanier wouyawouya; il a dirigé le bureau des pétroles pendant une décennie : qui dit mieux?

Choguel Maiga, président des Balladins, pardon !, du MPR, n’a jamais renoncé à se réclamer de l’héritage de l’UDPM, parti unique mort et enterré le 26 mars 1991.

En cela, Choguel reste la constance même. Ce qui ne l’empêche pas de transhumer par temps de sécheresse. En mars 2012, il fait partie des anti-putschistes les plus véhéments.Quand vient l’heure de signer des plateformes électorales, il refuse de signer celle du FDR afin de garder ses mains et, surtout, ses pieds tout à fait libres. Apprenant que le FDR a réalisé un piètre score le 28 juillet 2013, Choguel revêt son plus beau boubou (l’un de ceux qu’aimait porter Balla!) pour venir taper à la porte de Ladji Bourama.

On croyait que la transhumance épargnait les femmes.
Mais que non ! Dame Haidara Aissata Cissé dite Chato fait la preuve magistrale que c’est aussi une discipline féminine. Animatrice du PDES, le parti des orphelins politiques du « Vieux Commando », Chato loupe l’investiture du parti à la présidentielle. Elle se porte candidate indépendante et parvient à battre quelques hommes bien barbus qui se croyaient populaires. Comme son score ne permet pas de faire bouillir la marmite par les temps qui courent, elle a sollicité l’hospitalité de Ladji Bourama. Décidément, Ladji n’est pas soutenu par les musulmans pour rien: il a un solide sens de la charité islamique! Quant à Chato, on ne peut rien lui reprocher : si le « Vieux Commando » lui-même n’a pas hésité à transhumer de son palais, puis à Dakar, pourquoi ses disciples se gêneraient-ils de l’imiter ? N’est-ce pas là, au demeurant, une forme d’attachement à ses idéaux et à son action ?

Ousmane Ben Fana Traoré, ex-conseiller spécial du « Vieux Commando » et fondateur du PCR, n’a fait ni une ni deux: comme il n’habite pas très loin de Sébénicoro, il s’est refugié chez Ladji Bourama dès que le ministre de l’Administration Territoriale, l’homme des « tendances », l’a crédité de 0% des voix et poussières.

Oumar Ibrahim Touré, contrairement à ses confrères, est un transhumant par devoir. Ayant perdu l’amitié de Soumaila Cissé qui l’avait fait ministre, il a pâti de la chute du « Vieux Commando » et échappé de justesse aux griffes de la cour d’assises. Il a jugé bon de présenter son programme (hum !…) aux Maliens qui l’ont envoyé dans les filets avec un score maigre comme un rat d’église. Touré a aussitôt filé chez Ladji Bourama où il espère trouver un lot de consolation.

Arrêtons-nous là pour l’instant; la liste des passagers, que dis-je ?, des transhumants ne finira jamais.
On a tellement transhumé ces derniers temps que des villes entières, pardon!, des regroupements politiques entiers ont disparu comme, par exemple, la Convergence pour Sauver le Mali (CSM) naguère habitée par Mountaga Tall, Moussa Mara, Poulho et Ben Fana Traoré. Dans un pays pauvre comme Job, voyez-vous, quiconque reste couché dans sa case risque d’y crever de faim.Il faut transhumer pour chercher sa pitance. S’ils n’émigrent pas, qui va rembourser aux uns et autres les 10 millions de caution et les fortunes dépensées pour obtenir les parrainages de candidature ? Dans un mois, quand Ladji Bourama aura été, comme c’est probable, élu président, il recevra de nouvelles vagues de transhumants en quête de poulet rôti et d’eau fraîche. On observera le mouvement inverse s’il arrive que Soumaila Cissé gagne le second tour car un transhumant, un vrai, a toujours deux vestes: il laisse tomber la première dès que le sort change de camp.

Certes, nul ne peut en vouloir à Ladji Bourama, qui cherche à gagner une élection très disputée, d’accueillir des alliés volontaires. S’il les rejetait, ils iraient renforcer le camp de son rival. Mais question: comment Ladji Bourama gérera-t-il, une fois élu, cette foule de refugiés, de déplacés, de voyageurs, d’auto-stoppeurs, de migrants et de « sans papiers » politiques ? Re-question: Comment évitera-t-il le consensus de la marmite que le « Vieux Commando » avait institué ? Ladji Bourama a sûrement la réponse à ces questions. A 68 ans, il en a déjà vu des vertes et des mûres.Il sait qui est qui, qui a fait quoi et qui mijote quoi.Il sait le poids et l’appétit politiques des uns et des autres.

Au total, la colonie de transhumants qui gravite autour de Ladji Bourama compte 80 partis politiques, un gros millier d’associations et 23 candidats malheureux à la présidentielle de 2013.

Faute de place à Sébénicoro, leur campement provisoire, certains de nos amis nomades dorment sous les arbres et au bord du fleuve tout proche. Et pour qu’on n’oublie pas de leur apporter le déjeûner et le dîner, ils poussent aux heures de repas de hauts cris, c’est-à-dire des « communiqués de soutien » lus sur l’ORTM et les radios privées.

Par Tiékorobani

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