À l’instar des autres pays, le gouvernement du Mali a décidé une série de mesures d’accompagnement pour atténuer en partie les multiples impacts de la propagation du coronavirus sur les acteurs de l’économie, et donc, in fine, sur les populations. Une batterie de mesures ont été retenues, après consultations entre partenaires de l’exécutif et du secteur privé. Des mesures que le chef de l’Etat a annoncées lors d’une adresse solennelle à la population.
À la suite de rencontre, le 31 mars dernier à la primature, entre le secteur privé malien et le Premier ministre Dr. Boubou Cissé, une commission, composée de membres du gouvernement et de représentants du secteur privé, avait été mise en place, pour réfléchir et proposer des mesures urgentes dans le but de réduire sensiblement l’impact de la pandémie sur les activités économiques et la population en général.
Les trois faîtières du secteur privé malien, le Conseil national du patronat, la Chambre de commerce et d’industrie du Mali ainsi que le Conseil malien des chargeurs, avaient élaboré de concert une batterie de 36 propositions, susceptibles de contribuer à atténuer les lourdes conséquences des mesures de prévention et le bouleversement de l’environnement économique international consécutif à la pandémie mondiale.
Sur les 36 propositions du secteur privé, le gouvernement de Boubou Cissé a ainsi arrêté 15 mesures phares, qui concilient à la fois la volonté des pouvoirs publics d’alléger le poids de l’impact du coronavirus sur les activités, mais aussi à même de soulager l’impact direct sur les populations. À ces 15 mesures, indirectes pour soutenir l’activité, le gouvernement envisage également 9 autres mesures cette fois, nettement plus sociales, dont l’impact immédiat devrait se ressentir sur la consommation et le pouvoir d’achat des ménages.
Ainsi, comme le chef de l’Etat l’a annoncé, les ménages devraient théoriquement bénéficier de la gratuité de l’eau et de l’électricité pour les tranches sociales. Pour l’électricité, il s’agit de la gratuité jusqu’à une consommation de 100 kWh.
Parmi les mesures sociales, les autorités vont également «procéder à une distribution alimentaire gratuite auprès des populations vulnérables touchées par le COVID 19» ainsi qu’à la prise «en charge pour les mois d’avril et de mai, des factures d’électricité et d’eau pour les tranches sociales».
À ces mesures pour soulager les charges de la population, il sera également procédé à l’exonération «des droits et taxes au cordon douanier des produits sanitaires entrant dans le cadre de la lutte contre le COVID 19», dans le cadre des mesures envisagées pour la riposte sanitaire à la pandémie. Cette mesure devrait également contribuer à davantage renforcer le plateau technique sanitaire et améliorer en élargissant l’offre de soins indispensables pour la prévention et le traitement de la maladie.
Apurer la dette intérieure et doper la production nationale
Au-delà, le gouvernement a mis en branle une série d’instruments économiques, notamment de régulation et des dispositifs fiscaux pour soutenir l’effort des entreprises du secteur privé national. Ces mesures vont des différentes dispositions de soutien à la production, à l’approvisionnement du marché de la consommation en passant par les financements. Les décisions couvrent toute la palette du secteur économique.
Ce qui explique qu’une des mesures phares, décidées par le gouvernement, est de faciliter l’approvisionnement correct du marché pour éviter toute tension sur l’offre des produits de consommation courante. Ainsi, l’Etat va procéder à l’exonération des «droits et taxes au cordon douanier sur les produits de première nécessité», notamment le riz et le lait, deux denrées de grande consommation et essentiellement importées, car la production nationale n’est pas en mesure de couvrir les besoins nationaux.
Le gouvernement entend «mettre à disposition des importateurs les capacités de stockage de l’OPAM ou de toute autre capacité de stockage non utilisée du Mali». Cette mesure procède du souci d’assurer une constante disponibilité de l’approvisionnement correct du marché en augmentant ainsi la capacité des opérateurs à disposer de stocks suffisants pour éviter les ruptures.
Par ailleurs, l’Etat, à travers plusieurs actions, procèdent à une quasi subvention de l’économie malienne, en cédant ou en allégeant la pression fiscale et autres opérations de recettes directes ou indirectes. Parmi ces actions, on note les «remises d’impôts directs» de même que la mobilisation du Fonds de garantie du secteur privé qui sera aussi doté d’un montant de 20 milliards de FCFA supplémentaires, destiné aux besoins de financement des entreprises relevant le plus souvent des SFD.
En plus de l’apurement de «la dette intérieure fournisseur avant le 30 avril 2020», permettant ainsi d’assurer considérablement la marge financière des entreprises du secteur privé national (fournisseurs), le gouvernement envisage aussi d’orienter exclusivement ou presque «la commande publique en faveur des productions nationales».
Cette mesure permettra d’assurer la poursuite de l’activité pour bon nombre d’entreprises, parfois confrontées à un déficit de productivité. Celles-ci pourraient également profiter d’une baisse du coût de l’électricité pour les unités industrielles pour ce qui concerne les entreprises du secteur de la production, avec notamment une réduction considérable de la TVA sur l’eau et l’électricité.
Une subvention, hors impôts, de 291,201 milliards Fcfa
Le gouvernement n’a pas accédé à une série de propositions du secteur privé, comme par exemple «demander à l’Etat d’accompagner les entreprises auprès des autorités portuaires en vue d’annuler les frais liés au transit», ou l’intermédiation auprès des banques, tout cela relevant des relations de partenariat entre acteurs privés eux-mêmes.
Toutefois, sur le chapitre du financement de l’activité, les autorités entendent agir sur les taux bancaires en faveur des entreprises, en contenant les taux pratiqués au niveau national autour de 4,5%, en rapport avec celui de 2,5% de la BECEAO.
De même, le secteur privé, notamment le Conseil malien des chargeurs, avait mis à profit cette opportunité pour demander l’application et la généralisation du régime suspensif applicable aux marchandises importées. Le gouvernement n’a pas voulu se plier à cette instance, dont les dérives inhérentes et la spécificité des dispositions induisaient à la fois un autre niveau de traitement, de même qu’elle aurait pu priver le pays d’importantes ressources financières de la part des PTF pour qui, il se serait agi là d’une rupture d’engagements et d’accords conclus.
En dehors de l’évaluation financière des multiples mesures relatives à la fiscalité, l’ensemble des actions envisagées par les pouvoirs publics se chiffre pour l’heure à un montant de 291,201 milliards Fcfa.