SYNERGIE DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE ET DE LA CNDH
ÉLECTIONS LEGISLATIVES 2020 AU MALI
Deuxième tour des élections législatives – 19 avril 2020
DECLARATION PRELIMINAIRE
Conformément à son rôle de contrôle citoyen neutre, impartial et professionnel, la Mission d’Observation Electorale (MOE) de la Synergie 2020 constituée de :
Pool d’Observation Citoyenne du Mali – POCIM, constitué de l’’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali (OBSERVATOIRE), le Groupe Pivot/ Droit et Citoyenneté de la Femme (GP/DCF), Le Conseil National de la Jeunesse du Mali (CNJ), les Volontaires pour le Mali (VPM) ; Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD) ; CONSORTIUM ELE composé de l’organisation Droits de l’Homme au Quotidien (DHQ), l’Association Malienne des Interprètes en Langues de Signes (AMILS), Jeunes Citoyens du Mali (JCM) et de Protection des Droits Humains (PDH) ; Centre d’assistance et de promotion des Droits Humains (CapDH) ; DONIBLOG-Communauté des Bloggeurs du Mali ; Malick KONATE, et La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) ;
Sur financement de l’Ambassade Royale du Danemark (ARD) à travers le Fonds d’Appui aux Moteurs du Changement (FAMOC) et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) ;
A observé le scrutin du 2e tour des législatives au Mali tenu le 19 avril 2020, dans un contexte marqué par d’importants défis sanitaires, organisationnels et sécuritaires.
Pour ce faire, la MOE de la Synergie a déployé 71 Observateurs à long terme (OLT) et 1 030 Observateurs à Court Terme (OCT) dont 45 observateurs sourds, couvrant les 43 circonscriptions électorales du second tour. Elle a mis en place son dispositif au sein de l’hôtel Radisson Blu, ACI 2000, Bamako.
Comme lors du 1er tour, la Synergie a constitué trois chambres dont les responsabilités et les rôles sont différents mais intégrés dans un dispositif d’alerte, d’analyse et de réponse au monitoring du processus électoral. Il s’agit de la Chambre de décisions (leaders de la société civile et la CNDH), de la Chambre intermédiaire (analystes politique, sécurité, genre, handicap, électoral et juridique et la CNDH) et de la Chambre technique (les gestionnaires des données).
La présente déclaration préliminaire de la MOE est une évaluation du contexte entre les deux tours et du jour du scrutin du second tour.
Elle est basée sur les activités et interactions des observateurs avec les différents acteurs et sur le déroulement du scrutin, le processus de dépouillement et le début de la centralisation des résultats.
La MOE publiera ultérieurement un rapport final comprenant une analyse complète du processus.
RÉSUMÉ
Le scrutin législatif du 19 avril 2020 constitue une étape importante dans le processus de stabilisation politique et institutionnelle d’un pays fragilisé par une crise multidimensionnelle depuis 2012.
La campagne électorale, qui a débuté le 10 avril pour se clôturer le 17 avril, a été terne et surtout fortement affectée par les conditions sécuritaires et sanitaires (COVID-19) du moment.
Les médias publics et privés ont pu couvrir le processus électoral du 2ème tour de manière libre et sans entraves majeures.
CONSTATS ET OBSERVATIONS
La MOE a observé 2.318 bureaux de vote, le jour du scrutin.
1. L’ouverture des bureaux de vote
ü 98% des bureaux de votes observés par les 1.030 observateurs de la Synergie ont ouvert à 8h et 2% après 8h.
2. La disponibilité du matériel
Les observateurs de la Synergie ont noté que le matériel électoral était disponible et en quantité suffisante dans la plupart des bureaux de vote observés. Cependant, la mission a constaté le manque de produits sanitaires et hygiéniques liés à la pandémie du CORONA Virus et de matériel électoral dans certains centres de vote.
3. Les agents électoraux
Dans la majorité des bureaux observés par les observateurs de la Synergie, les agents électoraux étaient au complet. Les absences d’agents électoraux constatées ont été suppléées conformément aux dispositions légales.
4. La présence des observateurs et des délégués des candidats
La présence des observateurs nationaux sur l’ensemble du territoire a été remarquée dans des bureaux de vote (BV). Ceux-ci avaient un libre accès aux BV et pouvaient exercer leur rôle sans restriction. Les délégués des candidats ont également été déployés dans les bureaux de vote.
5. Le déroulement du scrutin
Dans les localités où le vote a eu lieu, le scrutin s’est globalement bien déroulé. Le secret du vote a été respecté dans tous les bureaux où les isoloirs étaient bien disposés. Les observateurs n’ont pas constaté une utilisation abusive des procurations. Des cas d’achats de votes et de spéculations sur les cartes d’électeur ont été constatés.
Au titre des incidents et dysfonctionnements :
Il n’y a pas eu de vote à :
==> Diankabou, cercle de Koro, région de Mopti depuis le premier tour ;
==> Talataye et Ouatagouna dans le cercle d’Ansongo ;
==> la commune de Gabero dans le cercle de Gao ;
==> Sinam et Dougouradji, Commune Tienkour, cercle de Diré ;
==> Gossi et Adiora dans le cercle Gourma Rharous, région de Tombouctou ;
==> Communes de Salsalbe, Ouoro-Mody, Koubaye, centres de Poutchi (commune de Socoura) ;
==> Badiogo, Fatoma, cercle de Mopti
L’après-midi a été marqué par la démultiplication de la pratique d’achats de votes dans plusieurs centres à travers le pays notamment :
==> Au centre Fa KEITA de Pelengana, cercle de Ségou ;
==> Au centre IJA de Faladiè en Commune VI du District de Bamako ;
==> Au Centre de vote des 1008 logements en Commune VI du District de Bamako ;
==> Centre de vote Magnambougou projet en Commune VI du District de Bamako ;
==> Ecole A Wayerma 1 de Sikasso ;
==> Groupe scolaire de Macina ;
==> Groupe scolaire Robert CISSE I et II de Mopti ;
==> Ecole B 2e cycle, Bureau N°2 de Bafoulabé ;
==> Centres EDC et plateau 2 de Koulikoro ;
==> Groupe scolaire Kolokani B ;
==> Groupes scolaires Heremakono nord et centre de Bougouni ;
L’absence des forces de sécurité a été relevée au niveau de certains centres de vote à Gongasso, Tabarako, Kaboïla, école Dadoumabougou, école Coulibalybougou, école Donièna et à l’école communautaire Bilasso de la commune de Loulouni, dans la région de Sikasso.
6. La clôture et dépouillement
La loi dispose qu’à la clôture du scrutin, le dépouillement se fait immédiatement dans le bureau de vote et en public. Si dans la plupart des bureaux (85%) ces règles ont été respectées, les observateurs ont relevé que dans certains centres de Bamako, le public a été tenu à l’écart par les forces de l’ordre.
7. Les Médias
La mission a noté une couverture médiatique pluraliste marquée par l’impartialité des médias publics et privés. Les médias ont généralement joui de la liberté de la presse.
Des publications tendancieuses des résultats par anticipation sur les réseaux sociaux ont été observées par la MOE comme sources potentielles de violences postélectorales.
Il a été observé une prolifération de fausses nouvelles diffusées à travers ces canaux en ligne.
La MOE a mis à profit l’utilisation de ces réseaux sociaux pour partager, communiquer et diffuser l’actualité du scrutin.
8. La Participation
La MOE rappelle le taux de retrait des cartes d'électeur région par région, avant le Premier tour des législatives 2020, comme suit : Kayes : 70,29% ; Koulikoro : 64,27% ; Sikasso : 71% ; Ségou : 73,39 ; Mopti : 62,52% ; Tombouctou : 71,50% ; Gao : 68,11% ; Kidal : 53,13% et Bamako : 24,56%.
8.1. Le taux de participation global à la clôture était de 23,22%.
8.2. La mission a noté que 53,87% des votants étaient des femmes.
8.3 Concernant la participation des personnes vivant avec un handicap, le scrutin a été marqué par une sensibilisation des personnes vivant avec un handicap notamment les personnes sourdes qui ont eu accès aux messages signés des candidats.
Au regard des difficultés d’accès à la plupart des bureaux de vote, le taux de participation des personnes vivant avec un handicap s’établit à 1% des votants.
9. La société civile
La société civile malienne a démontré sa capacité à s’impliquer dans l’organisation des élections mais aussi dans la sensibilisation des citoyens pour une meilleure participation aux élections.
10. Les Recommandations
A ce stade de l’observation du deuxième tour des élections législatives, et pour améliorer les conditions de la poursuite des opérations, la mission recommande :
Au Gouvernement :
- la préservation des droits des électeurs et des candidats par leur sécurisation et la garantie de l’égalité de chance des candidats ;
- la transparence du processus électoral ;
- la prise de mesures pratiques afin de faciliter l’accès aux bureaux de vote des personnes vivant avec un handicap ;
- la transcription des noms des candidats et des partis politiques en braille sur les bulletins de vote ;
- le renforcement de la confiance entre les principaux acteurs du processus ;
- la publication des résultats, bureau de vote par bureau de vote, au nom des principes de la transparence des élections et du droit à l’information ;
- la publication de la liste complète des bureaux de vote non fonctionnels et ceux ayant fermé avant l’heure, lors des deux tours des élections législatives ;
- le renforcement des capacités des agents électoraux ;
- la poursuite, en lien avec la société civile, des initiatives d’appels collectifs au calme des populations et de tous les acteurs politiques ;
- la réactivation du programme national d’éducation civique.
A la CENI
- une veille plus attentive sur les droits des électeurs et des candidats ;
- la publication périodique de ses observations durant tout le processus.
A la Cour constitutionnelle
- une veille plus attentive sur les droits des électeurs et des candidats ;
- le renforcement du mécanisme d’investigation en vue d’une meilleure gestion du contentieux électoral ;
- l’application des dispositions de la loi organique relativement à la qualité de ses délégués au niveau des bureaux de vote.
Aux partis politiques et aux candidats :
- le respect des dispositions de la charte des partis politiques, notamment la formation à la citoyenneté et l’interdiction de l’achat des consciences ;
- l’adoption et le respect d’un code de bonne conduite lors de chaque élection ;
- la poursuite, dans la voie du dialogue et de la concertation, du règlement de toutes les divergences pouvant naître du processus électoral ;
- le recours aux juridictions compétentes pour le règlement de tout contentieux électoral.
Aux organisations de la société civile et à la CNDH :
- la poursuite et l’intensification de leur mission d’éducation civique et de sensibilisation de la population, de promotion et de protection des droits de l’homme sur toute l’étendue du territoire malien ;
- l’invitation des leaders religieux à poursuivre leur appel à la cohésion sociale, au respect des règles institutionnelles et électorales.
- la sensibilisation à l’observance stricte des mesures de protection et des gestes barrières, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus.
Aux citoyennes et aux citoyens
- le rejet et la condamnation de l’achat de conscience ;
- l’observance stricte des mesures de protection et des gestes barrières, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus.
A la communauté internationale :
- la poursuite et le renforcement de son appui multiforme aux acteurs locaux du processus électoral ;
- le renforcement de son soutien technique et matériel aux autorités maliennes dans leurs efforts pour l’instauration de la paix et de la sécurité sur toute l’étendue du territoire ;
- le renforcement de la coopération entre les Forces Armées Maliennes, les Forces de la MINUSMA, Barkhane et du G5 Sahel dans la coordination et la sécurisation du processus électoral ;
- le renforcement de la lutte contre le covid19 au Mali.
La MOE poursuit actuellement l’observation de la centralisation des résultats dans les cercles et le District de Bamako. Les procédures s’effectuent jusqu’à présent de manière transparente, avec la participation des représentants des candidats.
La MOE poursuivra l’observation dans les cercles, le District de Bamako et au niveau national jusqu’à l’annonce des résultats provisoires par le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD) et la proclamation des résultats définitifs par la Cour Constitutionnelle.
La MOE de la Synergie salue les efforts du Gouvernement, de la CENI, de la DGE, de la Classe Politique, de la Société Civile, des médias, du Peuple malien et de la Communauté internationale qui ont concouru à la tenue des élections législatives de 2020.
Elle remercie les observateurs, les gestionnaires de la chambre technique, les experts de la chambre des analystes et de la chambre politique, les Partenaires techniques et financiers, notamment l’Ambassade Royale du Danemark (ARD) , le Fonds d’Appui aux Moteurs du Changement (FAMOC) et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), la Haute Autorité de la Communication et toutes les autres bonnes volontés qui l’ont accompagnée.
La Mission encourage les parties prenantes au processus électoral de créer les conditions de paix et de sécurité sans lesquelles la marche vers le développement inclusif n’est point possible.
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